Brasseries : avec SABMiller, AB Inbev s’offre l’Afrique sur un plateau d’argent
Grâce au rachat prévu de SABMiller, le numéro un mondial de la bière va devenir du même coup le leader sur un continent dont il était jusqu’alors totalement absent.
«L ‘ héritage sud-africain de SABMiller et son implication sur le continent ont été des moteurs de sa réussite. Nous voulons continuer dans cette voie. » Carlos Brito, directeur général d’AB Inbev (ABI), le leader mondial de la bière, n’a pas caché le caractère central de l’Afrique à l’heure où s’annonce le rachat de l’anglo-sud-africain SABMiller par son groupe.
Cette opération à quelques 100 milliards de dollars donnera naissance au premier véritable géant planétaire de la bière, générant autant de revenus que Pepsi et présent dans la moitié des pays du monde. Elle mettra fin aussi à ce qui ressemblait de plus en plus à une grande incongruité : des quatre leaders mondiaux de la bière (ABI, SABMiller, Heineken et Carlsberg), le belgo-américain restait le seul à ne pas produire un seul litre de bière en Afrique.
Un leader sur le continent
Avec, sur le continent uniquement, 7,5 milliards de dollars (6,1 milliards d’euros) de revenus, 28 brasseries, près de 25 000 employés et 46,8 millions d’hectolitres de bière vendus par an, SABMiller lui apporte sur un plateau le rang de numéro un africain. Sans oublier une présence directe dans 17 pays et, via ses -coentreprises avec Castel et sa participation dans Delta Corporation au Zimbabwe, dans 21 autres.
Avec l’Amérique latine, l’autre région la plus dynamique dans le domaine de la bière, l’Afrique sera sans doute l’une des locomotives de la croissance du nouveau géant. La consommation de bière y progresse en effet de 6 % par an, et SABMiller y a vu son chiffre d’affaires bondir de 33 % en quatre ans, tandis que ceux de concurrents comme Heineken et Diageo ne progressaient respectivement que de 12 % et 9 %, selon la banque d’affaires Renaissance Capital.
Le maintien annoncé de la direction Afrique à Johannesburg laisse présager une relative stabilité en la matière
En plus des Castle, Hero, Peroni, Pilsner, les marques mondialement connues d’ABI comme Budweiser, Stella Artois ou Corona pourraient donc se multiplier sur le continent. Pour le reste, en dehors du « rôle vital que jouera l’Afrique dans l’avenir du nouveau groupe », ABI est resté avare en informations sur sa stratégie future concernant le continent. Le maintien annoncé de la direction Afrique à Johannesburg laisse présager une relative stabilité en la matière. « ABI ne nous a pas encore contactés, explique à J.A. Pierre Castel, président du groupe Castel, partenaire de SABMiller, avec qui ABI va devoir traiter. Mais il est probable qu’ils veuillent garder le même deal. Cela ne changera donc rien pour nous. »
L’emploi menacé ?
Le seul point d’interrogation tient sans doute à l’emploi. Le Brésilien Carlos Brito, qui a dirigé chacune des sociétés rachetées depuis les années 1990 par son mentor, le milliardaire Jorge Paulo Lemann (actionnaire important d’ABI), a en effet une réputation de cost killer intraitable. Devant des étudiants de l’université américaine Stanford, l’homme fort du groupe déclarait en 2010 que les entreprises devaient être semblables aux bouteilles de bière : sous pression. Au même moment, il supprimait 1 400 emplois, interdisait les voyages en classe affaires et abolissait les bureaux individuels pour les directeurs, tous regroupés – lui compris – autour d’une même table.
La marge d’Ebitda du géant mondial né en 2008 a grimpé de 31 % à 39,4 %, celle de SABMiller tourne autour de 25,4 %.
Avec ses 2,25 milliards de dollars d’économies, la marge d’Ebitda du géant mondial né en 2008 a grimpé de 31 % à 39,4 %. Celle de SABMiller tourne autour de 25,4 %. Les opérations latino-américaines (38,6 % de marge d’Ebitda) n’ont sans doute rien à craindre. L’Afrique, en revanche, avec ses 25,6 % au cours du dernier exercice fiscal, aura sans doute du souci à se faire si Carlos Brito parvient à satisfaire aux épineuses règles anticoncentration. Avec une part de marché cumulée de 70 % aux États-Unis et d’environ 35 % en Chine, la création du futur « mégabrasseur » mondial est loin d’être terminée.
De Dakar à Lubumbashi
Ab Inbev n’a pas toujours été absent en Afrique. Le belge Interbrew, l’une des sociétés à l’origine du groupe, a déjà été actif sur le continent : au Katanga, avec la Brasimba ; au Sénégal, avec Sibras ; ou en Centrafrique, avec Mocaf. Trois entités revendues dans les années 1990 à Castel.
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