Mauritanie : le jihad, c’est de l’histoire ancienne ?
Oubliés, les attentats des années 2007-2011 ? L’État semble être parvenu à bouter le terrorisme hors de ses frontières.
Mauritanie : en noir et blanc
Un an après la réélection de Mohamed Ould Abdelaziz, la conjoncture économique est difficile et le climat social tendu. De quoi remettre en lumière la diversité, les contradictions et les faiblesses du pays aux mille poètes.
S’il est un domaine qui fait l’unanimité en Mauritanie, c’est la politique sécuritaire. En quatre ans et demi, il n’y a pas eu le moindre attentat sur le sol national. Alors que de 2007 à 2011 les sinistres épisodes s’enchaînaient et faisaient les gros titres des médias locaux et internationaux – assassinat de quatre Français près d’Aleg (250 km à l’est de la capitale), bataille rangée, attentat-suicide et assassinat d’un Américain à Nouakchott, enlèvement de trois membres d’une ONG espagnole sur la route de Nouadhibou, attaque d’une patrouille dans l’Adrar (quinze morts)… -, depuis février 2011, le calme règne au « pays des mille poètes ».
Dans une région où le terrorisme ensanglante presque tous les territoires, cela mérite d’être souligné. Et l’on comprend la fierté que ressentent les Mauritaniens devant cette pacification réussie. Pour l’instant.
Pacification réussie
Plusieurs ingrédients ont contribué à ce succès. Le gouvernement et l’armée ont joué sur l’ensemble du clavier. Sagement, ils ont pratiqué la prévention en mobilisant savants et oulémas pour aller démontrer aux jeunes nomades des zones oubliées, à la frontière avec le Mali, que l’islam malékite prône la tolérance et non la violence. Ces hommes de la Loi ont aussi pris le chemin des prisons pour y convaincre les terroristes capturés qu’ils n’avaient rien compris au Coran. Le repentir de ces fidèles dévoyés leur vaut liberté contre promesse de ne plus recommencer.
Cette approche religieuse et psychologique ne suffisant pas, l’armée a été rénovée, des postes-frontières ont été créés, des forces spéciales instituées. « Nous en avons fini avec l’armée de minables qui nous faisait honte ! » explique un haut responsable. Les patrouilles, qui avaient à peine assez de carburant pour surveiller les chèvres et les moutons de leurs supérieurs, ont reçu l’essence et les armements nécessaires.
On a misé sur la formation de spécialistes, par exemple pour la maîtrise des matériels et des techniques indispensables à l’appui aérien, avec le concours des militaires français (infanterie de marine et Légion) de la base d’Atar, dans l’Adrar. Les bombardements par les Super Tucano de l’armée de l’air y ont gagné en efficacité.
L’offensive étant la meilleure des défenses, des commandos ont été formés sur le modèle de ceux des salafistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou des Touaregs d’Ansar Eddine, c’està-dire qu’ils ont été dotés de véhicules tout-terrain modifiés pour gagner en autonomie et pourvus d’un équipage de quatre hommes disposant d’un armement lourd, ce qui leur a permis de poursuivre victorieusement leurs adversaires loin en territoire malien.
Les services de renseignements ont eux aussi gagné en efficacité grâce à un réseau d’informateurs entretenu en Mauritanie comme dans les pays voisins, où leurs agents recueillent des informations précieuses aux portes des mosquées et sur les marchés.
Mieux encore, pendant deux ans, la Sûreté nationale a obtenu beaucoup d’informations de Senda Ould Boumama, l’ancien porte-parole d’Ansar Eddine au Mali. Celui-ci s’était rendu célèbre en justifiant haut et fort les innombrables exactions commises à Tombouctou et à Gao par les fanatiques. Il s’était livré aux autorités mauritaniennes en mai 2013 après la déroute infligée aux jihadistes par l’armée française. Il vient d’être remis en liberté le 3 août sans jugement. En remerciement de sa collaboration ?
Le pays modifie sa stratégie
Fort de cette combativité retrouvée, le pays a modifié peu à peu sa stratégie. D’abord associés à l’armée malienne pour ratisser leur frontière commune, les Mauritaniens ont mal vécu le jeu trouble de leur allié lors d’une opération conjointe contre des bases d’Aqmi dans la forêt de Ouagadou, au Mali, en 2011.
Ils ont pris langue par la suite avec les chefs terroristes, qu’ils connaissent parfaitement, et leur ont fait passer le message : « Si vous nous laissez en paix, nous ne vous attaquerons plus. En revanche, si vous nous agressez sur notre territoire, gare à vous ! » Apparemment, cette proposition très officieuse a été reçue cinq sur cinq. La trêve est respectée de part et d’autre.
Toutefois, après les menaces d’Ansar Eddine proférées début juillet contre la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, mais aussi la Mauritanie, tous coupables de faire le jeu des « mécréants », la question se pose de savoir si ce statu quo est toujours d’actualité.
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