En Afrique, Veolia change de créneau
Sur le continent, la stratégie du géant français de l’eau déroute. S’il semblait ces derniers temps faire machine arrière, il met aujourd’hui le cap sur l’énergie, avec un nouveau contrat en Guinée.
On a cru un moment que Veolia voulait quitter l’Afrique. En 2011, le groupe français, numéro un mondial des services à l’environnement (eau, déchets, transports et énergie), entamait un programme de réduction drastique de ses coûts, mettait un terme à ses contrats de gestion du réseau de bus de Rabat-Salé, au Maroc, et de propreté à Alexandrie, en Égypte.
En 2013, il annonçait la vente de ses activités dans la gestion de l’eau et de l’électricité à Rabat et à Tanger-Tétouan. Puis se disait prêt à jeter l’éponge au Gabon, où le conflit l’opposant aux autorités au sujet de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (Seeg) s’envenimait.
Mais aujourd’hui, le groupe s’active pour rester sur le continent. Suivant quelle stratégie ? « On y va, on n’y va pas, on ouvre ici, on ferme là. C’est une organisation compliquée », commente un spécialiste des infrastructures. Certes limité, le chiffre d’affaires de Veolia pour l’Afrique et le Moyen-Orient n’est pas négligeable : 1,8 milliard d’euros en 2014, soit environ 7,5 % du total de ses revenus, qui s’élèvent à 23,8 milliards d’euros.
À Londres et à Paris, les analystes n’y voient pas beaucoup plus clair. Veolia en Afrique ? Au-delà des grandes villes marocaines, ils n’en ont jamais vraiment entendu parler. « C’est hors des radars », témoigne l’un d’eux.
« Le continent a un potentiel extrêmement important », rétorque le directeur Afrique et Moyen-Orient, Patrice Fonlladosa. Mais Veolia se veut prudent. Fini les contrats de concession, ces « grandes aventures très capitalistiques » qui ont montré leurs limites dans les pays en développement. « Nous ne sommes pas du tout favorables à l’idée d’investir. Nous voulons être rémunérés grâce à nos services et à nos performances », affirme-t-il.
Veolia – comme son grand concurrent Suez Environnement – préfère les contrats de services, plus courts et moins mirobolants. Quitte à aller les chercher à la périphérie de ses compétences…
En Guinée, le géant de l’eau vient de remporter (il était selon nos informations seul en lice) l’appel d’offres pour la distribution de l’électricité. Ce contrat de 14 millions d’euros – primes de résultat comprises – sur quatre ans peut sembler marginal, mais les ressources qui lui sont allouées sont elles aussi limitées : seulement une dizaine d’experts permanents dépêchés sur place.
Selon une source parisienne, « ils ont la capacité opérationnelle de le faire. Un réseau d’eau, c’est finalement beaucoup plus technique qu’un réseau électrique ». De plus, dit-elle, ce type de petits contrats lui permet de préparer l’avenir.
Veolia se présente même comme le premier distributeur d’électricité en Afrique
L’énergie, plus rentable que l’eau – au Maroc et au Gabon l’un subventionne l’autre – et plus dynamique que le secteur des déchets, est en effet devenue l’une des priorités de Veolia sur le continent. Il se présente même comme le premier distributeur d’électricité en Afrique (en cumulant les réseaux marocain, gabonais et guinéen), devant des concurrents plus spécialisés comme le holding Eranove ou le capital-investisseur britannique Actis.
Mais contrairement à ses rivaux, il n’a pas d’ambition dans la production d’énergie, qui s’est selon lui beaucoup développée depuis une dizaine d’années. « En revanche, les pays n’ont pas réorganisé les services liés à cette activité [transport, distribution et commercialisation], donc il y a une très forte évolution de ce marché », estime Patrice Fonlladosa. Un créneau que Veolia compte bien occuper.
En réalité, cette nouvelle orientation répond à une stratégie globale du groupe parisien. « Contrairement à Suez, qui n’est pas présent dans l’énergie, Veolia mise vraiment sur ce secteur, appelé à se développer à la fois au Nord, avec la transition énergétique, et au Sud, avec le développement des infrastructures. C’est particulièrement vrai depuis qu’il a repris les activités internationales du spécialiste des services énergétiques Dalkia », explique un analyste basé à Paris.
En Afrique, les miniers et les pétroliers, grands consommateurs d’eau, représentent un marché important
Les services aux clients industriels, le deuxième axe de croissance de Veolia en Afrique, s’inscrivent aussi dans la stratégie globale du groupe. La direction voudrait qu’ils constituent 50 % de ses recettes en 2020, à parité avec les services aux municipalités. En Afrique, le chemin sera plus long (environ 15 % attendus), mais les miniers et les pétroliers, grands consommateurs d’eau, représentent un marché important.
Mieux, les entreprises sont réputées bien meilleurs payeurs que les municipalités. Après une première expérience au Ghana (la mine d’or d’Iduapriem, rentable dès la première année), Veolia prospecte au Mozambique, en Angola et au Maroc. Dans ce dernier pays, il affirme que de « nombreuses opportunités existent », notamment dans la région de Tanger. Un appel du pied à peine voilé aux autorités municipales, qui avaient bloqué la vente des participations de Veolia à Actis.
L’ENIGME GABONAISE
C’est le dossier qui perturbe les experts du secteur. Bien que Veolia soit en conflit avec les autorités depuis des années autour des investissements dans la Société d’énergie et d’eau du Gabon (Seeg) et que les impayés atteignent des montants record, le groupe affiche sa volonté de rester au Gabon. « Pourquoi ? Parce que c’est profitable », tranche Patrice Fonlladosa, directeur Afrique et Moyen-Orient. Le résultat net de la Seeg a dépassé 6,2 milliards de F CFA (9,4 millions d’euros) en 2014, contre 1,8 milliard de F CFA en 2013. Elle a reversé 3,1 milliards de F CFA de dividendes à ses actionnaires (Veolia à 51 % et investisseurs gabonais à 49 % dont 2 % pour la famille Bongo). Selon nos informations, le groupe veut proposer un contrat d’affermage sur vingt-cinq ans, moins lourd que la concession, qui s’achève en 2017.
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