Musique : Inna Modja, mauvaise fille féministe

Dans son nouvel album, « Motel Bamako », la chanteuse appelle les femmes à se libérer des carcans religieux ou sociétaux. Elle évoque également la guerre qui gangrène le Mali.

À Paris, le 10 septembre. © VINCENT FOURNIER/J.A.

À Paris, le 10 septembre. © VINCENT FOURNIER/J.A.

Publié le 25 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Son style ne laisse plus de place au doute. Veste en tissu traditionnel, chaussures en wax et coiffure tout en volume : à 31 ans, Inna Modja revendique ses origines et travaille son look afro-urbain. L’image – glam pour certains, lisse pour d’autres – arborée dans ses précédents albums prend de la couleur. « Pour mon troisième disque, j’ai eu envie de m’exprimer à 100 % en accord avec mes origines maliennes. » Le déclic ? Lorsqu’elle fait écouter son titre « Spirit » à sa grand-mère : « Elle n’a rien compris car elle ne parle ni anglais ni français. À ce moment, je me suis rendu compte que je m’étais beaucoup trop éloignée de ce que je suis. »

Pour se rapprocher des siens, la protégée de Salif Keita, qui a commencé à donner de la voix à 15 ans dans le groupe Rail Band de Bamako, mélange désormais rap en bambara, sa langue maternelle, et sonorités traditionnelles. « Après la musique traditionnelle, le hip-hop est l’un des styles les plus importants au Mali, soutient Inna Modja. Le message doit être compris par les Maliens car j’évoque des sujets importants pour notre pays. »

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La menace de l’islamisme radical dans le nord du pays, le sort des déplacés ou encore le statut des femmes dans les sociétés africaines sont autant de thèmes évoqués au gré des treize morceaux. Les textes sont accusateurs et mordants, à l’image de celle qui a développé un caractère bien trempé, entourée d’une fratrie de six frères et sœurs. Au point que sa mère a préféré l’appeler non pas Inna Bocoum, son vrai nom, mais Inna Modja, la « mauvaise fille » en bambara.

Sur la question sensible du conflit au Mali, la chanteuse débite un discours bien rôdé. Elle confie qu’elle ne pensait pas que « la guerre allait durer trois ans » et souhaite que « la situation se débloque ». Et de poursuivre : « Les musulmans et les chrétiens cohabitent parfaitement depuis des générations. Le Mali n’est pas un pays où l’on applique la charia » puisqu’on est « malien avant d’être religieux ». Elle n’en dira pas plus, se contentant de répéter inlassablement qu’elle n’est pas une « politicienne », et refusera par exemple de se prononcer sur la présence militaire française et l’opération Barkhane. En pleine campagne promotionnelle pour son troisième album, inutile de froisser qui que ce soit !

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Inna Modja est plus volontiers bavarde quand il s’agit d’aborder des sujets humanitaires. Depuis qu’elle est arrivée en France à l’âge de 19 ans pour faire ses études, elle ne cesse de défendre la cause des femmes et revient souvent sur son excision « réalisée par un membre de sa famille à l’insu de ses parents ».

Dans son clip « Tombouctou », en s’attaquant au port du voile forcé, elle encourage les femmes à se libérer. On y voit sa sœur, sa nièce et sa tante, un foulard sur la bouche qu’elles finissent par enlever pour s’exprimer. Un désir d’émancipation, un leitmotiv que lui a inculqué sa mère, sage-femme, dès son plus jeune âge. « Même s’il y a encore beaucoup de retard au Mali, on incite les femmes à étudier, à développer des petits commerces et à investir des postes politiques. L’égalité est très importante, elle doit se faire », poursuit-elle.

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On y aperçoit aussi une femme seins nus sur lesquels est inscrit « freedom ». Point de Femen, ici. « C’est une référence à la femme de Patrice Lumumba. À la mort de son époux, elle s’est dénudée pour montrer l’ampleur de sa douleur. Elle a voulu taper du poing sur la table. Un modèle pour nous, les Maliennes. Nous sommes une force, nous ne devons pas nous taire pour permettre le retour de la paix dans notre pays. »

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