Les rats démineurs : après l’Afrique, c’est au Cambodge qu’ils traquent les explosifs

Vingt millions de mines antipersonnel sont disséminées dans tout le pays. Une ONG belge dresse des rongeurs à les détecter.

Les rats démineurs du Cambodge ont déjà fait leurs preuves au Mozambique et en Tanzanie © AFP

Les rats démineurs du Cambodge ont déjà fait leurs preuves au Mozambique et en Tanzanie © AFP

Publié le 18 septembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Le jour se lève sur la province de Siem Reap (où se trouvent les célèbres temples d’Angkor). Au Centre cambodgien d’action contre les mines (Cmac), Leyla, Pit et Marcous sont déjà au travail et flairent avec application l’herbe trempée de rosée.

Leyla, Pit et Marcous sont de magnifiques rats de Gambie débarqués au Cambodge au mois d’avril en provenance de Tanzanie avec douze de leurs congénères. Ces sympathiques rongeurs constituent un précieux renfort dans la traque aux mines antipersonnel disséminées dans tout le pays. La méthode est rustique, mais incroyablement efficace.

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Pour l’instant, les rats sont à l’entraînement. Dans la zone à déminer, chaque animal, dûment harnaché, multiplie les va-et-vient le long d’une ficelle tendue par deux éleveurs. Dès qu’il détecte une mine, il se dresse sur ses pattes arrières.

« Il vient d’entrer en contact avec un explosif placé là par nos soins, commente Theap Thoeun, démineur depuis vingt ans. Il renifle et gratte le sol pour nous prévenir. S’il s’agit bien d’un explosif, il est récompensé par un morceau de banane. »

La méthode a d’abord été exportée en Angola et en Tanzanie

C’est Apopo, une ONG belge, qui élève ces cricétomes des savanes, nom savant de ce rat géant de couleur brune. L’idée de les utiliser dans la recherche des mines antipersonnel est née en 2003 au Mozambique, pays victime d’une interminable guerre civile (1977-1992), dont le sol était truffé de ces engins de mort. Les rongeurs ayant fait la démonstration de l’incroyable acuité de leur flair, la méthode a été exportée en Angola, en Tanzanie, puis aujourd’hui au Cambodge.

On estime à environ vingt millions le nombre des mines encore présentes dans ce pays, l’un des plus contaminés de la planète. Il faut dire qu’il n’a pas été épargné par les vicissitudes de l’Histoire : la guerre du Vietnam a d’abord débordé sur son territoire, puis provoqué une effroyable guerre civile, qui, dans les années 1970, déboucha sur l’instauration du régime khmer rouge.

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Les techniques de déminage ont beau avoir fait de gros progrès, 154 Cambodgiens ont encore été tués ou amputés l’an dernier par l’explosion d’une mine, essentiellement dans les zones rurales.

Le rongeur est capable d’explorer une zone de 100 m2 en vingt minutes, alors qu’un homme y mettrait deux jours

« Le détecteur généralement utilisé ne repère que le métal, explique Lordes Paulino Zavale, chef des opérations d’Apopo au Mozambique, qui est venu donner un coup de main aux Cambodgiens. Il signale donc la présence de tout objet contenant ce matériau, papier aluminium ou briquet usagé. Le démineur perd ainsi beaucoup de temps. » Un rongeur, lui, détecte l’explosif contenu dans les mines. Il est capable d’explorer une zone de 100 m2 en vingt minutes, alors qu’un homme y mettrait deux jours. Et il est trop léger (moins de 1,5 kg) pour déclencher l’engin explosif généralement enfoui à une quinzaine de centimètres dans le sol.

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Pour l’instant, les rats sont encore en période d’essai. « Nous observons les entraînements de près, commente Rath Pottana, responsable du Cmac de Siem Reap. À la fin de l’année, un rapport déterminera s’il convient de poursuivre l’expérience. »

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