France : François Hollande a-t-il l’ombre d’une chance pour 2017 ?

La droite le voue aux gémonies, le centre est très loin d’être enthousiasmé par sa politique et la gauche de la gauche ne lui pardonne pas ses reniements. François Hollande ne désespère pourtant pas d’être réélu en 2017 !

Image172453.jpg © ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE

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ProfilAuteur_JeanMichelAubriet

Publié le 13 octobre 2015 Lecture : 6 minutes.

Il ne pense qu’à ça. Et pas seulement en se rasant, comme son prédécesseur à l’Élysée. La moindre de ses décisions, sa déclaration la plus anodine, son voyage en province le plus fastidieux, son initiative internationale la plus dépourvue, en apparence, d’arrière-pensée partisane – l’on songe au prochain sommet de Paris sur le climat, en décembre – n’ont qu’un objectif : sa réélection en 2017.

François Hollande n’est assurément ni le premier ni le dernier dans ce cas. Mais ne pouvait-on attendre de ce président « normal » – expression fatidique qu’il portera comme une croix jusqu’à la fin – moins d’égarement ? Sur quoi se fonde-t-il pour espérer contre vents et marées être reconduit dans ses fonctions ? Certes pas sur les résultats de sa politique économique.

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Un président « normal » désavoué par l’opinion

En septembre 2012, spéculant sur d’hypothétiques retombées hexagonales d’une reprise de la croissance mondiale, il avait imprudemment annoncé que, s’il échouait à « inverser la courbe du chômage », il renoncerait à briguer un second mandat. Les années ont passé, il n’a rien inversé du tout, les spécialistes veulent croire pour la fin de 2015 à un rebond « timide » de la croissance dont rien ne prouve qu’il aura la moindre incidence sur l’emploi, mais le président n’en est pas moins résolu à s’exonérer de sa promesse. À l’Élysée, où l’on a senti le piège se refermer, on se garde bien désormais de parler d’inversion. On lui préfère le terme sans doute plus pudique de « diminution régulière »…

La personnalité même du chef de l’État pose question. Certes, les errements du début ont été corrigés grâce à une communication plus maîtrisée, mais son cynisme bonhomme, ses habiletés de congressiste socialiste, sa propension très chiraquienne à flinguer alliés et affidés – ô Martine Aubry ! ô Arnaud Montebourg ! et bientôt ô Manuel Valls ? -, ses louvoiements et ses fluctuations ne passent pas dans l’opinion.

Si la présidentielle avait lieu aujourd’hui, Hollande serait presque à coup sûr devancé au premier tour par les candidats de la droite et de l’extrême droite

Les sondages en témoignent : sa popularité s’est affaissée dès après son élection et ne s’est jamais durablement redressée (sauf, trois mois durant, après les attentats islamistes du mois de janvier). Aux dernières nouvelles, il recueille autour de 20 % d’opinions favorables et continue d’entraîner dans sa chute le chef de son gouvernement.

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Toutes les élections depuis le 17 juin 2012 (législatives partielles, municipales, départementales et européennes) ont été désastreuses pour son parti, et les prochaines, les régionales du mois de décembre, ne s’annoncent pas sous de meilleurs auspices : même les dirigeants socialistes s’attendent à une bérézina. Si la présidentielle avait lieu aujourd’hui, Hollande serait presque à coup sûr devancé au premier tour par les candidats de la droite (Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé) et de l’extrême droite (Marine Le Pen), et serait donc brutalement éjecté du second.

François Hollande, un tacticien plutôt qu’un stratège

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Impavide dans la tourmente (c’est l’une de ses qualités), le chef de l’État continue pourtant de croire à son étoile. Il en a l’habitude : depuis son plus jeune âge, il a du mal à se faire respecter de ses petits camarades, subit avanies et quolibets – « Fraise des bois » (Laurent Fabius), « Flanby » (Arnaud Montebourg), « Pervers Pépère » (Jean-Christophe Cambadélis), voire « Guimauve le Conquérant », mais l’emporte souvent à la fin et sait alors se montrer magnanime : Fabius est ministre, Montebourg l’a été et Cambadélis dirige le PS. Bref, rivaux et adversaires ont tort de le sous-estimer.

Hollande n’est pas un stratège pensant dix coups à l’avance. Il n’a rien d’un Sun Tzu (l’antique auteur de L’Art de la guerre), d’un Machiavel, d’un Baltasar Gracián (le génial jésuite espagnol du temps de Philippe IV), ni même d’un François Mitterrand, son mentor. Et il n’a dans son aréopage de conseillers nul oiseau de cette envergure. Mais c’est un tacticien retors, un manœuvrier redoutable, quoique à courte vue, qui connaît les hommes, décèle leurs forces et surtout leurs faiblesses, puis les manipule avec froideur sans jamais montrer son jeu.

