Mauritanie : les cinq faiblesses d’une économie
Si le pays a réussi à progresser depuis 2010 en dépit d’un environnement international défavorable, l’embellie risque de tourner court. Explication en cinq points sensibles.
Mauritanie : en noir et blanc
Un an après la réélection de Mohamed Ould Abdelaziz, la conjoncture économique est difficile et le climat social tendu. De quoi remettre en lumière la diversité, les contradictions et les faiblesses du pays aux mille poètes.
Ces cinq dernières années, la Mauritanie est parvenue à améliorer ses résultats économiques et financiers, avec un taux de croissance moyen de 5,5 %. Mais la persistance d’une conjoncture internationale difficile, conjuguée aux retards en matière de diversification et au mauvais climat des affaires, pourrait, dès cette année, « mettre en péril les progrès obtenus en matière de stabilité macroéconomique », comme s’en est alarmé le FMI à l’issue de sa dernière mission à Nouakchott, début juin
La chute des cours du minerai de fer et de l’or, qui dégrade les recettes de l’État, les investissements et les exportations, a remis sur le devant de la scène les cinq faiblesses du pays : sa sensibilité aux chocs externes, son endettement élevé, sa croissance mal partagée, la non-diversification de son économie et son médiocre climat des affaires.
Les discussions entre le FMI et le gouvernement doivent reprendre dans les prochaines semaines
Les discussions entre le gouvernement et le Fonds sur un nouveau programme visant à consolider les finances publiques et à donner un nouvel élan au développement devraient reprendre dans les prochaines semaines à Nouakchott. « Nous n’accepterons pas n’importe quoi, car certaines mesures d’économies pourraient nuire au niveau de vie de la population », prévient un haut responsable mauritanien. On débattra donc pied à pied d’une modération des hausses de la masse salariale des fonctionnaires et de la réduction des subventions aux carburants ou aux produits alimentaires, que le FMI souhaiterait voir réserver aux populations les plus défavorisées sous forme d’aides ciblées.
En revanche, la question de la monnaie sera plus consensuelle. L’ouguiya est en effet arrimé au dollar et la forte valorisation de celui-ci commence à poser des problèmes. Les experts semblent convaincus que le taux de change de l’ouguiya gagnerait à être calculé à partir d’un panier de monnaies, qui comprendrait notamment l’euro.
1. Une faible résistance aux chocs externes
Avec des prix de vente en recul, le fer et l’or ne rapportent plus autant que dans les années 2000. Aussi, la Société nationale industrielle et minière (Snim) et la TVA ne contribuent plus au budget de l’État comme prévu. Les investissements dans le secteur minier sont suspendus et des suppressions d’emploi ne vont pas tarder (lire p. 78).
Selon le FMI, la croissance devrait revenir à quelque 4,5 % cette année, contre 6,4 % en 2014. Cependant, une partie des recettes en berne sera compensée par la baisse des prix des importations (hydrocarbures, produits agricoles), car la Mauritanie est un importateur net, ce qui présente l’avantage de lui permettre de maîtriser l’inflation, qui ne devrait pas atteindre le taux sensible de 5 %.
2. Le risque de surendettement
Le ralentissement de la croissance et des investissements rend plus problématique la charge de la dette mauritanienne, qui a représenté 78,4 % du PIB en 2014, notamment en raison de prêts du Koweït. Ajouté à la vulnérabilité causée par la dépréciation de l’ouguiya, ce retournement de conjoncture explique que le risque de non-remboursement de ses dettes par la Mauritanie soit passé de « modéré » à « élevé », selon les standards internationaux.
3. Une croissance mal partagée
Même si le PIB par tête augmente depuis 2010 sans discontinuer, l’amélioration des indicateurs sociaux marque le pas et les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en matière de santé semblent hors de portée pour 2015. On estime que 26 % des ménages ne jouissent pas de la sécurité alimentaire, notamment en raison de l’exode rural accru et de la forte croissance démographique dans la capitale (6,44 % par an) qui, avec 1 million d’habitants, abrite plus du quart de la population du pays.
Banque mondiale et FMI déplorent par ailleurs l’opacité qui préside à la distribution des aides aux Mauritaniens les plus vulnérables et nuit à leur efficacité dans la lutte que le gouvernement entend mener contre la pauvreté.
4. Difficile diversification
Environ 70 % des exportations et 30 % des recettes budgétaires du pays dépendent du secteur extractif. Les diversifications sont soit en gestation (exportation d’électricité, lire pp. 76-77), soit de trop petite taille (mise en service en décembre d’une usine de traitement du lait, aujourd’hui totalement importé) et ne prémunissent pas le pays contre le scénario catastrophe qu’a esquissé le FMI au début de cette année, qui prédit trois points de croissance de moins en 2018-2019 en cas de tarissement des contributions minières au budget de l’État.
Le Fonds en conclut que le gouvernement doit « s’écarter des projets miniers ». Il s’agit notamment de poursuivre les efforts réalisés pour relancer la pêche, qui a contribué à 2,3 % du PIB en 2014 contre 1,8 % en 2013, et endiguer le déclin des activités manufacturières (- 4,6 % en 2014).
5. Un climat des affaires médiocres
Si la Mauritanie veut absorber les classes d’âge de plus en plus importantes qui se présentent sur le marché du travail, il lui faut créer 200 000 emplois formels entre 2014 et 2020… Mission impossible s’il demeure toujours aussi difficile d’y créer et d’y gérer une entreprise ! Selon le classement « Doing Business » de la Banque mondiale, où la Mauritanie a reculé de trois places en 2015, passant du 173e au 176e rang sur 189 pays examinés, le climat des affaires y est « mauvais ».
Le gouvernement semble avoir pris conscience de ce handicap. Le 20 avril, il a pris un décret créant une « chambre de médiation internationale et d’arbitrage » au sein de la Chambre de commerce et d’industrie, afin de trouver des solutions aux conflits permanents entre l’administration fiscale et les entrepreneurs privés.
Ce dispositif devrait commencer à fonctionner en 2016 et vaudra à la Mauritanie une meilleure image auprès des investisseurs étrangers, qui se cantonnent actuellement au secteur des industries extractives et délaissent les industries de transformation dont le pays a un besoin urgent.
TOURISME : DOUBLE HIC
Naha Mint MINT Hamdi Ould Mouknass, ministre du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme, se creuse la tête pour savoir comment attirer les touristes étrangers. Rude tâche ! Les beautés de l’Adrar, Chinguetti, les palmeraies de l’Assaba et les dunes des deux Hodh, la chasse au phacochère et à l’outarde, la cueillette des dattes sont psychologiquement, sinon géographiquement, trop proches des maniaques du jihad qui sévissent dans les sables jadis fréquentés par le Petit Prince de Saint-Exupéry et par Théodore Monod à la recherche de sa météorite.
Reste la pêche. Le banc d’Arguin est un petit paradis pour les adeptes du lancer, de la mouche, de la palangrotte ou de la traîne. Ce haut lieu halieutique offre à profusion courbines, maquereaux, thons, bonites, raies, requins, mérous et turbots aux hameçons et aux leurres en tous genres. Mais il y a un hic. Comme les chasseurs, les pêcheurs ne sont pas sobres comme des chameaux. Mieux, ils adorent raconter leurs combats forcément épiques contre la gent océanique en buvant des breuvages alcoolisés. Et ça, ce n’est pas permis, même pour les non-musulmans, en Mauritanie, qui est l’un des pays les plus « secs » au monde. Fantasmes terroristes + bannissement bien réel de la dive bouteille = une équation qui semble impossible à résoudre pour Mme la ministre.
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