Afrique du Sud : bien plus que de simples manifs d’étudiants…

Des milliers d’étudiants sont descendus dans les rues pour protester contre la hausse des frais de scolarité. Un mouvement qui montre bien aussi la faillite du modèle de société prôné depuis 1994.

Sur le campus de l’université du Witwatersrand, à Johannesburg, le 21 octobre. © MARCO LONGARI/AFP

Sur le campus de l’université du Witwatersrand, à Johannesburg, le 21 octobre. © MARCO LONGARI/AFP

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Publié le 17 novembre 2015 Lecture : 2 minutes.

«L ‘éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde », avait dit Nelson Mandela en 2005. Une phrase célèbre devenue le slogan des milliers d’étudiants majoritairement noirs venus manifester le 23 octobre devant le siège du gouvernement à Pretoria contre le projet de hausse des frais de scolarité. Jamais mobilisation n’avait été aussi forte depuis la fin de l’apartheid, et les autorités sud-africaines ont dû faire marche arrière.

La révolte est partie de la prestigieuse université du Witwatersrand à Johannesburg, mais le mouvement a rapidement fait tache d’huile, révélant un malaise plus profond face à un système éducatif encore inégalitaire. Malgré les différentes politiques lancées par le président Mandela, dès 1994, pour obtenir une plus grande égalité entre Blancs et Noirs, de l’école au monde du travail, les écarts sont encore importants.

Beaucoup de jeunes Noirs s’endettent pour pouvoir étudier loin de chez eux. Ils se voient parfois refuser la validation de leur diplôme, faute de payer leur scolarité à temps

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Certes, 72 % des jeunes étudiants sud-africains sont noirs lorsqu’ils n’étaient que 49 % en 1995, mais la qualité de l’enseignement et les chances de réussite diffèrent encore beaucoup selon la couleur de peau. « Le régime ségrégationniste avait créé des universités spécifiquement pour Blancs, Noirs et Indiens, explique Cécile Perrot, maître de conférences à l’université Paris-Descartes et auteure d’une thèse sur l’enseignement supérieur postapartheid. À sa chute, les élites noires ont envoyé leurs enfants dans les grandes écoles pour Blancs, réputées meilleures, mais la grande majorité des plus pauvres a continué d’envoyer ses enfants dans des facultés dites de « seconde zone », proche de leur habitat et totalement délaissées. »

Les cours sont le plus souvent dispensés en anglais ou en afrikaans, très rarement en zoulou

Malgré les nombreuses politiques de soutien scolaire mises en place par l’État depuis 1994, beaucoup de jeunes Noirs s’endettent pour pouvoir étudier loin de chez eux. Ils se voient parfois refuser la validation de leur diplôme, faute de payer leur scolarité à temps. Autre constat : les promesses d’africanisation de l’enseignement sont souvent restées à l’état de projet, les cours étant le plus souvent dispensés en anglais ou en afrikaans, très rarement en zoulou. « Le rééquilibrage universitaire promis ne s’est jamais vraiment opéré, déplore encore Cécile Perrot. Et par ricochet, le brassage multiracial n’est qu’un leurre. » Loin, très loin de la société arc-en-ciel voulue par Nelson Mandela.

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