Côte d’Ivoire : Ibrahima Konaré, serial bâtisseur

Régulièrement mandaté par Ecobank, l’architecte ivoirien convoque des symboles africains tout en défendant l’usage du verre, pourtant souvent décrié sous les tropiques.

À la Bibliothèque nationale de France (Paris), en août 2015. © CAMILLE MILLERAND POUR J.A.

À la Bibliothèque nationale de France (Paris), en août 2015. © CAMILLE MILLERAND POUR J.A.

ProfilAuteur_SeverineKodjo

Publié le 9 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Quatre mille tonnes de béton, 2 000 t d’acier, 1 200 m2 d’Alucobond, 3 000 m2 de vitrage… pour 11 000 m2 de bureaux répartis sur 10 étages. C’est un immeuble imposant, surplombant la lagune Ébrié, qui a été inauguré le 10 juillet à Abidjan. La filiale ivoirienne du groupe panafricain Ecobank Transnational Incorporated a fêté en grande pompe la réalisation de son siège dans le quartier des affaires de la capitale économique. Un projet qui pendant quarante-trois mois aura fait travailler plus de 2 000 ouvriers et aura coûté 12 milliards de F CFA (18,3 millions d’euros) à la banque, qui un mois plus tôt, le 12 juin, inaugurait sa représentation bamakoise. Deux bâtiments pour une même ambition : développer son rayonnement sur le continent et afficher une image de modernité et d’efficacité. Deux ouvrages et un même bâtisseur : Ibrahima Konaré.

Pour l’architecte ivoirien, âgé de 52 ans, ce n’est pas un coup d’essai. Loin s’en faut. Ecobank avait déjà fait appel à lui en 2005-2007 pour la conception et la réalisation de son siège à Lomé, avant de lui confier ceux de Brazzaville, de Kinshasa, ou encore de Cotonou… Homme discret, peu disert, qui préfère l’efficacité dans l’ombre à l’agitation médiatique, Ibrahima Konaré construit une Afrique urbaine et moderne, profondément enracinée dans son terroir. « Dans l’architecture que je réalise, affirme-t’il, j’essaie de ne pas faire d’œuvres gratuites, mais je les ancre dans les cultures locales. Pour le siège d’Ecobank à Bamako, je me suis inspiré du ciwara, symbole de la bravoure malienne. Pour celui d’Abidjan, j’ai voulu travailler à partir de l’emblème de la Côte d’Ivoire avec la trompe de l’éléphant et du tabouret akan pour marquer l’assise de ce projet dans sa terre d’accueil. »

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Des symboles pouvant échapper à un œil peu vigilant qui se laisserait éblouir par les imposantes parois de verre s’élevant dans les airs et n’y décèlerait qu’une aberration écologique sous des latitudes tropicales. « Nous utilisons beaucoup les panneaux vitrés car, contrairement aux idées reçues, grâce aux nouvelles technologies, cela nous permet de réduire les effets nocifs de l’ensoleillement. La plupart du temps, il s’agit d’un double vitrage qui bloque les rayons ultraviolets et qui permet de réduire jusqu’à 40 % de l’ensoleillement. Dans le cas du siège abidjanais d’Ecobank, nous avons pu ainsi réaliser plus de 20 % d’économies d’énergie au niveau de la climatisation grâce à ces vitraux », explique l’architecte, qui depuis dix ans passe sa vie dans les avions, parcourant le monde, et l’Asie en particulier, à la recherche de nouveaux matériaux et de solutions innovantes adaptées aux rigueurs du climat africain.

« Inoxydable »

Nous avons aussi besoin de visionnaires, de ces personnes qui voient l’intérêt général au-delà de leur temps.

« Sur le continent, à cause notamment de l’humidité, nous avons pu observer des phénomènes de corrosion sur certains matériaux prétendument inoxydables. Cela pose un véritable problème quant à la durabilité de ce que nous construisons. » C’est ainsi que, pour parvenir à donner un cachet naturel, imitation terre, au futur hôtel Azalaï qui devrait être livré à Abidjan, en Zone 4, dans le courant du premier trimestre 2016, Ibrahima Konaré est allé chercher un revêtement composite fabriqué en Espagne, qui résiste à l’humidité.

« Ce qui nous manque en Afrique, reconnaît celui qui dit être influencé par Le Corbusier, Oscar Niemeyer et Richard Meier, c’est la recherche locale et, de manière générale, la stabilité, pour pouvoir construire sur le long terme. Nous avons aussi besoin de visionnaires, de ces personnes qui voient l’intérêt général au-delà de leur temps. Houphouët-Boigny était l’un d’entre eux. C’est à Yamoussoukro que j’ai eu la passion de l’architecture quand j’ai assisté à la sortie de terre de cette capitale », confie celui qui aimerait dorénavant pouvoir se consacrer à des projets davantage tournés vers l’humain. « L’histoire d’une ville se raconte à partir de ses lieux de culture. Une mégapole comme Abidjan doit se doter d’un musée national moderne, d’une grande bibliothèque, de centres culturels… » De nouveaux chantiers à explorer.

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