BTP : Bonkoungou accélère sa croissance régionale

Après avoir fait ses armes au Burkina Faso, le PDG d’Ebomaf étend sa toile dans la sous-région. Son groupe est actif au Togo, au Bénin, au Tchad, en Guinée, en Côte d’Ivoire… Et il ne compte pas s’arrêter là.

À 49 ans, l’entrepreneur emploie 3 000 personnes dans six pays. © DR

À 49 ans, l’entrepreneur emploie 3 000 personnes dans six pays. © DR

Publié le 8 septembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Début août, Mahamadou Bonkoungou est définitivement entré dans la cour des grands. En lançant les travaux de réhabilitation de la route Ferkessédougou-Kong, dans le Nord ivoirien, son groupe Entreprises Bonkoungou Mahamadou et Fils (Ebomaf) confirme son statut régional.

« L’entrée du leader burkinabè du génie civil dans le secteur très disputé des grands travaux ivoiriens résulte d’un partenariat public-privé qui s’appuie sur un montage élaboré par Ebomaf, et qui est financé à hauteur de 83 milliards de F CFA [126,5 millions d’euros] par un consortium de banques dirigé par Société générale Burkina Faso, pour un délai de remboursement de sept ans », a expliqué l’entreprise dans un communiqué.

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Parcours d’un homme d’affaires

Né à Dédougou, dans la Boucle du Mouhoun (Ouest), Mahamadou Bonkoungou, 49 ans, s’est lancé dans le BTP à la fin des années 1980, alors qu’il venait tout juste d’obtenir son baccalauréat scientifique. Issu d’une famille de négociants, il s’est illustré d’abord en décrochant de petits contrats comme la réalisation de forages ou l’équipement des écoles et de l’administration locale. Il a aussi fait le commerce de l’or et des cassettes et appareils de musique importés de pays voisins.

Au fur et à mesure, il transforme Ebomaf en une société à responsabilité limitée, puis en société anonyme en augmentant le capital, qui passe alors de 5 millions à 300 millions de F CFA. Mais l’entreprise reste sous contrôle familial puisque Mahamadou Bonkoungou en est le copropriétaire avec ses deux aînés. Ayant appris les techniques du BTP sur le tas, cet autodidacte s’entoure des meilleurs techniciens, qu’il débauche de France ou de Tunisie par exemple.

Ses détracteurs expliquent cette ascension par des liens avec le général Gilbert Diendéré

En 2006, l’homme d’affaires passe à la vitesse supérieure. Le groupe se porte candidat sur tous les appels d’offres et décroche de nombreux contrats. À son actif au Burkina Faso, des chantiers comme le palais de Kosyam, siège de la présidence, la construction de la route Koudougou-Dédougou, les travaux de viabilisation du projet Zaca pour environ 17,7 milliards de F CFA. Cette zone d’activités commerciales et administratives est, après Ouaga 2000, l’un des plus ambitieux projets d’urbanisme lancés par le gouvernement burkinabè.

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Le budget total de ce chantier, qui vise à réhabiliter les vieux quartiers de la capitale, s’élève à un peu plus de 250 milliards de F CFA. Ebomaf a également été chargé de réaliser les bâtiments qui ont accueilli les célébrations tournantes de la fête de l’Indépendance dans les chefs-lieux de région. Au fil des ans, le groupe est ainsi devenu un acteur incontournable dans le secteur. « Nous employons quelque 3 000 personnes réparties dans six pays », explique l’entrepreneur, qui refuse toutefois de communiquer sur son chiffre d’affaires.

Vers l’internationalisation

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Les succès enregistrés sur le plan national ont donné à Bonkoungou l’assise financière suffisante pour s’internationaliser. Au Togo, son groupe a mené à bien les travaux de rénovation du boulevard du 13-Janvier, l’une des principales artères de Lomé. En 2014, Ebomaf a aussi réalisé, en Guinée, les travaux d’aménagement de la route Kankan-Kissidougou, longue de 194 km. Un chantier de 306 millions d’euros. « Et nous comptons bien attaquer de nouveaux marchés dans d’autres pays », annonce Mahamadou Bonkoungou, qui est par ailleurs déjà actif au Bénin et au Tchad.

Décrit par ses proches comme un travailleur inlassable, ce self-made-man a su hisser son groupe au premier rang d’un secteur longtemps dominé par les entreprises OK, d’Oumarou Kanazoé, décédé en 2011, qui fut longtemps président de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso. Parmi les poids lourds du secteur figurent aussi Cogeb International, dirigé par Moctar Mando, l’Africaine de Travaux publics (ATP) de Mahamadi Sawadogo dit Kadhafi, CGE BTP de Saïdou Tiendrébéogo ou encore Bâtiment-Travaux publics- Maintenance (BTM) de la femme d’affaires Henriette Kaboré.

Dans cet environnement très concurrentiel, Bonkoungou a su se distinguer car « c’est un manager rigoureux et très exigeant avec ses collaborateurs », souligne l’ancien ministre de l’Administration territoriale Toussaint Abel Coulibaly.

Méfiance sur sa réussite

Mais, à Ouagadougou, certains s’interrogent sur les dessous d’une telle réussite. D’aucuns évoquent ses appuis politiques sous le régime de l’ancien président. Lors de l’insurrection d’octobre 2014, les locaux d’Ebomaf à Ouagadougou ont été pillés et brûlés.

Pour ses détracteurs, l’expansion fulgurante d’Ebomaf a été facilitée par les rapports que Mahamadou Bonkoungou entretiendrait avec le général Gilbert Diendéré, ancien responsable des services de renseignements et chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré. On dit de Diendéré, spécialiste des libérations d’otages, qu’il était très attentif aux problèmes des hommes d’affaires et n’hésitait pas à leur apporter son soutien.

« Ce sont des allégations sans fondement. C’est en respectant les cahiers des charges et en livrant des ouvrages de qualité qu’Ebomaf a bâti son succès. Aucun homme politique ne détient des actions dans ma société. J’en suis l’unique propriétaire avec mes enfants », tient à réaffirmer le patron, pour qui les entreprises qui recourent aux coups de pouce du pouvoir « finissent toujours par échouer ». Abondant dans le même sens, l’ancien ministre Toussaint Abel Coulibaly affirme : « Sans compétences, les relations politiques ne servent à rien. Bonkoungou n’est pas le seul à avoir travaillé avec l’ancien régime, mais peu ont rencontré un tel succès… »

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