Logistique : comment la Chine s’impose à Djibouti

En bisbille avec Dubaï, le pays semble lui préférer les investisseurs chinois. Au grand dam des Occidentaux, qui craignent de perdre leur influence et de voir d’importants chantiers leur échapper.

Le futur terminal minéralier du Goubet est financé par China Exim Bank à hauteur d’une cinquantaine de millions d’euros. © VINCENT FOURNIER/J.A.

Le futur terminal minéralier du Goubet est financé par China Exim Bank à hauteur d’une cinquantaine de millions d’euros. © VINCENT FOURNIER/J.A.

ProfilAuteur_SamyGhorbal

Publié le 24 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Issu du dossier

Djibouti : quel avenir ?

À cinq mois de la présidentielle et dans un environnement chaotique, le pays confirme sa position de plateforme militaire et commerciale. Beaucoup reste cependant à faire en matière de développement et de démocratisation.

Sommaire

Transport et logistique sont les deux mamelles de l’économie djiboutienne. Les investissements se concentrent d’ailleurs dans ces secteurs, pour lesquels le pays ne manque pas d’atouts. Situé au cœur du golfe d’Aden et point de passage obligé des grandes routes maritimes internationales, Djibouti est devenu la porte d’entrée de l’Éthiopie, ainsi qu’un hub idéal pour le ravitaillement de l’hinterland est-africain. Dix des dix-sept nations enclavées du continent appartiennent au Marché commun de l’Afrique orientale et de l’Afrique australe (Comesa), dont la petite République est également membre.

La frénésie des grands travaux d’infra-structures ne connaît donc aucun répit. Seul changement notable, les opérateurs de l’empire du Milieu ont détrôné, au fil des années, les investisseurs de Dubaï, à l’origine du décollage du pays au milieu des années 2000. Les relations avec les Émirats arabes unis ont subi un sérieux coup de froid en avril après qu’un policier djiboutien a giflé un officiel émirati à l’aéroport d’Ambouli.

Toujours en procès à Londres, Boreh est soupçonné d’avoir détourné des centaines de millions de dollars

la suite après cette publicité

Les racines du malaise entre les deux États semblent pourtant plus lointaines, avec pour toile de fond « l’affaire Boreh ». Président de l’Autorité des ports et zones franches entre 2003 et 2008, Abdourahman Boreh fait l’objet de poursuites lancées par les autorités djiboutiennes pour corruption et évasion fiscale. Toujours en procès à Londres, Boreh est soupçonné d’avoir détourné des centaines de millions de dollars lors de l’arrivée de DP World sur le terminal à conteneurs de Doraleh. Djibouti veut maintenant résilier le contrat de concession accordé à l’opérateur émirati, propriété du gouvernement de Dubaï.

Promesses rompues

Selon plusieurs proches du dossier, certaines promesses non tenues auraient également terni les relations : « Les Émiratis ont fait miroiter des investissements considérables dans le sillage de l’installation de DP World. Mais les difficultés financières provoquées par la crise immobilière de 2008 ont obligé Dubaï à repousser l’extension de Doraleh, ainsi que la construction des terminaux de Tadjourah et d’Obock. » Raison pour laquelle Djibouti se serait tourné vers Pékin.

L’empire du Milieu va ouvrir une base navale à Obock pour mieux affirmer ses ambitions de puissance maritime internationale.

Aujourd’hui, la Chine est présente sur tous les fronts, à travers les lignes de crédit de ses banques et les réalisations de ses entreprises de BTP. Et bientôt militairement, puisque l’empire du Milieu s’apprête à ouvrir une base navale à Obock pour mieux affirmer ses ambitions de puissance maritime internationale. Symbole de cette arrivée spectaculaire à Djibouti, China Merchants Holdings International a fait son entrée, fin 2012, au capital du Port de Djibouti en acquérant 23,5 % des parts pour 185 millions de dollars (environ 140 millions d’euros). « Djibouti est un point stratégique dans la nouvelle route de la soie chinoise », se félicite Mahmoud Ali Youssouf, le ministre des Affaires étrangères.

la suite après cette publicité

Oléoduc

Comme pour répondre aux Occidentaux qui redoutent de voir Djibouti « tomber dans l’orbite de Pékin », le diplomate souligne l’effet d’entraînement engendré par ce partenariat. Et met en avant le projet d’un oléoduc pour produits pétroliers raffinés de 550 km qui s’étirera entre Damerjog et la ville éthiopienne d’Awash. Un projet de 1,5 milliard de dollars pour une capacité journalière de 240 000 barils.

la suite après cette publicité

Le consortium chargé de réaliser ce pipeline sera détenu à 50 % par la société américaine Black Rhino, filiale du géant Blackstone. « Vous voyez bien que les Chinois ne sont pas les seuls à venir ici », insiste en souriant le ministre.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image