RDC : une croissance soutenue, mais…

Malgré la chute des cours des matières premières et des recettes en diminution, la croissance reste soutenue. Mais le retard du développement des infrastructures risque d’en limiter l’impact.

Dans la grande cimenterie du Katanga, à Likasi, à 120 km à l’ouest de la capitale provinciale de Lubumbashi. © GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR J.A.

Dans la grande cimenterie du Katanga, à Likasi, à 120 km à l’ouest de la capitale provinciale de Lubumbashi. © GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR J.A.

CECILE-MANCIAUX-2024

Publié le 3 novembre 2015 Lecture : 6 minutes.

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RD Congo : les grandes manoeuvres

Constitution, élections, défiance entre pouvoir et opposition … L’année 2016 s’annonce sous haute-tension.

Sommaire

Alors qu’elles tablaient en début d’année sur une croissance du PIB de 10,3 % en 2015, les autorités ont dû revoir leurs prévisions à la baisse en raison du ralentissement de l’activité économique au premier semestre. La « troïka stratégique » (comité exécutif rassemblant notamment les ministres du Budget, de l’Économie nationale, des Finances, et le gouverneur de la Banque centrale autour du Premier ministre) a ainsi annoncé, le 24 août, que la croissance ne sera finalement « que » de 8,4 % en 2015, après s’être envolée à 9,2 % en 2014.

Principale cause de ce ralentissement : la chute des cours mondiaux du cuivre, qui ont atteint leur plus bas niveau depuis 2009, soit environ 5 100 dollars (autour de 4 500 euros) la tonne au 31 août (en baisse de 26,8 % sur un an). Particulièrement affectée par cette conjoncture, Kamoto Copper Company (KCC), filiale du groupe helvétique Glencore, qui assure environ 15 % de la production cuprifère du pays, a annoncé dans le même temps qu’elle allait suspendre ses activités en RD Congo pendant dix-huit mois à partir d’octobre. Une décision qui entraînera inévitablement une chute de la production de cuivre nationale au quatrième trimestre de cette année et en 2016, et qui aura des répercussions négatives sur la balance commerciale et les recettes de l’État.

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Un projet de budget pour 2016 revu à la baisse

Pourtant, les fondamentaux macroéconomiques ont été consolidés. L’inflation est restée maîtrisée à 1 % en 2014 et devrait s’établir à 1,045 % en 2015, mieux que les prévisions à 3,5 %. Le taux de change demeure également stable, avec un glissement de 0,2 % actuellement, contre 0,1 % en 2014.

Le gouvernement espère encore que la croissance repartira à 9 % dès l’an prochain, mais certains analystes sont plus réservés. D’autant que les cours mondiaux du cuivre pourraient encore tomber, à 4 750 dollars la tonne, dans les six à douze mois à venir, ainsi que l’a récemment rappelé la banque d’affaires Goldman Sachs.

« Le taux de croissance du pays devrait donc plutôt s’établir autour de 7 % en 2015 et entre 6 % et 7 % en 2016 », souligne Léonide Mupepele, expert minier et directeur du bureau Bicotim. Un résultat certes en deçà des prévisions de la troïka, mais qui reste tout de même honorable.

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L’année 2016 s’annonce d’autant plus difficile que d’importantes échéances électorales sont prévues, la présidentielle et les législatives. Non seulement l’organisation de ces scrutins est budgétivore, mais les mois qui les précèdent sont généralement plus propices à l’attentisme qu’aux investissements.

Le gouvernement a revu son projet de budget pour 2016 à la baisse, à 8 milliards de dollars (1 milliard de moins que pour l’exercice 2015), soit un budget inférieur à celui de la Ville de Paris par exemple (dont le budget pour 2015 était de plus de 9 milliards d’euros, soit plus de 10 milliards de dollars). L’exécutif congolais sait que l’une de ses priorités sera de parvenir à mobiliser les recettes, notamment minières. Or c’était déjà l’un de ses points faibles cette année. « L’exécution du budget 2015 se traduit par un faible taux de réalisation, soit 31 % des ressources prévues dans la loi de finances », a ainsi rappelé le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, à l’ouverture de la session parlementaire de septembre.

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Quelles sont les solutions envisagées ?

Quelles solutions pour ménager le budget et faire face aux dépenses ? « Le gouvernement a examiné la possibilité de réduire le train de vie des institutions politiques, de manière à affecter plus de ressources aux besoins des populations et aux provinces », indiquait Modeste Bahati Lukwebo, le ministre de l’Économie nationale, à l’issue d’une réunion de la troïka, le 9 septembre. En d’autres termes, le gouvernement envisage de rationaliser le budget en réduisant les dépenses de l’État de 30 % et en réorientant une partie des recettes sur les secteurs sociaux (éducation et santé), ainsi que sur l’énergie et les infrastructures.

