Au Maroc, l’industrie pharmaceutique s’impatiente

Près de deux ans après l’adoption d’un décret faisant baisser les prix des médicaments, le secteur a gagné en transparence… mais perdu en chiffre d’affaires. La hausse de la demande, c’est pour quand ?

Publié le 21 septembre 2015 Lecture : 2 minutes.

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En décembre 2013, Rabat adoptait un décret sur la fixation des prix des médicaments. L’objectif ? Alléger la facture des Marocains et faciliter l’accès à ces produits, alors que seul un tiers des 33 millions d’habitants du royaume en achètent.

Le principe ? Prendre comme référence les tarifs pratiqués dans sept pays (Espagne, Portugal, France, Belgique, Turquie, Grèce et Arabie saoudite) et choisir le moins élevé comme prix de base du produit original (princeps), celui des génériques subissant une baisse supplémentaire. Résultat : une baisse des prix de 30 %. Mais quel bilan les industriels du secteur dressent-ils de cette mesure ?

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« Le nouveau système représente une rupture avec les pratiques du passé, où le lobbying et le favoritisme jouaient à plein, se réjouit Abdelmajid Belaïche, directeur général de l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (Amip, qui compte 19 sociétés).

La fixation des prix est désormais transparente : les marges de chacun sont connues, ainsi que les taxes. La méthode choisie a aussi permis de baisser le tarif, anormalement élevé, de certains médicaments, tout en préservant le prix de ceux à faible marge pour les industriels. »

L’Amip a par exemple constaté que le marché des produits de la psychiatrie avait accusé une chute de 38 %

Abdelmajid Belaïche n’hésite cependant pas à parler d’annus horribilis pour le secteur pharmaceutique marocain. « En chiffre d’affaires, l’industrie affiche une baisse de 10 % de janvier à décembre 2014, la distribution de 11 %, et les pharmacies de 7 %. » Les officines ont en effet bénéficié d’un transfert de marge et ont donc mieux résisté à la baisse des prix et aux mauvaises performances du marché.

La mesure étant devenue effective en juin 2014, l’impact est en réalité encore plus important. Dans une étude à paraître et dont les chiffres définitifs ne sont pas encore connus, l’Amip a par exemple constaté que le marché des produits de la psychiatrie avait accusé une chute de 38 %. Abdelmajid Belaïche s’attend néanmoins à une reprise : « Après cette phase critique, les volumes vont finir par tirer les résultats vers le haut », espère-t-il.

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Du côté des multinationales, on aimerait aussi que le rebond se fasse sentir. Mehdi Zaghloul, directeur général de Novartis Maroc (cinquième acteur du marché avec 150 salariés, 8 millions d’unités produites par an et 1 million d’unités importées), a suivi la mise en place de la mesure lorsqu’il était président de Maroc Innovation et Santé.

Il est aujourd’hui secrétaire général de ce groupement de quinze multinationales qui font de la recherche et de l’innovation, et estime que les mesures ont eu « un impact important sur la santé des entreprises ». « Le marché est petit et sans croissance depuis neuf mois, observe-t-il. Celui des molécules princeps a baissé de 4 % en un an, et les pertes n’ont été qu’en partie absorbées. On s’attendait à une redynamisation du secteur, mais cela suppose une hausse de la demande. »

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Selon Mehdi Zaghloul, la logique de la baisse des prix des médicaments devrait aller de pair avec « davantage de remboursements ». « Or la majorité des produits lancés depuis trois ans n’est pas remboursée, mais les discussions avec les autorités sont fluides et ouvertes sur ce point », précise le patron de Novartis Maroc, qui regrette néanmoins de ne pas pouvoir tabler sur une échéance claire.

« Le marché, qui représente 1,5 milliard de dollars [environ 1,3 milliard d’euros], a augmenté en moyenne de 10 % de 1999 à 2004, note-t-il. Aujourd’hui, il est complètement atone. »

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