Nord du Mali : pourquoi ça bloque

L’accord d’Alger, signé en juin, était censé apporter la paix et la réconciliation. Problème : ni le gouvernement, ni l’opposition, ni les rebelles n’en sont vraiment satisfaits.

Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères, avec des représentants du MNLA, à Bamako, le 15 mai. © EMMANUEL DAOU BAKARY

Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères, avec des représentants du MNLA, à Bamako, le 15 mai. © EMMANUEL DAOU BAKARY

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Publié le 4 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

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Mali : à la recherche du temps perdu

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«Personne n’a dit que l’accord d’Alger était un bon accord. » En avril, le président Ibrahim Boubacar Keïta résumait en ces termes le bilan du processus de négociations qui allait aboutir, en juin, à la signature d’un texte « pour la paix et la réconciliation au Mali ». « Lorsqu’on comprend le sens profond du mot négocier, on en déduit qu’il y a eu des compromis, pas des compromissions », avait-il ajouté. « C’est un accord mou, dont la mise en œuvre sera ardue », considère de son côté Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition, pour qui la délégation malienne, faute d’avoir défini clairement ses objectifs, s’en est remise un peu trop facilement à la médiation conduite par l’Algérie.

Un accord qui ne plait à personne

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Finalement, ce compromis ne satisfait pleinement personne. Ni la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui s’est abstenue pendant deux mois de parapher l’accord, avant de se résoudre à le signer sous la contrainte ; ni le gouvernement malien, qui a proposé une douzaine de pages d’amendements, lesquels n’y ont pas été intégrés ; ni l’opposition, qui dénonce un texte négocié sans concertation, alors qu’il prévoit une refonte en profondeur de l’architecture institutionnelle du pays.

Autre difficulté : la résolution de la crise dépend aujourd’hui d’une multitude de groupes armés dont les scissions et rivalités rendent d’autant plus délicate la mise en œuvre du processus de paix. D’un côté, les trois organisations rebelles touarègues réunies au sein de la CMA. De l’autre, les divers groupes d’autodéfense communautaires, ralliés aux autorités maliennes et qui composent la Plateforme des mouvements républicains.

Le Groupe d’autodéfense touareg Imghads et alliés (Gatia), soupçonné d’être une émanation de l’armée malienne, voue une haine tenace à la CMA

Le plus puissant d’entre eux, le Groupe d’autodéfense touareg Imghads et alliés (Gatia), soupçonné d’être une émanation de l’armée malienne, voue une haine tenace à la CMA. Une animosité qui s’est traduite, en août, par des combats à Anéfis (plus de vingt morts), en violation du cessez-le-feu décidé à Alger. Et qui illustre la difficulté à traduire en actes les engagements pris en matière de désarmement et de cantonnement des groupes armés, préalables à la démobilisation et à la réinsertion des combattants.

Troisième interrogation, et non des moindres : quel sera le visage du nouveau Mali, dont les bases, définies dans l’accord, doivent donner lieu à des réformes réglementaires, législatives et constitutionnelles ? Pour la plupart des leaders de l’opposition, le texte ouvrirait la voie à un processus de décentralisation tellement poussé que l’État central se trouverait, de facto, dépossédé de la plupart de ses prérogatives régaliennes.

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« Cet accord dessine, sans discussions sérieuses avec le reste du pays, les contours d’un autre Mali, s’inquiète Tiébilé Dramé, du Parti pour la renaissance nationale (Parena). Il ne traite pas les causes profondes de la crise du Nord ni celles de l’effondrement de l’État et de l’armée en 2012, [mais] contient les ferments de la partition du pays et d’une guerre civile intercommunautaire. »

La Minusma entre deux feux

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La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), dont le mandat a été prolongé en juin pour accompagner la mise en œuvre de l’accord de paix d’Alger, est plus que jamais dans une position très inconfortable. Sur le terrain, ses 9 000 militaires, déployés dans les régions de Kidal, Gao et Tombouctou, ont payé un lourd tribut : 42 morts et 166 blessés en deux ans. Il n’empêche, de Bamako à Gao, les Casques bleus font l’objet d’une grande défiance, qui se traduit régulièrement par des manifestations d’hostilité.

La population leur reproche notamment d’affaiblir les groupes d’autodéfense pro-Bamako, de ne pas protéger efficacement les civils et d’entretenir une complicité inavouée avec les groupes rebelles touaregs en vue de favoriser la partition du pays. « Les Maliens comprennent difficilement le mandat d’interposition de la Minusma, admet Soumeylou Boubèye Maïga, l’ancien ministre de la Défense. À leurs yeux, elle devrait être aux côtés des forces armées maliennes. »

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