Mauritanie : un eldorado en puissance
Le pétrole ? La chute des cours a refroidi les majors. Le fer et l’or ? Eux aussi font grise mine. Reste le gaz, sur lequel Nouakchott compte beaucoup pour vendre de l’électricité au Sénégal et au Mali.
Mauritanie : en noir et blanc
Un an après la réélection de Mohamed Ould Abdelaziz, la conjoncture économique est difficile et le climat social tendu. De quoi remettre en lumière la diversité, les contradictions et les faiblesses du pays aux mille poètes.
La Mauritanie a mal à son sous-sol. Le baril de pétrole à 50 dollars (environ 45 euros), la tonne de fer à 55 dollars et l’once d’or à 1 100 dollars découragent les investisseurs étrangers, qui disent ne plus y trouver leur compte. Les uns après les autres, ceux-ci renoncent à leurs projets ou les conditionnent à une remontée des cours. Remontée forcément hypothétique car dépendante du cours du dollar ou de la conjoncture chinoise. Au ministère du Pétrole, de l’Énergie et des Mines, on ne baisse pas les bras pour autant, car on croit que les atouts mauritaniens finiront par l’emporter.
D’autres matières premières
Contrairement aux folles rumeurs des années 2000, le pétrole n’est plus vraiment l’avenir de la Mauritanie. « Le champ qui a été mis en exploitation en 2006 produit 2 millions de barils par an, soit quatre heures de production de l’Arabie saoudite, relativise Ahmed Salem Ould Tekrour, directeur général des hydrocarbures. Mais nous avons des perspectives favorables offshore avec le champ d’Ahmeyim. Les découvertes des américains Kosmos et Chevron y sont prometteuses, mais les coûts sont élevés. Le français Total explore plus au nord. Tout dépendra des prix du pétrole. Dans cinq ans peut-être… Nous demeurons très optimistes. »
Les mines non plus ne sont pas très en forme. Glencore Xstrata a mis en sommeil ses projets de mines de fer d’Askaf et de Tasiast. Kinross a renvoyé à des jours meilleurs l’extension de sa mine d’or de Tasiast. La Société nationale industrielle et minière (Snim), qui a produit 13 millions de tonnes de fer en 2014, a affronté une grève de soixante-trois jours au début de cette année. Son objectif de 40 millions de tonnes en 2025 semble difficile à atteindre.
Cheikh Zamel, directeur du cadastre minier et de la géologie, souligne que d’autres matières premières pourraient « séduire les investisseurs et préserver l’emploi ». Au sud-ouest de Tasiast, l’indien Quartz Inc. et le français Imerys ont misé sur l’extraction et la transformation du quartz, matière première des alliages métalliques qui entrent dans la fabrication des panneaux solaires. Et puis il y a les phosphates de Bofal. « Nous avons lancé un appel d’offres fin 2013, confirme Cheikh Zamel, mais il n’a pas trouvé preneur. La donne changerait si le gaz de Banda devenait une réalité… »
Le gaz de Banda : eldorado en puissance
Ah, le gaz de Banda, qui dort à 50 km au large de Nouakchott ! Un eldorado en puissance. « Le Maroc a des phosphates en abondance et la Tanzanie du gaz à profusion, mais, en Afrique, seule la Mauritanie possède les deux et pourrait ainsi produire des engrais à des prix compétitifs », se réjouit Vera Songwe, responsable de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale à la Société financière internationale (IFC, groupe Banque mondiale). « Ce gaz ouvrirait aussi de nouvelles perspectives minières, car il permettrait de produire une électricité en quantité et meilleur marché indispensable pour que les entreprises extractives abaissent leurs coûts dans une conjoncture difficile », poursuit l’économiste camerounaise.
Banda, c’est un champ gazier, mais aussi deux centrales électriques, l’une mixte (fuel, gaz) de 180 MW et l’autre (tout gaz) de 120 MW, dont le courant est attendu avec impatience par les mines de fer ou d’or comme par les fabricants d’engrais. La moitié de l’électricité produite serait vendue au Sénégal et au Mali.
Malheureusement, Banda affronte aussi des vents contraires. Le britannique Tullow s’est retiré du projet en décembre 2014, les 650 millions de dollars nécessaires lui semblant trop lourds compte tenu des prix en berne.
« Une étude de marché financée par les bailleurs de fonds a confirmé que le projet était faisable, commente Mamadou Amadou Kane, chargé de mission pour ce projet. Nous finalisons un nouveau cahier des charges qui garantisse à l’opérateur 30 % du capital de la société d’exploitation et une rentabilité même si la deuxième centrale n’était pas construite. Nous ne repartons pas de zéro et pensons déboucher au plus tard au premier trimestre 2016. Les opérateurs techniques ne manquent pas : Total, Chevron, Kosmos ou Petronas. » inch Allah.
Exploiter le potentiel
Pendant ce temps, la direction de l’électricité et de la maîtrise de l’énergie s’active pour préparer l’aval du projet. « Nous vendons de l’électricité au Sénégal depuis le mois de janvier, explique Dah Sidi Bouna, son directeur. Et nous n’attendons pas de conclure avec les opérateurs maliens ou sénégalais pour préparer l’acheminement du futur courant. Nous renforçons sur 21 km la ligne à haute tension Sud-Nouakchott – Dakar, dont la capacité passera de 150 MW à 230 MW. Les contrats de construction de la ligne sont signés. Nous préparons également la réalisation de la ligne dorsale est-ouest vers Kayes [Mali]. »
Un vrai pari, les contrats demeurant en discussion. « C’est vrai, répond Dah Sidi Bouna, mais nous savons que la demande est là. Même en fonçant comme nous le faisons, nous perdons du temps ! »
Comme partout en Afrique, l’énergie conditionne le développement. Aussi, l’atout électrique actuel et surtout potentiel de la Mauritanie mérite d’être joué à fond pour compenser l’instabilité des prix des matières premières qui fragilise l’économie nationale. Donc vite, plus vite !
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