Il a toujours eu de surcroît une chance insolente. Serait-il aujourd’hui à l’Élysée si Dominique Strauss-Kahn, le grand favori pour la primaire socialiste de 2011, n’avait eu la très mauvaise idée de culbuter une femme de chambre guinéenne dans un palace new-yorkais ? À quoi tient parfois une destinée ! La chance n’a qu’un défaut : elle est volage. Se convainc-telle qu’on abuse d’elle ? Elle tourne les talons. François Hollande a-til vraiment tout fait, depuis trois ans, pour la mériter ?

Divisions au sein du camp socialiste

Même son sens politique laisse parfois perplexe. Après son élection, en 2012, son premier geste fut de décliner les avances de François Bayrou, le patron du MoDem, qui attendait monts et merveilles – Matignon ? – de son appel à voter pour lui au second tour. Ulcéré de tant d’ingratitude, le centriste gascon s’épancha sur l’épaule de son compatriote Alain Juppé, maire de Bordeaux, qui, par tactique plus que par compassion, l’aida à se remettre en selle en conquérant sa ville de Pau. Bayrou ne se ralliera jamais à Sarkozy, qu’il hait, mais il est désormais l’obligé de Juppé – à supposer que ce mot ait un sens en politique.

L’accès aux réserves de voix centristes lui étant désormais interdit – Bayrou ne manque plus une occasion de descendre en flammes sa politique -, le nouveau président a-til mis la barre à gauche toute ? C’eût été trop simple, trop logique. Pas assez ondoyant et contradictoire. Sa passion presque pathologique pour le compromis, l’accommodement, la synthèse, la demi-mesure et la demi-teinte y eût-elle trouvé son compte ? Sous la houlette de Jean-Marc Ayrault, il a donc engagé une politique inconsistante et floue qui a eu pour plus clair résultat de faire l’unanimité contre elle. Puis, sous celle de Manuel Valls, une stratégie d’inspiration sociale-libérale qui a fait sourire à droite et hurler la gauche à la trahison.

Le problème est que Hollande ne semble pas prendre véritablement au sérieux l’hypothèse de sa propre élimination au premier tour – à moins qu’il ne fasse semblant

Qui veut la peau de Manuel Valls et celle d’Emmanuel Macron, le distingué ministre de l’Économie sorti de son chapeau par le magicien élyséen pour concurrencer son envahissant chef du gouvernement, gauchiser, par contraste, sa propre image et créer l’illusion qu’il pourrait constituer, tout compte fait, un moindre mal ?

Tout le monde, bien sûr : frondeurs socialistes, écologistes (exception faite d’une poignée d’opportunistes fascinés par les strapontins élyséens), archéo-mélenchoniens, crypto-communistes et trotskistes de toutes obédiences. C’est beaucoup et peu à la fois : tout ce petit monde, les sondages en attestent, ne représentant guère plus de 10 % de l’électorat. Mais c’est suffisant pour lui barrer l’accès à la finale. En 2002, l’élimination précoce de Lionel Jospin ne fut-elle pas, en partie, la conséquence des candidatures de Jean-Pierre Chevènement et de Christiane Taubira ?

Le problème est que Hollande ne semble pas prendre véritablement au sérieux l’hypothèse de sa propre élimination au premier tour – à moins qu’il ne fasse semblant. Ce que l’on devine de sa stratégie concerne, pour l’essentiel, le second, qu’il s’agisse de la valorisation systématique de Sarkozy au détriment de Juppé, jugé plus rassembleur, donc plus redoutable, ou de ses contorsions pour amadouer la gauche de la gauche et l’inciter à se rallier in extremis à lui, en désespoir de cause.

Mais avec 20 % des voix au premier tour, à quoi bon tout cela ? Le candidat des Républicains et celui du Front national se retrouveraient immanquablement face à face au second tour. Et le premier l’emporterait alors sans coup férir.

Bien sûr, l’échéance est encore lointaine – dix-huit mois -, mais le président sortant paraît quand même très mal embarqué. Mille imprévisibles choses peuvent encore bouleverser la donne en sa faveur ? Oui, peut-être, mais ce n’est pas sûr. La chance peut-elle lui rester encore une fois fidèle ? Ce ne serait pas forcément très juste, mais la chance n’a jamais rien eu à voir avec la justice.

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