Hydrocarbures : dans le rouge, le nigérian Oando reste imperturbable
Le groupe pétrolier nigérian a dû réévaluer à la baisse la valeur de ses actifs. Mais il affirme que ses opérations demeurent rentables et se dit toujours à l’affût de nouvelles opportunités.
Avec plus de six mois de retard, le groupe Oando, jusqu’ici coqueluche des juniors pétrolières nigérianes, s’est résolu le 23 octobre à afficher ses résultats. Et ses pertes, après impôts et taxes, de 183,9 milliards de nairas (821 millions d’euros) pour l’année 2014 – et de 35 milliards de nairas pour le premier semestre 2015 – ne sont pas passées inaperçues auprès des analystes des Bourses de Lagos, de Johannesburg et de Toronto, où le groupe est coté.
Juste après la publication des chiffres, les cours d’Oando ont atteint leur plus bas niveau en cinq ans sur ces trois places financières. « Nous avons multiplié par cinq notre production en 2014 à la suite de l’acquisition des champs de ConocoPhillips fin juillet, mais cette croissance a été contrée par la chute drastique des cours du brut au second semestre de la même année, qui nous a obligés à passer plusieurs dépréciations d’actifs majeures », a indiqué le patron du groupe, Wale Tinubu, pour expliquer ces piètres résultats.
Nous restons rentables et nous n’avons pas de problème de trésorerie, assure un dirigeant d’Oando.
Oando rassure
Au Cap, où se tenait à la fin d’octobre l’Africa Oil Week, le grand rendez-vous annuel du secteur en Afrique, Pade Durotoye, le directeur exploration et production du groupe, se voulait rassurant.
« Comme tout le monde dans l’industrie, nous avons dû procéder ainsi pour que la valeur affichée de nos actifs dans nos comptes reflète la réalité économique actuelle, avec un baril à 50 dollars au lieu de 100. Mais sur un plan opérationnel, nous restons rentables et nous n’avons pas de problème de trésorerie », affirmait-il, mettant en avant des coûts de production bruts de seulement 11 dollars le baril. Une défense qui ne convainc pas les analystes de Renaissance Capital, qui estiment que 56 % de sa production d’hydrocarbures est du gaz naturel, vendu au Nigeria à 11 dollars l’équivalent baril et ne génère donc pas de bénéfice pour le groupe.
La situation financière difficile d’Oando dans l’exploration-production ne remet toutefois pas en question sa stratégie : recentrer ses activités sur ce secteur et quitter progressivement la distribution de produits raffinés, son domaine d’origine.
« Nous sommes convaincus qu’en dépit des cours très bas, les perspectives pour une société indigène bien structurée au Nigeria restent meilleures dans l’amont pétrolier que dans l’aval », explique Pade Durotoye. Le directeur rappelle au passage que son groupe détient toujours 40 % de son ancienne filiale de distribution, dont il a revendu 60 % au consortium formé par le négociant Vitol et le fonds Helios le 30 juin. Et qu’il continue donc à engranger une partie des bénéfices de cette filiale, dont le marché est en meilleure forme. Même si, à terme, confirme Pade Durotoye, Oando sortira définitivement de cette activité.
Cette stratégie est d’ailleurs approuvée par des connaisseurs du secteur : « Quand il est chez lui, un groupe comme Oando bénéficie dans l’amont de grands avantages par rapport à ses concurrents étrangers, notamment pour faire des acquisitions de blocs attractifs », note l’avocate Nina Bowyer, du cabinet Herbert Smith Freehills, spécialiste du secteur pétrolier, et qui se rend régulièrement à Lagos.
« Il est clair qu’un négociant international comme Vitol était sans doute plus à même de tirer vers le haut la rentabilité de l’ancienne branche aval d’Oando grâce à des économies d’échelle et à une puissance logistique à l’envergure continentale dont le nigérian ne disposait pas seul », estime de son côté le trader ivoirien Charles Thiemele, d’AOT Trading.
Les projets du groupe
Reste que pour repasser dans le vert, les dirigeants d’Oando ont du pain sur la planche. Certes, les actifs pétroliers du groupe demeurent attractifs selon les analystes, avec des réserves qui ont augmenté de 82 % au premier semestre de l’année 2015 et une production de 55 399 équivalents barils par jour contre 4 531 un an auparavant, avant l’acquisition des champs de ConocoPhillips. Mais le groupe doit prouver à ses actionnaires qu’il est capable de maîtriser ses coûts opérationnels. « Nous avons deux priorités claires pour les prochains mois. D’abord, une meilleure gestion de notre trésorerie, grâce à la maîtrise de nos coûts, mieux planifiés sur le long terme. Ensuite, la défense de notre production, pour prévenir son déclin », explique Pade Durotoye.
Les analystes de Renaissance Capital prévoient deux années de résultat net déficitaire, 2015 et 2016
L’entreprise menée par Wale Tinubu compte poursuivre son expansion par de nouvelles acquisitions. « Nous nous sommes désendettés et continuons à nous restructurer. Nous pouvons nous permettre de nous positionner sur de nouveaux blocs. Si de bonnes opportunités se présentent, au juste prix, nous nous mettrons sur les rangs », fait savoir Pade Durotoye, qui croit que la période de consolidation dans le secteur pétrolier nigérian est loin d’être terminée. « Des plus petits producteurs chercheront nécessairement refuge au sein de groupes plus importants », estime-t-il. Mais la concurrence avec Seplat, l’autre « grand » nigérian, sera rude et pourrait faire monter les prix sur les bonnes affaires.
Et il reste à savoir si les actionnaires et partenaires financiers, échaudés par les mauvais résultats de 2014 et du premier semestre 2015, seront prêts à suivre les dirigeants d’Oando sur cette voie. D’autant que les analystes de Renaissance Capital prévoient deux années de résultat net déficitaire, 2015 et 2016.
Seplat sur la brèche
En dépit de perturbations importantes causées par les dysfonctionnements de pipelines gaziers au Nigeria au premier semestre 2015, Seplat, l’autre junior pétrolière nigériane en vogue, cotée à Lagos et à Londres, affiche de bons résultats, avec 62 millions de dollars (55 millions d’euros) de bénéfice net sur la période de janvier à septembre 2015 et une production de 40 000 équivalents barils.
« Nous disposons d’un modèle économique solide, reposant notamment sur la branche gazière de nos activités au Nigeria, où les prix sont garantis à des niveaux rentables pour nous », indique Roger Brown, le directeur financier du groupe, qui veut encore renforcer sa présence dans ce domaine, qui représente actuellement un quart de sa production. Après l’échec des négociations pour le rachat des actifs nigérians d’Afren en février 2015, la compagnie dirigée par Ambrosie Orjiako est toujours en chasse pour trouver de nouveaux actifs dans le pays, et en particulier des gisements de gaz.
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