La diplomatie mauritanienne en a fini avec le tropisme maghrébin

Alors que les relations avec Rabat sont glaciales et que celles avec Alger se rafraîchissent, Nouakchott opère un rapprochement savamment contrôlé avec ses voisins subsahariens.

De gauche à droite, les présidents du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, du Tchad, Idriss Deby, de Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, du Niger, Mahamadou Issoufou et du Burkina Fasso, Michel Kafando, sont réunis le 19 décembre 2014 à Nouakchott. © Ahmed Ould Mohamed Ould ElHadj/AFP

De gauche à droite, les présidents du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, du Tchad, Idriss Deby, de Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, du Niger, Mahamadou Issoufou et du Burkina Fasso, Michel Kafando, sont réunis le 19 décembre 2014 à Nouakchott. © Ahmed Ould Mohamed Ould ElHadj/AFP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 9 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Un an après la réélection de Mohamed Ould Abdelaziz, la conjoncture économique est difficile et le climat social tendu. © Patrice Terraz/Signatures
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Mauritanie : en noir et blanc

Un an après la réélection de Mohamed Ould Abdelaziz, la conjoncture économique est difficile et le climat social tendu. De quoi remettre en lumière la diversité, les contradictions et les faiblesses du pays aux mille poètes.

Sommaire

La politique extérieure de la Mauritanie poursuit astucieusement son changement de cap. « Fini la priorité donnée au Maghreb pour cause d’arabité mythique, comme du temps du président Taya, souffle un chaud partisan de cette redistribution des cartes. Nous renouons enfin avec notre histoire et notre géographie, qui nous positionnent comme un trait d’union entre le nord et le sud du Sahara, entre les Blancs et les Noirs. »

Cap au sud

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À l’évidence, le président Ould Abdelaziz a mis le cap au sud, sans tambour ni trompette. Les relations avec le Maroc sont glaciales et celles avec l’Algérie, qui étaient relativement bonnes depuis cinq ans, se sont dégradées de façon surprenante ces derniers mois, comme on l’a vu avec l’expulsion du chargé d’affaires algérien, en avril, sous prétexte de déclarations à la presse mauritanienne où ce dernier rappelait que le Maroc est le grand pourvoyeur régional de haschich et, en tentant d’influencer les journalistes du pays, aurait ainsi fait preuve d’« ingérence ».

Une politique de petits pas a ainsi insensiblement rapproché la Mauritanie de ses voisins du Sud et de l’Est

Cela sent le prétexte à plein nez, car il n’y a vraiment pas de quoi crier à la délation concernant les petits travers d’un pays frère, quand toutes les études, y compris celles de l’ONU, les confirment… Le chef de l’État n’est pas bavard sur les motivations de son pivotement stratégique. Elles peuvent aller du désir de se soustraire à un certain impérialisme de ses deux voisins du Nord et de la déception que suscite la paralysie de l’Union du Maghreb arabe (UMA) à la conviction qu’il sera plus facile à Nouakchott de parler d’égal à égal et de commercer avec les pays d’Afrique subsaharienne, moins puissants, moins riches et plus demandeurs.

Une politique de petits pas a ainsi insensiblement rapproché la Mauritanie de ses voisins du Sud et de l’Est. Depuis 2007, on a vu réapparaître ses représentants aux réunions de la Cedeao, qu’elle avait quittée en 1999. Une nouvelle avancée a été notée en août 2014 avec la signature d’un « protocole d’entente ouvrant des négociations pour un accord d’association » entre la Cedeao et la Mauritanie. Cette démarche devrait déboucher sur un texte en bonne et due forme d’ici à la fin du mois de septembre.

Le militaire joue sa partition

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Le fait que Mohamed Ould Abdelaziz ait présidé l’Union africaine durant l’année 2014 et que la lutte contre les terrorismes exige des actions concertées sur le terrain dans le cadre du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) explique que le militaire joue, lui aussi, sa partition dans ce glissement diplomatico-économique savamment contrôlé. Depuis l’an dernier, les troupes de Nouakchott sont présentes avec un mandat des Nations unies à Bouaké, en Côte d’Ivoire, et un contingent mauritanien a pris place en 2015 à Bangui, en Centrafrique.

Parmi les liens que tisse Ould Abdelaziz, n’oublions pas les câbles à haute tension. Dans le cadre de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, dont elle fait partie avec le Mali et le Sénégal, la Mauritanie poursuit activement le renforcement de la ligne à haute tension vers Dakar (ville à laquelle elle a commencé à vendre de l’électricité en 2015), mais aussi la construction de la ligne est-ouest vers Kayes, au Mali.

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La diplomatie économique de Nouakchott n’est certes pas le rouleau compresseur marocain piloté par le roi Mohammed VI, qui mobilise ses financiers, ses entrepreneurs et ses diplomates pour investir l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Mais, à l’échelle de ses modestes moyens, c’est pour la Mauritanie l’occasion de s’affirmer comme un acteur régional avec lequel il faudra compter.

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