Glencore rassure les investisseurs… et inquiète les pays producteurs

Afin de réduire sa dette, le groupe anglo-suisse renforce son plan d’économies. Un coup dur pour la RD Congo et la Zambie, où l’exploitation des mines de cuivre est suspendue.

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 24 septembre 2015 Lecture : 4 minutes.

C’est à une véritable cure d’amaigrissement que le géant anglo-suisse des mines et du négoce a finalement décidé de s’astreindre. Malmené lors de la chute vertigineuse des matières premières et sévèrement sanctionné par les investisseurs à la Bourse de Londres, le groupe dirigé par le Sud-Africain Ivan Glasenberg a annoncé le 7 septembre une nouvelle stratégie de réduction de sa dette, alourdie par la mégafusion avec Xstrata, finalisée en mai 2013 au prix fort de 24 milliards d’euros.

Il y a encore quelques semaines, au lendemain de la publication de ses décevants résultats semestriels – une perte nette de 676 millions de dollars (609 millions d’euros) -, le groupe annonçait vouloir ramener celle-ci de 29,6 milliards à 27 milliards de dollars à court terme. Désormais, il prévoit un plan d’économies plus drastique, allant de la suppression de dividendes à la baisse des investissements en passant par des cessions d’actifs.

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Objectif : réduire sa dette de quelque 10 milliards, à environ 20 milliards de dollars d’ici à la fin de 2016. Le groupe, qui a financé en juin 2014 le rachat par le Tchad des actifs de Chevron (1,3 milliard de dollars), souhaite ainsi mieux s’armer pour faire face à une éventuelle poursuite de la baisse des prix et se maintenir en dessous de son plafond d’endettement.

Une période d’arrêt utilisée pour moderniser l’outil de production

L’Afrique – où ce géant est actif dans 13 pays dont l’Afrique du Sud (trading et logistique), le Congo, la Mauritanie (fer) et le Cameroun (pétrole) -, a fait les frais de ce soudain durcissement de stratégie. La production des mines de cuivre détenues par Glencore en RD Congo (au Katanga) et en Zambie (Mopani) est ainsi suspendue pour les dix-huit prochains mois. Au total, ce sont ainsi près de 400 000 tonnes de cuivre qui ne seront pas extraites des sous-sols de ces deux pays, premiers producteurs du continent, les privant de revenus substantiels.

En Zambie, où Glencore produit 110 000 tonnes de cuivre par an dans la mine Mopani, la situation devient d’autant plus compliquée que Lusaka a déjà du mal à combler son déficit budgétaire et qu’il voit, depuis quelque temps, la valeur de sa monnaie dégringoler face au dollar. Si, pour la RD Congo, l’impact de la décision de Glencore sera moins négatif, son économie étant un peu plus diversifiée, ses comptes publics devraient en ressentir les effets.

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Pour rendre la pilule moins amère, Ivan Glasenberg, qui détient lui-même environ 8 % du capital du groupe, assure qu’il entend maintenir durant cette période d’arrêt les investissements visant à moderniser l’outil de production sur les deux sites afin de rendre ces derniers encore plus compétitifs, alors que le cours du métal rouge est en chute libre depuis un an.

La stratégie Glencore

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Si la nouvelle stratégie de réduction de la dette de Glencore inquiète la RD Congo et la Zambie, elle a été bien accueillie à la Bourse de Londres. Le prix de l’action du minier et négociant de matières premières a ainsi affiché une hausse de 4 % à la clôture de la séance du mardi 8 septembre pour atteindre 1,38 livre, après avoir enregistré une augmentation de 7 % la veille, jour de l’annonce du plan. Entre janvier et août 2015, le titre avait perdu près de 40 % de sa valeur. Ivan Glasenberg, réputé pour avoir une vision financière et de court terme plutôt qu’industrielle, a donc réussi à rassurer les investisseurs.

Comparé aux autres grands groupes miniers comme BHP Billiton ou Rio Tinto, Glencore, qui a réalisé la pire performance de l’indice FTSE 100 l’année dernière, enregistre un bilan plus faible. Et ses concurrents génèrent beaucoup plus de cash que lui malgré la chute des prix des matières premières, selon le Financial Times.

Par ailleurs, d’après les analystes cités par le quotidien économique britannique, l’objectif de Glencore – qui souhaite lever prochainement près de 2,5 milliards de dollars sous forme d’une augmentation de capital et qui a besoin d’argent frais – est de préserver la notation de son risque crédit. Celle-ci est évaluée à BBB par l’agence Standard & Poor’s, qui, début septembre, a rétrogradé Glencore d’une perspective « stable » à « négative ». Un autre abaissement de la notation de sa dette serait dommageable, d’autant que ses concurrents Rio Tinto et BHP Billiton sont mieux notés par les agences.

Reste que, pour que sa stratégie fonctionne, Glencore doit parvenir à vendre ses stocks – de cuivre, de charbon et autres – pour un montant de 17 milliards de dollars. Mais certaines agences, comme Standard & Poor’s, restent sceptiques étant donné que les marchés de matières premières sont en pleine déroute.

Dans le cuivre, « retirer 400 000 tonnes d’un marché que de nombreuses personnes croient en surproduction devrait avoir un effet », soutient Ivan Glasenberg. Cette suppression est en effet une bonne nouvelle pour le marché, et donc pour les autres géants miniers. En revanche, l’incertitude plane sur l’avenir des 13 000 employés de ces sites.

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