Maroc-Suède : le Sahara au coeur de la guerre des trônes

Déclarée indésirable à Casablanca, la société Ikea fait sans nul doute les frais du soutien que le pays du roi Carl Gustaf apporte de longue date au Polisario.

Le magasin du numéro un mondial de l’ameublement, près de Casablanca. © ABDELJALIL BOUNHAR/AP/SIPA

Le magasin du numéro un mondial de l’ameublement, près de Casablanca. © ABDELJALIL BOUNHAR/AP/SIPA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 8 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.

À la surprise générale, le Maroc a annoncé, ce 28 septembre, la suspension de l’ouverture du magasin Ikea, prévue pour le lendemain près de Casablanca. Motif officiel : la société suédoise n’a pas reçu les autorisations nécessaires. Tout semble cependant indiquer qu’elle paie le prix de la position de son pays au sujet du Sahara.

Entre Rabat et Stockholm, les relations n’ont jamais été au beau fixe. Comme la plupart des formations politiques scandinaves de gauche, le Parti social-démocrate des travailleurs (PSD), au pouvoir en Suède, ne fait pas mystère de sa sympathie à l’égard du Polisario. Un tropisme hérité de son ancien dirigeant, le Premier ministre Olof Palme, assassiné en 1986. Se montrer solidaire envers un peuple « réclamant son autodétermination » fait partie de l’ADN du PSD, qui, au début de septembre, a déposé une proposition de loi appelant à la reconnaissance du Polisario.

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La question du Sahara au cœur de la discorde

Le PSD agit à travers le Centre international Olof-Palme, un think tank qui regroupe 26 organisations, et une jeunesse très active au sein de l’International Union of Socialist Youth, dépendant de l’Internationale socialiste. Très structuré en Suède, le réseau pro-Polisario compte l’ONG Emmaus Stockholm (qui depuis vingt ans accorde des aides aux Sahraouis et organise des visites au camp de Tindouf), le Swedish Fellowship of Reconciliation, le Swedish Solidarity Committee, Caritas Suède, le Vastsahara Aktionen, sans compter les nombreux soutiens dans les milieux académiques et les aides matérielles accordées à des activistes sahraouis, comme Brahim Dahane.

Depuis les années 1980, Stockholm s’oppose au renouvellement de l’accord de pêche et de l’accord agricole liant le Maroc à l’UE. Il est allé jusqu’à menacer de poursuites pénales des dirigeants d’une société suédoise dont les bateaux opéraient dans les eaux du Sahara. Chaque année en avril, à la veille du rapport du secrétaire général de l’ONU, les Suédois adressent une lettre au Conseil de sécurité, exigeant que le mandat de la Minurso soit élargi à la surveillance des droits de l’homme.

Récemment enfin, la Suède a nommé un diplomate chargé de suivre la question du Sahara auprès de sa mission permanente à New York. Une initiative à laquelle Rabat compte répondre en envoyant une délégation de partis dialoguer avec leurs homologues suédois.

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Le Maroc boycotte les produits suédois

Depuis le 1er septembre, le bras de fer politique se déplace sur le terrain économique. Ce jour-là, le Maroc a décidé de boycotter les sociétés et produits suédois, ripostant à une mesure similaire de Stockholm visant ses productions issues du Sahara. En 2013 déjà, sept distributeurs de produits alimentaires (Axfood, Coop, Ica, Bergendahls, EverFresh, Hemköp et Willys) avaient déclaré ne plus vouloir importer ou vendre de produits marocains, invoquant une incompatibilité avec leur éthique commerciale. Et, en 2010, l’entreprise de produits de santé Cederroth avait refusé d’utiliser de l’huile de poisson en provenance du Maroc.

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L’Office chérifien des phosphates (OCP), qui dispose d’une mine dans le Sahara, Phosboucraâ, n’a pas été épargné. Huit fonds d’investissement suédois (dont Seventh AP Fund, Folksam/KPA et ÖhmanFunds) se sont retirés du capital des sociétés important du phosphate du Sahara. D’autres, comme Nordea et AP, envisagent de le faire. Enfin, Agrium, un fabricant canadien d’engrais, client de l’OCP, a vu tous les fonds gouvernementaux suédois se désengager de son tour de table.

Ce raidissement de la Suède n’est pas sans retentissements : il pousse la Norvège voisine à aller elle aussi dans le sens du boycott, et, bien au-delà, porte atteinte à la position commerciale du Maroc sur son premier marché, celui de l’Union européenne.

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