Algérie : le grand patron Issad Rebrab se dit traqué et contre-attaque

Le grand patron algérien accuse certains cercles du pouvoir de travailler à sa perte et se dit visé par un mandat d’arrêt pour une obscure affaire de surfacturations. Les autorités démentent.

Le PDG de Cevital, l’un des hommes d’affaires les plus influents d’Afrique. © BRUNO LEVY THE AFRICA CEO FORUM/J.A.

Le PDG de Cevital, l’un des hommes d’affaires les plus influents d’Afrique. © BRUNO LEVY THE AFRICA CEO FORUM/J.A.

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Publié le 16 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.

Veut-on faire la peau à Issad Rebrab, président du conseil d’administration de Cevital, premier groupe privé en Algérie ? Depuis le Brésil, où il se trouve en voyage d’affaires, le capitaine d’industrie affirme faire l’objet d’un mandat d’arrêt susceptible de l’envoyer en prison dès son retour au pays. Et, pour se défendre, lance une vaste opération médiatique. Qualifiant les dirigeants actuels de « plus grands dangers pour l’Algérie », Rebrab soutient que certains, dans les cercles du pouvoir, s’acharnent à sa perte.

Selon lui, Abdelmalek Sellal, le Premier ministre, a demandé à Tracfin, organisme du ministère français de l’Économie et des Finances chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent, d’enquêter sur l’origine des fonds avec lesquels il avait racheté, en 2014, la société FagorBrandt. Et le patron de Cevital promet de faire de nouvelles révélations sur les embûches administratives et politiques dont il se dit victime depuis ces dix dernières années.

Le patron de Cevital a trompé l’État en important, au mépris des textes de loi qui l’interdisent, du matériel usagé et de vieux équipements pour son usine FagorBrandt à Sétif, selon Abdeslam Bouchouareb

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Face à la gravité de ses propos et à l’ampleur que prend l’affaire, le directeur de la police nationale et le ministre de la Communication ont réfuté publiquement l’existence d’un tel mandat d’arrêt, tout en invitant l’intéressé à la retenue. Si ce double démenti a fait baisser la tension, il ne semble pas avoir pour autant rassuré Rebrab. Solidaires, ses employés envisagent d’organiser des marches de soutien, notamment à Béjaïa, où est implantée l’usine Cevital, navire amiral du groupe. Quand on connaît le caractère frondeur de cette région de Basse Kabylie, on peut redouter des débordements de rue si d’aventure les esprits ne se calmaient pas rapidement. Ambiance.

Mais qu’est-ce qui a fait sortir de ses gonds Issad Rebrab, 71 ans, d’ordinaire si pudique et mesuré ? À l’origine, une passe d’armes avec Abdeslam Bouchouareb, le ministre de l’Industrie et des Mines. Tout commence lorsque l’industriel reproche au responsable politique d’ignorer ses demandes d’audience et de bloquer ses nombreux projets, notamment dans les domaines de la sidérurgie, de la pétrochimie, de la construction navale et de l’automobile.

Réplique cinglante du ministre : le patron de Cevital a trompé l’État en important, au mépris des textes de loi qui l’interdisent, du matériel usagé et de vieux équipements pour son usine FagorBrandt à Sétif. Ces opérations, argue-til, ont donné lieu à 3,2 millions d’euros de surfacturations. De quoi valoir à Rebrab des poursuites au pénal.

L’existence du prétendu mandat d’arrêt a-t-elle pour origine ces accusations de surfacturations ? Dans ce pays où la rumeur est un sport national, cette hypothèse n’est pas exclue

Celui-ci rétorque qu’il a agi dans la transparence et la légalité. Loin d’être intimidé par ce membre influent du gouvernement, il le défie d’apporter des preuves et exige des excuses publiques, faute de quoi il portera plainte pour diffamation. L’existence du prétendu mandat d’arrêt a-t-elle pour origine ces accusations de surfacturations ? Dans ce pays où la rumeur est un sport national, cette hypothèse n’est pas exclue.

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La polémique, qui survient dans un climat de crise économique et de tensions politiques, n’aurait pas pris pareilles proportions si Rebrab était un homme d’affaires lambda. Issu d’une famille modeste originaire d’un village des montagnes du Djurdjura, cet expert-comptable est à la tête d’un conglomérat qu’il a mis quatre décennies à bâtir et emploie 14 500 collaborateurs. Une success-story qui va au-delà des frontières. Avec un chiffre d’affaires de 3,3 milliards d’euros en 2014, Cevital est le deuxième contribuable après Sonatrach et arrive juste derrière le géant pétrolier en matière d’exportations. Jamais depuis l’indépendance, en 1962, un homme d’affaires algérien n’aura connu une telle réussite.

Reçu comme un chef d’État par François Hollande ou par l’Italien Matteo Renzi, ce père de cinq enfants suscite admiration et respect chez ses compatriotes comme auprès de ses partenaires étrangers. Bourreau de travail, à cheval sur la discipline, chaleureux, Rebrab est régulièrement cité parmi les hommes les plus influents d’Afrique. De quoi lui valoir quelques inimitiés dans son pays, où son retour est très attendu.

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