Football : le joker Tokyo Sexwale

Compagnon de lutte de Nelson Mandela, ancien ministre, homme d’affaires prospère dans les mines et la communication, le Sud-Africain brigue la présidence de la Fifa en 2016. Son programme : assainir une organisation gravement corrompue.

Lors d’une conférence de presse à la South African Football Association (Safa), à Johannesburg, le 27 octobre. © KAREL PRINSLOO/AFP

Lors d’une conférence de presse à la South African Football Association (Safa), à Johannesburg, le 27 octobre. © KAREL PRINSLOO/AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 11 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Et si Tokyo Sexwale devenait le premier Africain à diriger la Fifa, cent onze ans après sa fondation ?

Après les scandales de corruption qui viennent d’abattre le Suisse Joseph Blatter et de désarçonner le Français Michel Platini, tout devient possible. Le 26 février, à Zurich, en Suisse, le Sud-Africain Tokyo Sexwale, 62 ans, sera, aux côtés de l’Italo-Suisse Gianni Infantino et du Bahreïni Cheikh Salman, l‘un des trois favoris à l’élection du futur président de la fédération sportive la plus puissante de la planète. À moins que, d’ici là, la mesure de suspension à l’encontre de Michel Platini soit levée et que le Français réussisse un come-back.

En 1977, il est arrêté, torturé, puis enfermé dans l’île-prison de Robben Island. C’est là qu’il rencontre Nelson Mandela, dont il partage la cellule pendant quelques années

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Sexwale et le football… Le lien ne saute pas aux yeux ! Enfant, Mosima Gabriel Sexwale, qui grandit dans le ghetto noir de Soweto, est un fan de karaté. D’où son surnom, Tokyo, qui va finir par devenir son prénom. À 18 ans, il rejoint une cellule clandestine de l’ANC. En 1975, après des études commerciales, il part en Union soviétique, où il apprend le maniement des explosifs. À son retour au pays de l’apartheid, il est promu colonel d’Umkhonto we Sizwe, la branche armée de l’ANC. En 1977, il est arrêté, torturé, puis enfermé dans l’île-prison de Robben Island. C’est là qu’il rencontre Nelson Mandela, dont il partage la cellule pendant quelques années et devient l’un des confidents. À sa libération, en 1990, Tokyo Sexwale est naturellement l’un des hommes les plus en vue de la nouvelle Afrique du Sud.

Lors des premières années postapartheid, Sexwale pense être promis à un destin national. En 1994, il devient Premier ministre de la région la plus riche du pays, le Gauteng, qui englobe Johannesburg et Pretoria. Belle gueule et beau parleur, il est surnommé par la presse internationale « l’étoile montante de l’Afrique du Sud ». Mais, en 1999, c’est Thabo Mbeki qui est choisi par l’ANC pour succéder à Nelson Mandela. Comme Cyril Ramaphosa, un autre grand leader de l’ANC, Sexwale se reconvertit alors dans les affaires. Avec le nouveau système de quotas, qui oblige les sociétés sud-africaines à avoir des actionnaires non blancs, il devient très vite prospère et crée, dans le secteur des mines et de la communication, un empire du nom de Mvelaphanda. En dix ans, le révolutionnaire se mue en millionnaire.

Bill Johnson, journaliste au Guardian et historien spécialiste de l’ANC, affirme alors qu’il utilise son argent pour acheter des voix

Après la chute de Thabo Mbeki, en 2008, Sexwale tente de revenir en politique. Sous le premier quinquennat de Jacob Zuma, il est ministre de l’Habitat de 2009 à 2013. Mais il n’a pas que des amis. Bill Johnson, journaliste au Guardian et historien spécialiste de l’ANC, affirme alors qu’il utilise son argent pour acheter des voix. En 2012, Sexwale essuie une cuisante défaite en essayant de se faire élire numéro deux de l’ANC. À cette date, l’ancien prisonnier no 41-78 de Robben Island comprend que son avenir est ailleurs et se tourne vers le football. Pour l’organisation de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, il s’était déjà beaucoup investi. À partir de 2012, il s’engage plus sérieusement en faveur du ballon rond et se fait nommer au comité antiracisme et antidiscrimination de la Fifa. Depuis cette année, il y préside le comité de surveillance Israël-Palestine.

« Ce qui est cassé à la Fifa, c’est sa capacité à retracer les mouvements d’argent. Il s’agit de bien gérer financièrement, de mettre en place des systèmes de contrôle », affirme aujourd’hui le candidat à la présidence de la maison football. Soyons honnêtes, le tycoon sud-africain connaît beaucoup moins le football que ses adversaires. Mais c’est justement la chance de ce « Monsieur Propre ». À l’heure où elle traverse la crise la plus grave de son histoire, la Fifa a peut-être intérêt à porter à sa tête un candidat hors système. Qui plus est, un héros de la lutte antiapartheid.

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