Mauritanie : « Nos ancêtres les nomades », visite guidée du Musée national
En très gros, l’homme est arrivé en Mauritanie il y a un million d’années, pour y devenir sapiens. Pour le savoir, il faut dénicher le Musée national que recommandent « Le Guide du routard », « Le Petit Futé » et « Lonely Planet ».
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 10 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.
Mauritanie : en noir et blanc
Un an après la réélection de Mohamed Ould Abdelaziz, la conjoncture économique est difficile et le climat social tendu. De quoi remettre en lumière la diversité, les contradictions et les faiblesses du pays aux mille poètes.
À Nouakchott, aucun chauffeur de taxi ne semble connaître ce haut lieu de culture. Heureusement, Google Maps permet de pallier cette ignorance et d’arriver au pied d’un bâtiment massif construit par les Chinois et abritant aussi la Bibliothèque nationale, le Centre de conservation des manuscrits et l’Institut de recherche scientifique.
Le gardien ouvre la première salle du rez-de-chaussée à l’unique visiteur de l’après-midi que je suis. Il n’y a plus qu’à passer en revue, de vitrines en panneaux, les différents âges de l’humanité, au temps où le Sahara fleurissait pour le bonheur des hommes.
Un peu comme les historiens français ont mythifié « nos ancêtres les Gaulois », les conservateurs mauritaniens mettent en scène « nos pères les nomades »
C’est chiche, très académique, mais parlant : moustérien, atérien, épipaléolithique et néolithique livrent leurs « galets aménagés », leurs bifaces qui permettaient de tuer et de dépecer le gibier, puis les poteries trouvées dans les tombes, les œufs d’autruche, les parures et les gravures rupestres. L’élevage et l’agriculture arrivent plus tardivement que dans le reste de l’Afrique du Nord. Il y a sept mille ans ? Cinq mille ans ?… C’est à peu près le moment où l’océan s’est élevé de 100 mètres en dix mille ans, noyant sous ses eaux le site de l’actuelle Nouakchott, avant de se retirer.
Les muséologues ont ensuite choisi d’abréger la descente des millénaires. On saute d’un coup de la culture de Tichitt, entre 4000 et 2000 avant J.-C., à celle de l’Awdaghost (Tegdaoust), environ huit cents ans de notre ère, puis à l’empire de Ghana (Koumbi Saleh), vers l’an 1000. Les vues de Chinguetti, Ouadane, Rachid, Ksar el-Barka exhibent leurs belles architectures, et les vitrines, leurs poteries et leurs monnaies (plumes d’autruche, fibres de cuivre, sel gemme, cauris). Plus loin, tout devient quelque peu bric-à-brac : ouvrages religieux, balles de mousquets et, pour finir, une cotte de mailles almoravide.
Nos pères les nomades
À propos d’Almoravides, citons le commentaire affiché : « Awdaghost […] semblait subir l’influence du Ghana. Elle en sera libérée en 1054 par les Almoravides. » Awdaghost « libérée » ? Cet anachronisme ne saurait mieux illustrer le parti pris de camper, au propre comme au figuré, les Maures au centre de l’Histoire. Un peu comme les historiens français ont mythifié « nos ancêtres les Gaulois », les conservateurs mauritaniens mettent en scène « nos pères les nomades ». Arabes ? Berbères ? En tout cas pas vraiment négro-africains.
L’exposition du premier étage le confirme. Elle mériterait des explications moins sommaires mais présente joliment les bagages de la tribu et les palanquins des femmes que l’on perchait sur les dromadaires. Il y a les bijoux et la pharmacopée, les outils des forgerons et des tisserands, les ustensiles pour dénoyauter les dattes, les outres pour conserver l’eau si précieuse.
Un modèle réduit de tente bédouine est prêt à accueillir l’hôte de cette autarcie rêvée. Là encore, la visite se termine en capharnaüm, avec une peau de crocodile venue d’on ne sait où, des calebasses et quelques pétoires. L’aménagement intérieur d’une maison de poupée fabriquée à Oualata gagnerait pourtant à être expliqué pour faire comprendre au béotien comment vivaient les nomades qui ont quitté leurs « semelles de vent » et sont devenus sédentaires.
La nostalgie et le mythe qui ont présidé à cette muséographie nuisent à la compréhension de la mosaïque millénaire qu’est la très, très jeune Mauritanie. Dommage.
Musée national, rue Mohamed-el-Habib, à deux blocs de l’immeuble de la BMCI, au sud de la nationale 2. Entrée : 2 500 ouguiyas (7 euros).
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