Sécurité de Mohammed VI au Maroc : le téléphone portable, une arme redoutée

Alors que la sécurité des chefs d’État africains vire à l’obsession, les agents chargés de la garantir sont moins nombreux mais mieux formés et mieux équipés. Enquête sur ces hommes qui suivent nos présidents comme leur ombre.

François Hollande et Mohammed VI lors de la visite du port Tanger Med, le 20 septembre 2015 © ALAIN JOCARD/AP/SIPA

François Hollande et Mohammed VI lors de la visite du port Tanger Med, le 20 septembre 2015 © ALAIN JOCARD/AP/SIPA

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Publié le 24 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.

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«Tout le monde laisse ses téléphones dans les bus », s’égosille Évelyne Richard, grande ordonnatrice des voyages des journalistes pour l’Élysée. « Appareils strictement interdits en présence du roi, moi aussi je dois tout laisser », poursuit-elle. Ces 19 et 20 septembre à Tanger, le président français François Hollande rendait visite à Mohammed VI. Déplacement du pool en ordre militaire sur le tarmac de l’aéroport, interdiction de pénétrer dans un espace où le roi du Maroc est déjà présent sur un site du futur TGV, n’emporter qu’un stylo et un calepin à la visite du port Tanger Med… toutes sortes de mesures ont été imposées ponctuellement aux journalistes. Mais l’interdiction des portables a été la règle la plus ressassée. Quelle menace le petit boîtier pourrait-il porter dans ses microcircuits qui suscite une telle nervosité ?

La phobie du portable

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L’affaire Catherine Graciet et Éric Laurent, les journalistes maîtres chanteurs piégés par l’avocat de Mohammed VI, qui avait enregistré leurs offres sur son iPhone, est dans toutes les têtes. « Ça doit être pour éviter ce genre de choses », suppose-t-on dans les rangs des journalistes. La diffusion d’échanges confidentiels, comme ceux que Patrick Buisson, le conseiller de l’ancien président français Nicolas Sarkozy, avait recueillis à l’insu de son chef est devenue la hantise des dirigeants politiques, sécuritaires et économiques.

Des failles dans les téléphones portables, comme le bug 13678484 découvert en 2014 dans le système Android, permettent l’intrusion de chevaux de Troie pour en prendre le contrôle à distance

« Depuis quelques années, les chefs d’État d’Afrique ont contracté une phobie du portable. On doit s’en délester systématiquement avant de les rencontrer, remarque un habitué des palais du continent. Et cette phobie s’étend à leurs propres appareils, tant ils craignent d’être écoutés par les services occidentaux. » La chancelière allemande Angela Merkel ne l’a-t-elle pas été pendant des années par les services américains ? Pis, des failles dans les téléphones portables, comme le bug 13678484 découvert en 2014 dans le système Android, permettent l’intrusion de chevaux de Troie pour en prendre le contrôle à distance. Il est ainsi possible d’activer le micro d’un téléphone infecté, même éteint dans la poche revolver d’un innocent visiteur.

Mais à Tanger, les dictaphones et les appareils photo étaient autorisés la plupart du temps. Et, mis à part le off de Hollande, nulles confidences à pirater. « Des téléphones pourraient servir à récupérer des données contenues dans d’autres appareils et ordinateurs à proximité », suggère une source policière française. « Il faudrait des smartphones surpuissants pour faire ça, c’est techniquement possible, mais cela voudrait dire aussi que les services de sécurité sur place seraient bien légers », réplique Charles d’Aumale, spécialiste de la sécurité des communications mobiles.

En 1996, le chef militaire du Hamas palestinien Yahya Ayache a eu la tête arrachée par une minibombe placée dans son portable

« Ce qui me paraît plus plausible, c’est que l’on vous ait demandé de laisser vos téléphones au cas où certains aient été transformés en bombe », avance un cadre d’un lobby de défense bruxellois. En 1996, le chef militaire du Hamas palestinien Yahya Ayache a eu la tête arrachée par une minibombe placée dans son portable. Mais la faible charge ne pourrait être fatale qu’à bout portant. Et pourquoi alors laisser entrer des caméras bien plus grosses que celle qui a explosé en 2001 au visage du résistant afghan Ahmad Shah Massoud ?

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À Tanger, une voiture équipée de deux longues antennes suit systématiquement le convoi : un véhicule de détection dont les brouilleurs empêchent la mise à feu de bombes situées à proximité. Un simple SMS peut servir de déclencheur… Le téléphone piraté d’un journaliste pourrait-il ainsi faire relais au signal de terroristes ? « Si tel est le cas, personne ne vous le confirmera ! » assure la source policière.

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