Puisque l’on ne peut pas compter sur les seules recettes publiques, « il faut trouver des mécanismes de financement innovants », souligne un conseiller du Premier ministre. Outre la mobilisation de fonds d’investissement étrangers, de nouvelles sources de financement pourraient être mises en place, comme le fameux go pass (une taxe payée par les passagers embarquant dans les aéroports du pays) ou la redevance logistique terrestre (constituée de recettes générées par les taxes sur les conteneurs dans les différents ports du pays, et mise en place fin 2012 afin de financer les investissements ferroviaires de la Société commerciale des transports et des ports, ex-Onatra). D’autres mécanismes doivent être imaginés, incluant notamment des partenariats public-privé.

L’agriculture a réalisé une croissance de 4 % en 2014 grâce à une amélioration de la productivité

Le ralentissement de la croissance met en évidence la dépendance au secteur minier de l’économie congolaise, et donc sa fragilité. Pourtant, depuis 2010, d’autres filières ont contribué plus activement à son développement. À commencer par l’agriculture, qui a réalisé une croissance de 4 % en 2014 grâce à une amélioration de la productivité, avec une augmentation sensible des volumes de bois, de café, d’huile de palme, ainsi que de la plupart des produits vivriers (fruits, légumes et féculents). Les efforts d’investissements, publics et privés, réalisés pour améliorer les infrastructures et la forte demande en logements soutiennent la progression des secteurs du BTP et de l’immobilier.

Le secteur tertiaire a par ailleurs enregistré une croissance globale de 7,4 % en 2014, tirée par le développement des activités commerciales, du transport, des télécoms et, dans une moindre mesure, des services financiers. Enfin, l’essor de la branche manufacturière (boissons, farines, etc.) reste timide, freiné par la faiblesse de la couverture en électricité et par les délestages récurrents.

Le chef de l’État compte-t-il « refaire le coup » des Cinq Chantiers, le programme de reconstruction du pays sur lequel il s’est fait élire en 2006 ?

En outre, malgré ses bons taux, cette croissance a eu peu de répercussions sur le niveau de vie des populations, comme en témoignent les indicateurs sociaux. Des faiblesses que les observateurs attribuent entre autres au manque de stratégie et au retard pris dans la réhabilitation ou la construction d’infrastructures dignes de ce nom, en particulier dans les secteurs de l’énergie et des transports. Le programme « Réunification de la République par voie routière » (RRR) n’a été lancé qu’en 2012, l’intérêt pour le fluvial est récent, le redéploiement du réseau de chemin de fer et la réhabilitation du matériel roulant de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) piétinent.

Mais d’importantes annonces, avec accords de financement, ont été faites en septembre, au retour de Chine du chef de l’État, Joseph Kabila : port en eau profonde à Banana (dans le Kongo-Central), nouvelles voies de chemin de fer, construction d’un tramway à Kinshasa… Est-ce du sérieux ? Ou le chef de l’État compte-t-il « refaire le coup » des Cinq Chantiers, le programme de reconstruction du pays sur lequel il s’est fait élire en 2006 ?

Le patient congolais

La RD Congo se caractérise par de fortes inégalités socio-économiques entre provinces, mais aussi entre milieu urbain et milieu rural, qui sont accentuées par le très lourd déficit du pays en matière d’infrastructures de base, en particulier les réseaux d’électricité et de transport. Résultat : la majeure partie de la population ne profite encore ni des progrès ni des résultats de la croissance et reste l’une des plus pauvres au monde.

Le pays émarge au 186e rang sur 187 pays classés dans le rapport sur le développement humain 2014 du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) : le PIB par habitant est estimé à 451 dollars, alors que la moyenne subsaharienne est de 3 237 dollars, et 87,7 % de la population vit avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté (fixé à 1,25 dollar par jour), dont 46,2 % dans une situation d’« extrême pauvreté », c’est-à-dire ne disposant pas des revenus nécessaires pour subvenir à ses besoins alimentaires essentiels.

Les efforts consentis ces dernières années ont permis à la RD Congo d’afficher quelques progrès, notamment dans le taux d’alphabétisation (65,8 %), l’espérance de vie à la naissance (50 ans, le pays a rejoint la moyenne continentale) et l’accès direct à l’eau potable (52 %), selon les données nationales de 2015. Cependant, les retards sont énormes. Le dernier rapport conjoint de la BAD, de l’OCDE et du Pnud, publié en mai 2015, souligne en particulier que le taux de desserte en électricité n’est que de 10,3 % – l’un des plus faibles du continent.

Mais si l’on regarde dans le détail, pour la plupart des provinces, il ne dépasse pas… 4,3 %. Seules bénéficient de taux d’électrification supérieurs à cette moyenne les provinces de Kinshasa (59,5 %), du Kongo-Central (15,6 %) et celles issues de l’ex-Katanga (17,7 %).

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