Kickboxing à Maurice : gagnants à tous les coups
Lors des mondiaux qui se dérouleront en Serbie, à la fin d’octobre, la sélection nationale de kickboxing compte de nouveau faire des étincelles sur les rings.
Maurice : en quête d’un second souffle
Véritable « modèle » du continent africain, Maurice jouit d’une économie favorable et d’un État fort, qui garantit la stabilité politique à ses citoyens. Cependant, le modèle affiche aujourd’hui quelques signes d’essoufflement, émanant notamment de sa classe politique.
L’information n’avait pas fait la une de la presse sportive internationale, mais, à Maurice, elle avait créé la sensation. Le 9 octobre 2013, plusieurs centaines de Mauriciens – dont Xavier-Luc Duval, le vice-Premier ministre – s’étaient déplacés jusqu’à l’aéroport international Sir-Seewoosagur-Ramgoolam pour accueillir avec les honneurs leurs tout premiers champions du monde – certes en catégorie amateur. Encore auréolés de leurs succès obtenus au Brésil, les kickboxers Fabrice Bauluck et James Agathe semblaient un peu hagards au moment d’exhiber leurs médailles devant la foule. Sans doute étaient-ils surpris d’un tel accueil, si loin de l’anonymat des salles d’entraînement auquel ils étaient habitués… jusqu’à ce retour triomphal.
Fabrice Bauluck, le champion national
Cette notoriété grandissante, Fabrice Bauluck commence tout juste à s’y habituer. Aussi timide dans la vie que hardi sur le ring, il a longtemps été à la peine devant les journalistes, avant de se laisser apprivoiser. À 27 ans, il a enfin conquis son Graal. Il était temps ! Champion du monde juniors en 2004 et 2006, il avait ensuite collectionné les places d’honneur face aux champions d’Europe de l’Est. Frustrant… « Je ne viens pas pour participer mais pour gagner », ne cessait alors de répéter ce compétiteur, qui entendait bien imposer sa loi sur le ring.
« Il a un vrai mental de champion », confirme Judex Jeannot, l’entraîneur national et véritable père fondateur du kickboxing à Maurice. Fabrice Bauluck ne compte pas que sur son seul talent pour faire la différence. Sous les néons blafards de la salle surchauffée de Rose-Hill, où il s’entraîne deux fois par jour, il bourre de coups de pied les sacs en cuir alignés contre le mur de briques. L’œil noir est perçant, la frappe précise. Alors qu’il s’apprête à remettre son titre en jeu, fin octobre en Serbie, le poids coq ne ménage pas ses efforts pour être plus affûté que jamais. Derrière les cordes, les gamins, dans leurs shorts rouges beaucoup trop grands, ne quittent pas leur champion des yeux. La relève se prépare…
James Agathe, un Rodriguais à Maurice
Changement d’ambiance et de décor pour James Agathe. Le Rodriguais s’est installé en 1999 à Grand Baie, la station balnéaire la plus branchée de Maurice. La salle de sports qu’il y gère depuis deux ans s’ouvre sur la plage en contrebas, pour mieux laisser pénétrer l’air du large, qui vient rafraîchir les touristes en plein effort. De sa voix grave de stentor, James Agathe donne le rythme, puis frappe les battoirs qui lui servent de mains pour mettre fin à la séance. Il n’a qu’un étage à monter pour retrouver son monde à lui, ses coupes et ses médailles.
Des photos de ses plus belles victoires tapissent le mur d’entrée, surplombées d’un poster de Mike Tyson, son idole. « Comme lui, je voulais devenir champion du monde à 18 ans », tonne le colosse de 1,85 m qui a dû attendre la trentaine pour atteindre son but. Certes, il sait de longue date qu’il veut être « toujours le plus fort ». Mais il lui fallait d’abord se trouver lui-même avant d’identifier les failles de ses adversaires, et il a longtemps papillonné d’un sport de combat à un autre. Le karaté, puis le kickboxing.
Lors de son premier match officiel, il abandonne au deuxième round, « faute d’endurance ». Déçu, il plante tout. Revient au bout de quelques années, puis abandonne de nouveau après s’être fait sortir au premier tour d’un tournoi open qu’il s’imaginait gagner. Il tâte un peu de la boxe, mais revient vite au kick, plus confiant, plus expérimenté, plus fort. Au Brésil, durant les championnats du monde, il est comme touché par la grâce.
« Je voyais tous les coups de mes adversaires à l’avance, j’avais l’impression de planer sur le ring », sourit-il en mimant les gestes qui lui ont permis de faire la différence face à ses concurrents russes ou azéris. Aujourd’hui entré dans la dernière ligne droite de sa préparation, il se fixe l’objectif de conserver sa couronne à Belgrade. Avant, peut-être un jour, de remporter les lauriers olympiques. « Le kickboxing fera son entrée aux JO de 2020 », savoure déjà James Agathe, qui aura alors 40 ans. L’âge de réaliser ses rêves.
Tireurs d’élite
«Tout le monde a enfin cessé de se demander où se trouve Maurice », se réjouit Judex Jeannot, entraîneur et sélectionneur de l’équipe nationale de kickboxing. Il aura fallu un peu moins de quinze ans, depuis la première participation d’un Mauricien à un championnat du monde, en 1999, pour que les autres nations majeures de ce sport de combat puissent situer l’île sur une carte. Le temps pour la jeune classe, couronnée en juniors, de confirmer son talent et de remporter deux titres de champion du monde amateur à São Paulo, au Brésil, en 2013 : James Agathe, premier champion du monde de son pays dans cette discipline (catégorie moins de 81 kg) et Fabrice Bauluck (moins de 54 kg).
Un superbe résultat pour Maurice, dont les tireurs (nom officiel des kickboxers) sont loin de disposer des moyens techniques et financiers de leurs adversaires russes ou sud-africains. « Ici, il n’y a pas de professionnels, et nous sommes beaucoup trop loin pour qu’un promoteur prenne le risque de faire venir un Mauricien sur les circuits européens », regrette Judex Jeannot. Pour la plupart issus de milieux modestes, les membres de la sélection nationale peuvent compter sur le soutien des pouvoirs publics. « Il est toutefois difficile de trouver des sponsors, confirme Bauluck, employé par le club de fitness où il s’entraîne.
Il faut donc avoir la rage… » Sur le ring, les Mauriciens ne semblent pas manquer de niaque. Cette fois, il en faudra beaucoup à Burtland Simiss. Celui qui, selon l’entraîneur national, « possède le plus gros potentiel et le plus de chances d’aller chercher l’or aux prochains Mondiaux » (du 24 octobre au 1er novembre en Serbie) s’est en effet blessé au pied gauche lors d’un entraînement, fin août. Après avoir perdu en finale il y a deux ans au Brésil, Simiss, bien résolu à ne pas se contenter de l’argent, espère surmonter ce handicap.
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