John McAfee : drugs, guns and paranoia
Inventeur de l’antivirus qui porte son nom, John McAfee est riche. Il est aussi fou à lier. Depuis une rocambolesque équipée au Belize, il multiplie les frasques et rêve de conquérir la Maison Blanche !
Avec sa tête de repris de justice, sa paranoïa débridée et sa passion pour les armes à feu, John McAfee (70 ans) est un fou furieux. En dépit de sa cocaïnomanie et de son alcoolisme notoires, il était dans les années 1990 une star de la Silicon Valley, le créateur des logiciels antivirus qui portent son nom. À l’époque, le montant de sa fortune était estimé à 100 millions de dollars.
Au début des années 2000, il vend ses parts de la société McAfee Associates, qui seront rachetées par la suite (en 2010) par le groupe informatique Intel Corp. Pour 7,68 milliards de dollars. L’ancien programmeur passé par la Nasa et Lockheed Martin se lance alors dans l’immobilier.
En 2008, il est frappé de plein fouet par la terrible crise qui frappe ce secteur, et sa fortune fond comme neige au soleil : il ne lui reste bientôt plus que 4 millions de dollars. Toujours excessif, il vend tout, y compris son jet de dix places et l’aéroport privé qu’il s’était fait construire au Nouveau-Mexique, puis achète des terres et une villa au Belize, petit pays d’Amérique centrale membre du Commonwealth dont la langue officielle est l’anglais (c’est l’ancien Honduras britannique).
Un millionnaire paranoïaque
Là-bas, il vit entouré de gardes du corps et de – très – jeunes femmes, se fait injecter de la testostérone dans les fesses pour rester jeune et échappe de peu à une tentative d’assassinat, œuvre d’une adolescente rencontrée dans un bar à hôtesses… Il pratique aussi assidûment le yoga, saine discipline qui, bien sûr, se révèle totalement impuissante face aux psychoses qui l’assaillent. Car McAfee vit dans la hantise des espions et des assassins, ce qui le conduit peu à peu à se couper du monde. En 2012, selon le magazine Wired, un commando de l’antigang bélizien fait une descente chez lui. Il est soupçonné d’avoir installé un laboratoire de fabrication de méthamphétamine et de vouloir constituer une armée privée. Les policiers ne trouvent aucune drogue, mais 10 armes et 320 munitions.
Quelques mois plus tard, sa paranoïa repart en flèche après le meurtre de son voisin, un certain Greg Faull – lequel ne cessait de se plaindre des aboiements intempestifs de ses onze chiens -, découvert baignant dans son sang dans le hall de sa villa avec une balle dans la tête. Les policiers retrouvent à proximité une douille de calibre 9 mm…
Lorsqu’ils frappent à sa porte, le millionnaire, totalement paniqué, échappe aux enquêteurs en s’enfouissant dans le sable, puis s’enfuit au Guatemala voisin en racontant partout que le gouvernement bélizien a lancé ses sbires à ses trousses. Le Premier ministre a pourtant pris grand soin de préciser que McAfee n’est nullement accusé du meurtre de son voisin, et n’est recherché que comme simple témoin.
McAfee affiche donc le plus profond mépris pour les hommes politiques, qui, pour la plupart, ne comprennent rien aux nouvelles technologies
Arrêté pour être entré illégalement au Guatemala, le millionnaire est extradé vers les États-Unis. Depuis, il multiplie les frasques. En août, il a été arrêté par la police du Tennessee pour conduite en état d’ivresse et possession injustifiée d’une arme à feu. Interrogé par la chaîne CNBC, il a expliqué avoir pris le matin même un anxiolytique : « J’ai une vie très stressante, explique-t-il, car il se pourrait que le gouvernement bélizien soit encore à mes trousses. » Ben voyons.
Avec son visage buriné, ses tatouages et les fusils à pompe avec lesquels il adore prendre la pose, McAfee est certes un personnage marginal et sulfureux, mais en même temps, peut-être, un oracle de son temps. En tout cas, son obsession de la cybersécurité recoupe celle de nombre de ses compatriotes, qui, grâce à Edward Snowden, ont découvert l’ampleur de la surveillance dont ils font l’objet de la part de la National Security Agency (NSA). Les États-Unis sont par ailleurs confrontés à la multiplication des attaques de hackers, en particulier chinois. McAfee affiche donc le plus profond mépris pour les hommes politiques, qui, pour la plupart, ne comprennent rien aux nouvelles technologies.
