Maroc : Nabila Mounib, l’émissaire rouge de Sa Majesté au chevet des relations avec la Suède

Le royaume fait appel à une figure de la gauche radicale pour ouvrir un dialogue avec les autorités suédoises après qu’elles ont annoncé leur intention de reconnaître la RASD. Portrait.

La secrétaire générale du Parti socialiste unifié, dans son bureau de Casablanca. © HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

La secrétaire générale du Parti socialiste unifié, dans son bureau de Casablanca. © HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 23 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.

En août 2013, au moment de l’affaire de la grâce royale accordée au pédophile espagnol Daniel Galván, elle estimait que le roi devait présenter des excuses publiques aux Marocains. Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU, gauche radicale), n’en était pas à son premier réquisitoire révolutionnaire. Fidèle aux idéaux de son parti, elle n’a jamais été tendre avec le régime, prônant l’instauration d’une monarchie parlementaire où le roi règne mais ne gouverne pas, appelant à une séparation réelle des pouvoirs et dénonçant l’avilissement de la classe politique. Au lendemain de l’adoption de la Constitution de 2011, proposée par Mohammed VI dans le sillage des mouvements contestataires du Printemps arabe, elle n’a pas hésité à fustiger « un texte antidémocratique ».

Le PSU appelé à dialoguer avec la Suède

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Pourtant, le royaume a récemment fait appel à elle pour redorer son image en Suède, laquelle a annoncé, début septembre, son intention de reconnaître la République arabe sahraouie démocratique (RASD), provoquant une crise politique sans précédent entre les deux pays. Le 28 septembre, à l’initiative du Palais, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, convoque les leaders des principaux partis pour organiser la riposte.

Du 4 au 7 octobre, elle rencontre donc ses camarades suédois et parvient à faire passer le message du Maroc dans un pays où il n’a pas d’ambassadeur depuis trois ans

Curieusement, le PSU, cet outsider jusque-là complètement absent des radars officiels en raison de sa maigre influence électorale, faisait partie des convives. On propose à Nabila Mounib d’accompagner une délégation de partis marocains à Stockholm pour dialoguer avec le Parti social-démocrate (PSD) suédois, au pouvoir. Nabila Mounib accepte, mais exige que seuls les partis de sa famille politique soient du voyage : les socialistes de l’USFP et du PPS. Du 4 au 7 octobre, elle rencontre donc ses camarades suédois et parvient à faire passer le message du Maroc dans un pays où il n’a pas d’ambassadeur depuis trois ans.

Un passé de militante

Née en 1960, Nabila Mounib a vécu plusieurs années en Algérie – son père était consul à Oran – avant de revenir au Maroc poursuivre un cursus universitaire de biologie. À la fin des années 1970, elle rejoint l’Union nationale des étudiants du Maroc (Unem), qui regroupait à l’époque l’intelligentsia de gauche, et se rapproche de l’organisation du 23-Mars, courant radical sévèrement réprimé par Hassan II et qui donnera naissance plus tard à l’Organisation de l’action démocratique populaire (OADP). Le leader de cette dernière, Mohamed Bensaïd Aït Idder, ancien membre de l’Armée de libération nationale, est à ce jour le père spirituel de Nabila Mounib. « Elle le consulte régulièrement, s’abreuve de ses conseils avant de prendre toute décision engageant le parti », témoigne l’un de ses proches.

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La jeune militante assiste à toutes les secousses qui frappent l’OADP sous Hassan II, y compris la douloureuse expérience du milieu des années 1990, qui a vu l’organisation se déchirer après sa décision de boycotter la Constitution de 1996. L’OADP ne renaîtra qu’en 2006 sous la bannière du PSU après avoir rallié à elle d’autres militants de gauche, dont des dissidents de l’USFP.

Ceux qui pensent que le militant de gauche doit forcément ressembler à un plouc cultivent des clichés dépassés et malhonnêtes, lance-t-elle à ses détracteurs

Dans la foulée du Printemps arabe, le PSU décide, en janvier 2012, de porter une femme à sa tête. Nabila Mounib est tout indiquée. « Elle a le sens de la pédagogie vu son statut d’enseignante universitaire et un franc-parler mêlé de douceur féminine qui fait que son message passe mieux que celui d’un homme », explique un militant du parti. Parfaitement bilingue, cette mère de trois enfants a une parole élégante qui fait jaser ses adversaires. « Que fait une bourgeoise au milieu des prolos ? » ironisent-ils. Sa réponse fuse : « Ceux qui pensent que le militant de gauche doit forcément ressembler à un plouc cultivent des clichés dépassés et malhonnêtes. »

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Au sein de son parti, elle est comparée à l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair. Flegmatique et combative, elle est à l’origine, comme lui, de l’adoption d’une « troisième voie ». Un virage concrétisé par la participation du PSU aux élections locales du 4 septembre après une longue période de boycott. Plus souple que nombre de ses camarades, Nabila Mounib est ouverte au dialogue avec le pouvoir. Reste à savoir si ce dernier saura (ou voudra) l’associer à ses projets, au risque d’essuyer ses critiques.

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