Pourquoi les start-up africaines ne décollent pas

Ils sont jeunes, connectés, et débordent d’idées pour accélérer a révolution numérique sur le continent. Mais parmi leurs projets, très peu rencontrent le succès. Difficultés de financement et mauvaise lecture du marché expliquent cet échec relatif.

Aphrodice Mutangana, patron du groupe rwandais Foyo, qui a développé l’application mobile m-Health, au kLab, l’incubateur de Kigali. © DESIRE GARCIA/MAX PPP

Aphrodice Mutangana, patron du groupe rwandais Foyo, qui a développé l’application mobile m-Health, au kLab, l’incubateur de Kigali. © DESIRE GARCIA/MAX PPP

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Publié le 4 décembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Un internaute à Abidjan. © Mathieu Olivier pour J.A.
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Télécoms & internet : focus sur les start-up africaines

Dans ce dossier, « Jeune Afrique » revient sur les blocages auxquels sont confrontés les start-up africaines, des difficultés de financement aux erreurs d’analyse du marché. Découvrez également un focus sur de jeunes pousses africaines en pointe ainsi que le décryptage des stratégies africaines de groupes plus matures, tels que le sud-africain MTN, l’opérateur indien Airtel et le géant de l’électronique Motorola Solutions Inc.

Sommaire

De Casablanca à Brazzaville, elles poussent comme des champignons. Les idées et le courage sont là. Mais les startup africaines peinent encore à transformer l’essai. Pourtant, la plupart des États du continent affirment vouloir placer l’innovation au cœur de leur stratégie de développement. Comme elle l’a fait en adoptant le mobile avant même d’être équipée de grands réseaux filaires, l’Afrique pourrait, selon certains spécialistes, réaliser un bond technologique qui lui permettrait de rattraper son retard.

Un développement difficile

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Paul Kagamé l’a même inscrit dans son projet Vision 2020, dont l’objectif est de faire du Rwanda un pays à revenu intermédiaire en sautant la phase d’industrialisation. « Il y a une réelle volonté politique, confirme Claudette Irere, directrice générale du kLab, un incubateur consacré aux nouvelles technologies installé à Kigali. Le ministère des Technologies de l’information et de la communication et le Rwanda Development Board sont très à l’écoute. Mais seuls 2 % des projets aboutissent. »

Au Maghreb, où des stratégies nationales ont là aussi été élaborées – Maroc Numeric 2020, Tunisie Digitale 2018, e-Algérie -, même constat. Et la création de technopôles (à Casablanca, Rabat, Sfax, Oran…), censés fournir un environnement favorable aux start-up, n’y change rien. « La lourdeur des procédures, notamment administratives, freine les initiatives entrepreneuriales », soupire Badreddine Ouali, PDG de la société d’édition de logiciels bancaires Vermeg et président de Réseau Entreprendre Tunis.

La situation est encore plus difficile dans les pays où le développement des start-up n’est pas soutenu par l’État. Comme au Cameroun, regrette Churchill Nanje Mambe, créateur de Njorku, un moteur de recherche spécialisé dans les offres d’emploi en Afrique. Or, sans appui extérieur, les entrepreneurs du secteur peinent à voir aboutir leurs projets… « Ils ne font pas assez d’études de marché, analyse le Rwandais Aphrodice Mutangana, jeune patron du groupe Foyo. Ils ont une idée, mais ils ne se rendent pas compte qu’elle est difficile à vendre. »

L’accompagnement, un gage de réussite

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D’où l’intérêt d’être accompagnés par des structures comme Wiki Start Up, fondée par le Tunisien Mondher Khanfir et organisée autour d’un réseau de business angels (des investisseurs privés apportant aussi leur expérience), qui assiste notamment le studio de production de jeux vidéo Digital Mania. « Ces structures apportent les outils nécessaires au développement des idées », explique Sedjro Boris Houssou, de la plateforme Africa Web Lab.

Pour Karim Sy, fondateur du réseau de co-working (travail collaboratif) Jokkolabs, il ne faut cependant pas se tromper de méthode. « Trop souvent, on forme des managers et non des entrepreneurs, estime-t-il. Plutôt que de travailler encore et encore sur un plan d’affaires, mieux vaut aller au plus vite sur le marché pour confronter son idée à la réalité. Appuyer une start-up pendant quatre ans ne sert à rien. Si l’idée est bonne, en six mois, l’entreprise doit décoller. » Il donne pour exemple la start-up sénégalaise Wizili, plateforme de création de jeux-concours web et mobile : en deux ans, elle a investi sept pays sans devoir procéder à une levée de fonds.

En Afrique, on privilégie encore l’approche des opérateurs télécoms, qui ont tendance à internaliser le développement des innovations, explique Karim Sy

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Selon lui, rares sont les pays où les pouvoirs publics auraient compris la révolution portée par les nouvelles technologies. « En Afrique, on privilégie encore l’approche des opérateurs télécoms, qui ont tendance à internaliser le développement des innovations, alors que des entreprises comme Google s’appuient sur les communautés de codeurs en utilisant des logiciels open source, dont le code source est librement accessible », compare un acteur de la sphère internet au Sénégal.

Au-delà de l’accompagnement par des experts, la principale difficulté pour les entrepreneurs demeure l’accès au capital. « Les banques et les entreprises ne savent pas ce qu’est une start-up, elles sont allergiques aux risques et ne veulent pas acheter une idée. Et les taux d’intérêt sont beaucoup trop élevés », explique Claudette Irere. « Il reste un problème évident d’amorçage et de financement, confirme Zineb Rharrasse, directrice générale de l’association StartUp Maroc. Il faudrait que davantage de start-up parviennent à lever des fonds. »

Des concours tels Innovation Prize for Africa ou le programme de la Fondation Tony Elumelu permettent également de se faire connaître et d’obtenir des financements

Pour rencontrer des investisseurs, beaucoup de jeunes patrons misent sur des événements comme Start Up Connect, organisé à Lubumbashi début octobre – une première en RD Congo. « Ce type d’initiative est très important pour accéder à des financements, affirme Sedjro Boris Houssou. C’est l’occasion d’y rencontrer les business angels, qui, dans le monde des start-up, prennent la place des banques. »

Des concours tels Innovation Prize for Africa, le prix Orange de l’entrepreneur social ou le programme de la Fondation Tony Elumelu permettent également de se faire connaître et d’obtenir des financements. Au Technopark de Casablanca, 60 startup locales se sont ainsi réunies les 24 et 25 octobre à l’initiative de StartUp Maroc, dans l’espoir d’être sélectionnées pour participer à des concours internationaux. Leur modèle : ScreenDy, une plateforme de développement d’applications mobiles, qui, après avoir décroché plusieurs prix à l’international, dont un prestigieux MIT Award, a ouvert cette année un bureau dans la Silicon Valley.

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