Automobile – Adel Lünz (MAN) : « Au Nigeria, nous avons été réactifs »

Se démarquant de l’offre asiatique, le constructeur allemand de poids lourds pousse ses pions sur le continent. À commencer par l’implantation d’une usine de montage dans la première économie africaine.

Très entreprenant et aux manettes depuis 2012, Adel Lünz gère 35 pays pour MAN depuis Munich. © MAN

Très entreprenant et aux manettes depuis 2012, Adel Lünz gère 35 pays pour MAN depuis Munich. © MAN

Julien_Clemencot

Publié le 23 novembre 2015 Lecture : 4 minutes.

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Automobile : le difficile chemin vers l’industrialisation en Afrique

Découvrez un tour d’horizon complet d’un secteur automobile africain en pleine transformation : des aspirations contrariées des constructeurs automobiles dans le développement de leurs usines en Afrique à l’envol du commerce de véhicules en ligne sur le continent, de la percée de Volkswagen au Maghreb au ralentissement de Hyundai et Kia au sud du Sahara.

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Alors qu’un scandale sans précédent ébranle Volkswagen, sa maison mère, le constructeur de poids lourds et motoriste allemand MAN, qui fête cette année son centenaire, entend poursuivre sa croissance en misant notamment sur les pays émergents. Commercialisée sur le continent depuis plus de cinquante ans, la marque dispose notamment de deux usines en Afrique du Sud et gère 15 pays depuis son siège régional de Johannesburg.

Mais c’est depuis le quartier général de Munich que la marque mène actuellement une offensive à destination de l’Afrique du Nord, de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale. Trente-cinq pays placés depuis 2012 sous la direction d’Adel Lünz. Interrogé par Jeune Afrique, ce dernier décrypte la stratégie de son groupe, qui vient d’inaugurer en janvier sa première usine de montage au Nigeria.

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Jeune Afrique : MAN a choisi d’accélérer son implantation en Afrique ces dernières années, pourquoi ?

Adel Lünz : Notre intérêt pour le continent n’est pas récent. Notre groupe y est présent depuis plus de cinquante ans. Au Nigeria, quand les acheteurs parlent de camion, ils ne disent pas « truck » mais « MAN diesel ». Néanmoins, depuis quatre ans environ, nos ambitions s’affirment, car la demande pour nos poids lourds, notamment la gamme TGS adaptée aux conditions extrêmes, augmente.

Notre objectif est d’écouler 5 000 camions et bus sur le continent en 2016, contre quelques milliers actuellement

Que représente l’Afrique pour votre groupe ?

Entre 4 % et 5 % de nos ventes mondiales. Depuis Munich, nous gérons 35 pays d’Afrique du Nord, d’Afrique de l’Est, d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Notre objectif est d’écouler 5 000 camions et bus sur le continent en 2016, contre quelques milliers actuellement [chiffre non communiqué]. Nos plus gros marchés sont l’Algérie, le Maroc, l’Égypte, le Nigeria et le Ghana, et représentent environ 65 % de nos volumes de vente.

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Entre 2013 et 2014, vos ventes ont néanmoins légèrement baissé, passant de 731 à 623 millions d’euros. Comment l’expliquez-vous ?

Certains pays ont fermé leurs marchés aux importations en augmentant leurs frais de douane. C’est le cas du Nigeria, où le taux est passé de 15 % à 35 %. Mais nous avons été très réactifs. Au début de 2015, nous avons ouvert une usine de montage avec un partenaire local. Les centaines de véhicules qui sortent chaque année de cette chaîne sont eux imposés à 5 %.

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Les usines de montage peuvent-elles mener à la constitution de véritables chaînes de production ?

C’est ce qui s’est passé en Afrique du Sud. L’implantation d’une chaîne de montage n’est pas seulement une réponse à un changement de législation, mais aussi le début d’un transfert de compétences et la possibilité de créer des emplois localement.

Les sociétés locales représentent la majorité de nos clients

Vos clients sont-ils des groupes internationaux ou des africains ?

Les sociétés locales représentent la majorité de nos clients. Elles ont parfois commencé en achetant des véhicules chinois ou indiens, mais nous remarquons que, depuis trois ans environ, elles souhaitent des camions plus performants, plus solides, même si un écart de prix demeure. En Algérie, l’entreprise Mars Logistique, parmi les leaders de son secteur, a commencé avec trois camions. Désormais, elle possède plus de 100 véhicules MAN.

Mais les constructeurs asiatiques ne progressent-ils pas ?

Tout à fait, mais ce que proposent les constructeurs européens en matière de maintenance et de disponibilité des pièces de rechange apporte une réelle plus-value. Nos premiers compétiteurs sont Volvo, Renault, Mercedes ou même Scania, qui fait aussi partie du groupe Volkswagen. Par ailleurs, nous avons en Inde une usine de production de camions, vendus sous la marque MAN, simples, robustes et très appréciés sur le continent.

Vos camions sont-ils concernés par le scandale qui touche votre maison mère ?

MAN n’exploite pas le moteur diesel incriminé, de type EA 189.

En Afrique, la plupart des pays acceptent encore la commercialisation de moteurs répondant à la norme Euro 2, bien plus polluants que ceux utilisés en Europe. N’y a-til pas urgence à revoir ces exigences à la hausse ?

Bien sûr. Certains pays comme le Maroc montrent la voie en imposant depuis peu des moteurs répondant au minimum à la norme Euro 4. L’obstacle se situe parfois au niveau du carburant disponible localement, dont le taux de sulfure est très élevé et qui peut être coupé. C’est pourquoi le fait de proposer des moteurs Euro 2 reste important.

Néanmoins, au Maroc, en Algérie, la demande évolue vers des véhicules plus sophistiqués.

C’est exact. Certains clients demandent à présent des véhicules équipés par exemple avec des suspensions pneumatiques. Cette montée en gamme est liée à l’amélioration des infrastructures routières et au souci d’une meilleure gestion de la consommation de carburant, même dans les pays pétroliers.

Les groupes miniers figurent parmi vos clients. La chute du prix des matières premières vous inquiète-telle ?

Certainement, mais nos clients ont diversifié leurs activités et ne dépendent plus uniquement du secteur extractif. Ils profitent du développement des biens de consommation. Le cycle baissier actuel observé sur les matières premières ne remet pas en question notre stratégie. Nous ne constatons d’ailleurs aucun ralentissement de notre activité.

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