Portrait : la boulimie africaine de Kevin Tromp, patron de Publicis Africa Group

Depuis Johannesburg, le Sud-Africain a apporté une nouvelle dimension à la division subsaharienne du groupe français. Son réseau compte désormais 51 agences et plus de 3 000 salariés.

Kevin Tromp est, depuis 2010, le directeur général de Publicis Africa Group. © DR

Kevin Tromp est, depuis 2010, le directeur général de Publicis Africa Group. © DR

Julien_Clemencot

Publié le 22 octobre 2015 Lecture : 5 minutes.

Fin octobre, Kevin Tromp, directeur général de Publicis Africa Group, réunira ses troupes à Johannesburg. À cette occasion, plus de 200 membres du réseau, principalement des directeurs d’agence et des créatifs, feront le déplacement depuis les 35 pays du continent où la division subsaharienne du groupe français, numéro trois mondial de la communication, est présente. Ils étaient une quarantaine il y a cinq ans. Mais sous l’impulsion de son manager sud-africain, Publicis a complètement changé de dimension en réalisant depuis une quinzaine d’acquisitions. Du Cap à Dakar, il emploie désormais plus de 3 000 salariés.

L’offensive sud-africaine

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Le montant des investissements est tenu confidentiel, mais Kevin Tromp assure que l’effort est important. La prise de contrôle, en septembre, du sud-africain The Creative Counsel (TCC) aurait coûté 1 milliard de rands (environ 63 millions d’euros). Avec plus de 1 000 salariés, il s’agit de la plus importante agence de publicité du continent. Selon Publicis, le chiffre d’affaires de TCC, réalisé exclusivement en Afrique du Sud, atteindrait près de 100 millions de dollars (près de 90 millions d’euros). Elle gère notamment les budgets d’Unilever, de Vodacom et de Standard Bank.

En 2010, le réseau de Publicis au sud du Sahara était pourtant sur le déclin. En Afrique du Sud, ses agences (Saatchi & Saatchi, Leo Burnett…) perdaient du terrain. Et sa présence hors de ce qui était alors la première économie du continent était limitée. C’est du sommet du groupe, encouragé par les succès obtenus en Chine, en Inde et en Amérique latine, qu’est arrivé le signal de la reconquête. Maurice Lévy, le PDG de Publicis Groupe (natif d’Oujda, au Maroc), a été le plus fervent partisan de cette stratégie.

Recruté début 2010 alors qu’il travaillait à San Francisco pour un groupe spécialiste des produits diététiques et ménagers, Kevin Tromp avait le profil idéal pour mener l’offensive : sud-africain, il connaissait déjà le groupe pour avoir travaillé pour Leo Burnett et disposait d’une forte expérience internationale, aussi bien aux États-Unis qu’en Malaisie, ainsi que d’une véritable culture du résultat.

Au départ, le discret patron de Publicis Africa Group a d’abord eu comme mission de redresser l’activité dans la « nation arc-en-ciel ». Sans états d’âme, il a injecté du sang neuf dans les états-majors et a misé sur des agences en devenir comme Synergize, spécialisée dans l’univers du numérique, qui a été intégrée fin 2013 à Saatchi & Saatchi.

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Malgré ses bons résultats, il a néanmoins dû batailler pour défendre l’idée d’un développement continental. Sous la pression des clients du groupe, l’idée s’est finalement imposée : « Vous ne pouvez pas parler à Samsung, Nestlé ou Procter & Gamble sans que le sujet de l’Afrique soit abordé », confirme Loris Nold, directeur exécutif pour les zones Asie, Pacifique, Afrique, Israël et Turquie au sein de Publicis Worldwide, la maison mère de Publicis Africa Group. Reste que si l’activité de Publicis est effectivement très liée aux multinationales, les agences du réseau voient le nombre de clients locaux augmenter. Ils représentent environ 40 % des contrats au Ghana et 50 % dans les pays francophones.

Hors d’Afrique du Sud, Publicis fait tout de même face à quelques poids lourds, notamment à Ogilvy en Afrique de l’Est

Ces trois dernières années, Kevin Tromp a notamment investi au Kenya, au Ghana, au Nigeria et en Angola. « Il a construit le réseau le plus cohérent du continent », salue Loris Nold. Hors d’Afrique du Sud, Publicis fait tout de même face à quelques poids lourds, notamment à Ogilvy en Afrique de l’Est, plus particulièrement au Kenya. Un adversaire, filiale du britannique WPP, récemment affaibli par la perte du budget panafricain de l’opérateur télécoms Airtel.

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Une ambition continentale

Pour couvrir la zone francophone, Kevin Tromp a choisi de se rapprocher de l’agence de communication globale AG Partners. Implanté dans douze pays, du Sénégal à la RD Congo, le réseau dirigé par Isabelle Aimonetti a d’abord représenté Publicis Worldwide, Leo Burnett et Saatchi & Saatchi pendant deux ans, avant que Publicis entre l’an dernier au capital, à hauteur de 25 %.

Afin de créer une émulation entre les agences, le patron Afrique a aussi instauré un concours interne, appelé « The Giraffes », qui chaque mois récompense les meilleures créations

Cet accord devrait déboucher en 2016 sur une prise de participation majoritaire. Publicis détient des parts dans 31 agences sur les 51 qui composent son réseau au sud du Sahara. « Notre approche consiste à prendre le contrôle pour maîtriser les décisions stratégiques et la qualité des prestations, mais, dans certains pays comme le Nigeria, ce n’est pas possible », explique le directeur général de Publicis Africa Group.

L’ambition continentale de Kevin Tromp a aussi été l’un des éléments clés de l’accord avec Ran Neuner et Gil Oved, fondateurs de TCC. Grâce au soutien de Publicis, l’agence sud-africaine va ouvrir très prochainement une filiale au Mozambique, puis dans les prochains mois au Zimbabwe, au Nigeria, en Éthiopie, au Kenya et au Ghana. Spécialisé dans la promotion des marques et l’animation des points de vente, TCC devrait offrir de nouvelles possibilités de synergies aux autres membres du réseau. « Certains clients poussent aussi pour que les pays francophones soient concernés. Mais ce ne sont que des discussions », précise le manager sud-africain.

Publicis a décidé d’intégrer l’Afrique du Nord, même si la zone continue d’envoyer ses reportings à Dubaï

Développer la coopération au sein de son réseau est actuellement l’une des priorités de Kevin Tromp. Pour y parvenir, il a mis en place un intranet qui facilite le partage d’informations, y compris avec les partenaires dont Publicis n’est pas actionnaire. « C’est essentiel et cela nous différencie de nos concurrents », explique-t-il. Afin de créer une émulation entre les agences, le patron Afrique a aussi instauré un concours interne, appelé « The Giraffes », qui chaque mois récompense les meilleures créations. Sans oublier les rencontres, comme celle bientôt organisée à Johannesburg, qui permettent aux équipes de nouer des liens mais aussi de gagner en compétences grâce à l’organisation d’ateliers et de formations.

Convaincu par l’efficacité du modèle dessiné par Kevin Tromp, Publicis a décidé d’y intégrer l’Afrique du Nord, même si la zone continue d’envoyer ses reportings à Dubaï. « Cela fait sens. Au Maroc, par exemple, de plus en plus de grands groupes se tournent vers l’Afrique subsaharienne », pointe Loris Nold. Un signe de reconnaissance supplémentaire pour le travail de Kevin Tromp, dont l’objectif ne varie pas : offrir à ses clients la même qualité de service au Kenya ou au Ghana qu’au Royaume-Uni ou aux États-Unis.

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