Banque : l’embellie éthiopienne profitera-t-elle à tous ?
Un développement économique radieux et l’absence de concurrence internationale… Le secteur bancaire bénéficie d’un paysage plus que favorable. Mais les acteurs du privé peinent à trouver leur place.
L’Éthiopie affiche, depuis quelques années, une croissance économique parmi les plus fortes du continent. D’après la Banque mondiale, le pays enregistrera jusqu’en 2017 le taux de progression de PIB le plus élevé au monde, avec une moyenne annuelle de 9,6 %. Le visage d’Addis-Abeba, la capitale du pays, change sans cesse avec de nombreuses constructions et l’inauguration, mi-septembre, de la première ligne de tramway d’Afrique subsaharienne.
Parmi les grands gagnants de cette embellie économique, les banques. Les dépôts sont en hausse permanente, les marges bénéficiaires dépassent la moyenne continentale, et « le rendement des actifs et le retour sur capitaux propres ont respectivement montré une performance confortable, à 3,1 % et 44,6 % », selon un rapport du FMI datant de l’année dernière.
Règlementation
Souvent bien capitalisés, les établissements bancaires éthiopiens (publics ou privés) profitent d’autant plus de la croissance économique du pays qu’ils évoluent dans un environnement protégé de la concurrence internationale. Le gouvernement d’Addis-Abeba considère d’ailleurs qu’ils sont encore loin de pouvoir rivaliser avec leurs pairs continentaux et mondiaux. Et le secteur n’a été ouvert aux acteurs privés locaux qu’en 1994. De fait, non seulement les seize institutions privées que compte le pays sont jeunes, mais elles sont limitées par une réglementation contraignante qui ne leur laisse pas, par exemple, la possibilité d’offrir des cartes de crédit ou des services de banque d’investissement.
Autant dire que c’est le public qui domine le secteur. Ces dernières années, les trois banques publiques, la Construction and Business Bank, la Development Bank of Ethiopia et la Commercial Bank of Ethiopia (CBE), ont représenté au moins 60 % des prêts accordés. À elle seule, la CBE compte plus de 800 agences dans le pays, alors qu’aucune des banques privées n’atteint les 200 agences.
Dans ce pays de 95 millions d’habitants, largement sous-bancarisés, les banques privées misent, pour se démarquer, sur un meilleur service à la clientèle, se concentrent sur certains secteurs ou ont des succursales dans des lieux stratégiques. Pour atténuer la concurrence entre les établissements, la banque centrale du pays, la National Bank of Ethiopia (NBE), a maintenu le taux de rémunération de l’épargne inférieur au taux d’inflation (qui était, en 2014, de 8,1 %).
De nombreux banquiers privés restent pourtant optimistes quant à leur avenir. Par exemple, Helaway Tadesse, l’un des vice-présidents de la Zemen Bank, principalement destinée aux entreprises, soutient que les banques offrent des taux d’intérêt payés sur les dépôts de plus en plus concurrentiels, réellement intéressants pour les épargnes à long terme. Selon lui, la poursuite de la croissance économique est de bon augure pour le secteur, et, bien que les rendements sur les capitaux propres aient légèrement baissé depuis le pic d’il y a quelques années, ils restent à des niveaux confortables.
« Du point de vue opérationnel, nous ne sommes pas exposés à des risques graves tant que le prêt est entièrement financé par des dépôts de la clientèle, contrairement aux lignes de crédit à court terme. Et, à part les prêts classiques, il n’y a pas de produits ou d’instruments très risqués dans le système. »
Bras de fer
Cependant, certains problèmes persistent. À commencer par le manque actuel de devises, provoqué par les importations (matériaux, services…) liées aux projets d’infrastructures menés par le gouvernement – comme le barrage de la Renaissance, qui devrait coûter 4 milliards de dollars (3,5 milliards d’euros). Ainsi, alors que le financement du commerce constitue l’une des principales sources des banques privées, cette pénurie de devises étrangères oblige les importateurs à attendre des mois pour obtenir des lettres de crédit.
Par ailleurs, un resserrement réglementaire datant de 2011 fait l’objet d’un bras de fer entre l’État et les établissements privés. Et pour cause : le gouvernement exige que ceux-ci consacrent 27 % de leur portefeuille de prêts aux obligations à faibles taux d’intérêt émises par la banque centrale, limitant ainsi leur capacité de liquidité et de crédit. À cela il faut ajouter l’augmentation du capital minimum exigé pour exercer une activité bancaire, qui passe de 75 millions de birrs (3,1 millions d’euros) à 500 millions. Résultat, les petites banques peinent à trouver des actionnaires et des fonds. Ce qui rend l’arrivée de nouveaux acteurs privés encore plus difficile.
La règle des 27 % en quelques mots
Face au mécontentement des banques privées dû à la fameuse règle des 27 %, Sufian Ahmed, ministre éthiopien des Finances, s’explique : « Les établissements privés doivent allouer une partie de leurs prêts, ces 27 % visant avant tout à financer le secteur privé. Le mécanisme est simple : la banque centrale émet un emprunt obligataire, l’argent va à la Development Bank of Ethiopia, qui, à son tour, le transfère au secteur privé impliqué dans des investissements à long terme [industrie manufacturière]. »
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