Guatemala : Jimmy Morales, drôle de zigoto

Acteur comique, croisé anticorruption et théologien évangélique proche des durs de l’armée, Jimmy Morales est arrivé en tête au premier tour de la présidentielle. Verdict le 25 octobre.

Le candidat du Front de convergence nationale, le 6 septembre au siège de son parti, à Guatemala. © LUIS SOTO/AP/SIPA

Le candidat du Front de convergence nationale, le 6 septembre au siège de son parti, à Guatemala. © LUIS SOTO/AP/SIPA

Publié le 16 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.

Jimmy Morales, 46 ans, est célèbre dans son pays en tant que comédien, humoriste et animateur de télévision. Mais en politique, avant sa décision de se lancer dans la course à la présidence, c’était un quasi-inconnu. En 2011, il avait certes tenté de conquérir la mairie de Mixco, mais sans succès.

La surprise a donc été totale quand, le 6 septembre, Morales, candidat du Front de convergence nationale (FCN-Nación, droite), est arrivé en tête du premier tour avec 23,89 % des suffrages devant deux candidats séparés par moins de 6 000 voix. Au bout du compte, Manuel Baldizón, un homme d’affaires millionnaire présenté par le Lider (centre droit), a été devancé d’un souffle par Sandra Torres, une -expremière dame, qui concourait sous les couleurs de l’Union nationale de l’espoir (UNE, sociale-démocrate). Le second tour aura lieu le 25 octobre. À en croire le tribunal électoral, le vote a donné lieu à une mobilisation sans précédent : plus de 5,3 millions de personnes, soit 70,77 % des électeurs, ont déposé un bulletin dans l’urne.

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L’expression d’un ras-le-bol

Pour comprendre ces résultats effarants, il faut se reporter un peu plus d’un mois en arrière. Le 3 septembre, le président Otto Pérez Molina présente sa démission. La veille, il a été privé de son immunité par les députés, après avoir été, dix jours auparavant, accusé par la justice d’être à la tête de La Línea, un réseau de détournement des taxes douanières. Molina et la vice-présidente Roxana Baldetti sont soupçonnés d’avoir, entre mai 2014 et avril 2015, touché chacun 800 000 dollars de pots-de-vin, tandis que La Línea détournait 3,8 millions de dollars.

Ils ont l’un et l’autre été placés en détention provisoire. Dans ces conditions, comment s’étonner que les électeurs se soient mobilisés en masse pour exprimer leur ras-le-bol ? Et qu’ils aient choisi pour remplacer Otto Pérez Molina un candidat atypique dont la notoriété en tant qu’acteur comique reste intacte ?

Pendant vingt ans, je vous ai fait rire ; je vous promets que, si je deviens président, je ne vous ferai pas pleurer, assure-t-il

Marié et père de quatre enfants, Jimmy Morales est surtout connu pour le duo (Moralejas) qu’il forme avec son frère Sammy depuis plus de quinze ans. Les deux comiques ont notamment parodié la mafia, la Grèce antique et le Far West. Son rôle de Neto, cow-boy naïf qui devient président par accident, est l’un de ses plus grands succès. Il a aussi produit nombre de longs-métrages et de programmes télévisés. Diplômé en gestion d’entreprise de la faculté d’économie de San Carlos de Guatemala (Usac), il est aussi titulaire de deux masters, l’un en direction des médias, l’autre en études stratégiques. Il a même donné quelques cours à l’université.

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Un candidat inexpérimenté, mais drôle

Deux ans après son aventure électorale malheureuse à Mixco, Morales a été nommé secrétaire général de FCN-Nación. Depuis l’annonce de sa candidature présidentielle, son succès est fulgurant, mais on chercherait en vain son programme, qui se limite, pour l’essentiel, à un slogan : « Pas corrompu, pas voleur ». Mais son humour fait merveille pendant ses meetings.

Aux législatives du 6 septembre, son parti n’a recueilli que 8,8 % des voix, loin derrière Lider et UNE, les deux partis traditionnels

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« Pendant vingt ans, je vous ai fait rire ; je vous promets que, si je deviens président, je ne vous ferai pas pleurer », assure cet évangélique (et professeur de théologie) affiché, notoirement hostile à la légalisation de la marijuana, au mariage homosexuel et à l’avortement. Morales propose aussi de mettre en place une Assemblée nationale constituante afin de réformer le pays en profondeur et de combattre la corruption, mais son inexpérience inquiète. Nombre d’observateurs soulignent par ailleurs la proximité du FCN-Nación avec l’aile dure de l’armée…

S’il venait à être élu, la suite ne serait sûrement pas une partie de plaisir. Aux législatives du 6 septembre (elles ont eu lieu en même temps que le premier tour de la présidentielle), son parti n’a recueilli que 8,8 % des voix, loin derrière Lider et UNE, les deux partis traditionnels. Or ceux-ci sont très, très hostiles aux réformes demandées par Morales.

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