La vérité des chiffres
«Mieux vaut un bon dessin qu’un long discours », dit-on communément. Il en va de même pour les chiffres.
Certains d’entre eux méritent qu’on s’y arrête : mieux que tout développement, ils nous permettent de discerner le moment le plus important d’un phénomène et de prévoir son évolution.
Je vais donc vous en présenter quelques-uns que je juge significatifs, et nous analyserons ensemble les évolutions importantes qu’ils annoncent.
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1) Le fléau du paludisme éradiqué d’ici à 2040.
C’est là une grande nouvelle !
On sait que le paludisme sévit désormais presque exclusivement en Afrique subsaharienne et qu’il affecte la vie quotidienne de plus de 800 millions de personnes.
Jusqu’à la fin du XXe siècle, c’était l’hécatombe : beaucoup de souffrances quotidiennes, des pertes immenses pour l’économie, un à deux millions de morts par an et la résignation face à un mal implacable et incurable.
Depuis le début de ce XXIe siècle, grâce notamment à la contribution décisive de la fondation Bill et Melinda Gates, le mal est, fort heureusement, en très net recul. En 2015, il ne tuera plus, si l’on ose dire, qu’entre 400 000 et 450 000 Africains. En diminution sensible depuis le début de ce siècle, le nombre des infections s’achemine lentement vers zéro.
On nous annonce aujourd’hui que cette maladie devrait être éradiquée d’ici à 2040 et que l’on sauvera ainsi plus de dix millions de vies.
L’investissement requis pour cet accomplissement, incluant la mise au point d’un vaccin, est de l’ordre de 100 milliards de dollars, qu’il faudra trouver dans les vingt-cinq ans.
On pense, et cela me paraît crédible, que tel sera le cas et que, d’ici à 2040, ce fléau ne sera plus qu’un mauvais souvenir.
L’effet annuel de l’éradication du paludisme sur l’économie africaine ? On l’évalue, au bas mot, à vingt fois le montant de l’investissement.
Il y a, cependant, lieu de regretter que la contribution des Africains soit si faible dans l’éradication d’un mal qui frappe essentiellement leur continent.
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2) L’Opep a-t-elle encore un avenir ?
On a dit de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qu’elle était moribonde depuis que le pétrole (et le gaz) ont cessé d’être cet « or noir » qu’ils furent tout au long des cinquante dernières années. Depuis près de dix-huit mois, l’offre dépasse la demande, et les prix ont été divisés par deux.
Les pays exportateurs souffrent de voir leurs revenus fondre, tandis que ceux qui importent leur énergie voient leur fardeau s’alléger et, de ce fait, équilibrent mieux leurs budgets et leur commerce extérieur.
Là encore, consultons les chiffres : les moins connus, ceux des réserves, nous disent que sur les 1 700 milliards de barils qui restent à extraire du sous-sol, 1 200 milliards, soit 70 %, sont contrôlés par des pays membres de l’Opep.
L’Arabie saoudite en détient 18 % et le Venezuela 16 %, tandis que l’Irak et l’Iran en possèdent 9 % chacun : les quatre pays les mieux dotés dorment sur 52 % du pétrole de l’Opep.
Conclusion : si, dans vingt-cinq ans, le pétrole et le gaz sont encore la source principale d’énergie de notre planète, alors l’Opep garde ses chances de retrouver d’ici là, mais seulement dans quelque dix ans, sa puissance perdue.
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3) L’ONU a fêté son 70e anniversaire, dressé son bilan 2015 et adopté de nouveaux objectifs de développement ; de leur côté, le FMI et la Banque mondiale vont tenir leurs assemblées générales. Nous sommes ainsi inondés de déclarations et de chiffres. Mais ni vous ni moi ne savons si notre pauvre monde est encore en crise économique ou si c’est la reprise.
Essayons d’y voir clair et, une fois de plus, appelons les chiffres à la rescousse :
Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, fait de son mieux pour nous éclairer : « C’est un tableau en demi-teinte, dit-elle. Nous sommes dans un processus de reprise, dont le rythme décélère.
Nous observons un basculement entre les pays émergents et les pays développés : les premiers, qui tiraient la reprise mondiale, sont en train de ralentir. Les seconds voient leur élan s’accélérer.
Ce phénomène devrait nous amener à réviser à la baisse nos prévisions de croissance. Un PIB mondial de 3,3 % cette année n’est plus réaliste. Une prévision de 3,8 % pour l’an prochain non plus. Nous resterons tout de même au-dessus du seuil de 3 %. »
Les pays émergents ont cessé de mériter leur nom : pour la première fois depuis le début de ce siècle, leur croissance économique est à peine supérieure à celle des pays développés et, comme leur croissance démographique est, elle, plus élevée, les pays du Sud ont cessé de rattraper les pays du Nord.
Ne joue plus en leur faveur que… leur retard, qui leur maintient un immense potentiel de croissance. En profiteront les mieux gouvernés, qui sauront ne pas succomber sous le poids d’un endettement excessif, ne pas laisser le niveau de leurs salaires monter trop vite et, dans le même temps, faire progresser la qualité de leur production industrielle.
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4) L’aide de la France au développement
J’ai écrit ici même, il y a quinze jours, que la situation économique et financière de la France, qui ne cesse de se dégrader depuis deux décennies, la prive de toute liberté de mouvement et ôte à ses initiatives africaines et internationales toute crédibilité.
En baisse régulière depuis cinq ans, les chiffres de son aide au développement le confirment. Cette aide a été de 8 milliards d’euros en 2014, en baisse de 9,2 % en termes réels par rapport à 2013, et se situe à 0,36 % du PIB français, contre 0,42 % de moyenne européenne et… 0,70 % pour le Royaume-Uni (qui, lui, respecte l’engagement collectif, qui inclut la France, pris il y a plus de quarante ans devant l’ONU).
Dans son discours à la tribune des Nations unies, le 27 septembre, le président français a promis que son pays augmentera son aide… en 2020, c’est-à-dire dans cinq ans !
Le mandat de François Hollande se termine en mai 2017, et un de ses prédécesseurs, Jacques Chirac, célèbre pour ses promesses rarement tenues, a déjà dit, non sans cynisme : « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient… »
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