Un futur candidat à la présidentielle ?
Dans une interview sur CNN, il n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Hillary Clinton et tous les autres ignorent tout, absolument tout, des sciences cybernétiques et de la cybersécurité. Impossible de continuer comme ça. Le président est responsable des forces armées. S’il ne comprend rien à la guerre cybernétique en cours, pourquoi occupe-t-il son fauteuil ? » C’est pour remédier à « l’illettrisme » du gouvernement en la matière qu’il a décidé – de manière très folklorique – de se présenter à l’élection présidentielle et de créer son propre parti, le Cyber Party.
Quelques heures avant l’annonce officielle de sa candidature, le milliardaire paranoïaque est apparu sur Twitter avec le masque de Guy Fawkes (le héros de la Conspiration des poudres, dans l’Angleterre du XVIIe siècle) arboré par le personnage de V dans la bande dessinée V pour vendetta, et repris depuis par les Anonymous. Dans une interview, il jure avoir fait l’objet d’un plébiscite : « J’ai reçu des milliers d’e-mails disant : « S’il te plaît, lance-toi. » Ce n’est pas quelque chose que j’aurais décidé de moi-même. » Et quand on évoque les soucis judiciaires qui pourraient compromettre sa candidature, il balaie l’objection d’un revers de main : « Nous nous adressons tout de même au public américain, pas à des gens coincés ! »
Pour commettre un attentat contre un avion, dit-il, plus besoin que des terroristes montent à bord. Il suffit que, quelque part en Russie, un hacker décide de passer à l’attaque derrière son ordinateur. Un jeu d’enfant, affirme-t-il
McAfee a déjà son slogan de campagne : « Vie privée, liberté et technologie. » Pour son programme, il faudra repasser. Tout ce qu’on sait pour l’instant, c’est qu’il envisage de limoger les 50 000 employés de la Transportation Security Administration (TSA), l’agence gouvernementale chargée de la sécurité des aéroports, qu’il juge totalement inutile. « Pour commettre un attentat contre un avion, dit-il, plus besoin que des terroristes montent à bord. Il suffit que, quelque part en Russie, un hacker décide de passer à l’attaque derrière son ordinateur. Un jeu d’enfant. »
Il ne manque pas d’idées, certaines originales. McAfee est ainsi en train de développer un système informatique capable de synthétiser les grandes préoccupations des Américains. Une fois par semaine, il s’invitera grâce à internet dans le salon de ses administrés afin de discuter de ses politiques. Ce serait le retour des causeries au coin du feu inventées naguère par Roosevelt, mais à la sauce cyber. On imagine que sa campagne ne ressemblera à aucune autre. Pas question de serrer des mains ou de faire risette aux enfants ! Mais il restera accessible. « Je vous promets, a-t-il lancé sur CNN, que vous pourrez demander au gouvernement de mettre en œuvre ce à quoi vous croyez. Chaque semaine, j’apporterai une nouvelle idée folle et chaque Américain pourra dire : « Oui, j’aime ça » ; ou alors : « Non, ça ne tient pas la route » ; et alors, je dirai : « OK, le public déteste, on oublie. » »
Il s’agit clairement d’une femme brillante. Mais son mari, huit ans durant, n’a entendu aucun des conseils. Elle devrait donc ouvrir une école pour malentendants ! explique-t-il à propos d’Hillary Clinton
Seul l’ineffable Donald Trump trouve grâce à ses yeux, « parce qu’il voit le monde tel qu’il est ». À en croire McAfee, il serait d’ailleurs bien inspiré de retourner dans le privé où « il a fait du bon travail ». Quant à Hillary Clinton, elle vit dans un monde de fantasmes. « Il s’agit clairement d’une femme brillante, explique-t-il sans rire. Mais son mari, huit ans durant, n’a entendu aucun des conseils. Elle devrait donc ouvrir une école pour malentendants ! »
Dans le cas extrêmement improbable où il serait élu – sa candidature, c’est un euphémisme, a du mal à prendre -, John McAfee ne gouvernera pas depuis la Maison Blanche, mais depuis les rives d’une rivière où il pourra s’adonner à sa passion pour la pêche. « Internet permet d’être partout en même temps », commente le cybercandidat.
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