Photographie : la vie retrouvée des enfants ex-otages de Boko Haram

Avec délicatesse, la Néo-Zélandaise Ruth McDowall évoque les enlèvements perpétrés par Boko Haram dans le nord du Nigeria. Elle redonne dignité et identité aux plus jeunes, meurtris par le conflit.

Affiche du festival Photo-reporter. © Festival Photo-reporter de Saint-Brieuc.

Affiche du festival Photo-reporter. © Festival Photo-reporter de Saint-Brieuc.

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Publié le 30 octobre 2015 Lecture : 3 minutes.

« Des membres de Boko Haram ont fait irruption chez moi la nuit du 28 septembre 2013 alors que je dormais profondément. Ils nous ont sommées, ma mère, ma sœur et moi, de sortir de la maison. Mon père était absent à ce moment-là. Après nous avoir demandé nos noms et s’être aperçus que nous avions des noms chrétiens, ils ont décidé de m’enlever. » La suite, on ne la connaît que trop bien : conversion et mariage forcés, exploitation, violences… Le témoignage de Hannah, 15 ans, est l’une des huit histoires abordées avec délicatesse par la photographe néo-zélandaise Ruth McDowall, 31 ans, pour évoquer les enlèvements dans le nord du Nigeria. Une histoire, parmi tant d’autres, de résilience.

Exposé à Saint-Brieuc (Bretagne, France) à l’occasion du festival de photoreportage de la ville (jusqu’au 1er novembre), le travail de la reporter s’écarte du flot des images chocs pour redonner aux enfants meurtris par le conflit dignité et identité. Si les lycéennes de Chibok sont devenues un symbole presque abstrait perdu dans le flux ininterrompu de l’information, Sarah, Lydia, Martha, Blessing, Markus, Mairama et Hannah sont avant tout des personnes qui ont réussi à échapper à leurs ravisseurs et tentent aujourd’hui de se reconstruire.

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Pendant plus de six ans, la photographe a couvert le nord du Nigeria, travaillant sur les enlèvements à une époque où les preuves n’existaient pas vraiment. Violemment émue par chaque situation et confrontée à la difficulté de ne pas sombrer dans le voyeurisme, elle a pris le temps de bâtir une relation avec tous ceux qu’elle a rencontrés et photographiés. « Ce n’était pas facile, mais comme je parle haoussa, cela permet d’abattre des barrières, dit-elle. J’ai cherché à comprendre comment Boko Haram les utilise comme esclaves sexuelles, comme femmes, comme combattantes, mais aussi pour la logistique des camps. »

Les images, tout en retenue, laissent deviner des silhouettes mélancoliques et pensives. La vie retrouvée vient des vêtements colorés ajustés avec soin. Les dessins et les paysages accompagnant les portraits disent les lieux de l’enfer, la fuite. La douleur n’a pas disparu, mais elle est tempérée par une lueur d’optimisme, puisque tous ont réussi à s’évader. « J’ai choisi de ne pas montrer leurs visages, de ne jamais dire où ils habitent, cela aurait été une trop lourde responsabilité », poursuit la photographe.

Chaplinesque

Les témoignages accompagnant les images expliquent cette précaution : « Je ne peux plus vivre dans mon village pour des raisons de sécurité », confie Markus, 28 ans. Seul garçon de la série, il apporte la preuve que les hommes subissent eux aussi la loi de l’organisation islamiste. « Je vais développer cet aspect dans mon travail, déclare McDowall, car il n’y a pas beaucoup d’informations sur les garçons, qui souffrent de la même manière que les filles. »

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Le festival Photoreporter de Saint-Brieuc – qui finance la production et la réalisation des reportages qu’il présente, sous la direction artistique de Marc Prüst – s’est aussi intéressé, cette année, à d’autres enfants africains : les jeunes Xhosas de la province du Cap-Oriental. Photographiés par la Hollandaise Carla Kogelman, 54 ans, ces gamins de la campagne sont tous nés après l’apartheid. Les images, en noir et blanc, sont vives et dynamiques, presque chaplinesques. Peut-être est-ce dû aux vingt-cinq années que la photographe consacra au théâtre. Quoi qu’il en soit, on aurait tort d’opposer ses clichés à ceux de Ruth McDowall. Pour les deux artistes, il s’agit de dire la vie qui continue, quoi que le passé lui impose, et la force de l’espoir.

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Photo-reporter, festival international en baie de Saint-Brieuc, jusqu’au 1er novembre 2015, entrée libre.

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