Sénégal : pourquoi le plan de financement des PME ne convainc pas

Une banque, un fonds souverain et un fonds de garantie pour financer les petites entreprises. Deux ans après son lancement, le plan du gouvernement ne convainc pas.

Ici la Nouvelle Société textile sénégalaise de Thiès relancée en 2015 par la Banque nationale de développement économique. © OUMAR SEYE

Ici la Nouvelle Société textile sénégalaise de Thiès relancée en 2015 par la Banque nationale de développement économique. © OUMAR SEYE

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Publié le 27 novembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Au Sénégal, l’accès des PME aux financements demeure une équation complexe que les gouvernements successifs tentent de résoudre. Avec des résultats pour le moins mitigés. Si, selon les chiffres provenant des services du ministère de l’Économie et des Finances, les PME forment près de 80 % du tissu des entreprises locales et emploient jusqu’à 60 % des actifs, elles ne représentent par exemple que 16 % du portefeuille des ressources octroyées par les banques locales. Par conséquent, ces sociétés ne contribuent au PIB qu’à hauteur de 30 %.

Le régime de Macky Sall s’est donc résolu à faire du financement des PME-PMI une de ses priorités grâce à la mise en place d’un triptyque réunissant la Banque nationale de développement économique (BNDE), le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) et, dans une certaine mesure, le Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis). Mais, près de deux ans plus tard, le mécanisme semble avoir encore du mal à fonctionner.

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Ces dernières semaines, le cas de la BNDE, détenue à 34 % par l’État, mais aussi par des actionnaires privés tels que Bridge Group de Yérim Sow, a bien illustré cette difficulté. L’orientation stratégique de cette institution, dont le modèle est calqué sur ceux de ses équivalents marocain et brésilien, a divisé les actionnaires et entraîné la démission de son président, Amadou Kane, l’ancien ministre des Finances et ancien « Monsieur Afrique » de BNP Paribas. D’un côté, l’État souhaite maintenir la BNDE dans sa mission de banque des PME, et, de l’autre, des actionnaires privés voudraient qu’elle opère comme une banque commerciale classique.

Une insuffisance de moyens

Le 15 septembre, à l’occasion de la présentation de ses premiers résultats, soit un an et demi après son lancement, la banque – qui n’a pas souhaité répondre à nos questions -, a tenu à rappeler son attachement à sa vocation première. Elle a ainsi annoncé avoir déjà financé des projets à hauteur de 24 milliards de F CFA (environ 36,6 millions d’euros), dont 12 milliards aux PME-PMI, et revendique 1 400 clients, dont 66 % de PME, pour un bénéfice de 57 millions de F CFA. Citant parmi ses réussites la relance en mai de la Nouvelle Société textile sénégalaise (NSTS) de Thiès, fermée depuis plusieurs années. La filature, qui a reçu près de 600 millions de F CFA de la banque, emploie aujourd’hui 120 travailleurs.

Pour Babacar Diagne, président du Conseil des entreprises du Sénégal (CDES), l’un des cinq syndicats patronaux du pays, on est loin du compte. « Je ne pense pas que la BNDE, comme le Fongip d’ailleurs, ait les moyens de financer les besoins des micros et des petites entreprises. » À ses yeux, les missions de cette structure sont inadaptées. D’après lui, c’est avant tout sur la promotion des PME locales qu’il faut travailler. Par exemple, le CDES préconise la mise en place d’un mécanisme permettant aux PME-PMI de profiter de la commande publique et d’avancer rapidement des fonds à celles qui ont remporté des marchés pour leur permettre de les exécuter. Elle souhaite également la création d’une centrale d’achats qui pourrait fournir aux entreprises les intrants nécessaires.

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Sur la même longueur d’onde que le patron du CDES, Moustapha Kassé, le doyen honoraire de la faculté des sciences économiques de l’université Cheikh-Anta-Diop, de Dakar, estime que le Fonsis, le Fongip et la BNDE sont « de bons instruments », mais qu’il est indispensable d’accroître de manière substantielle les ressources mises à la disposition de ce triptyque. « On aurait dû mettre, par exemple, les ressources allouées aux bourses familiales à la disposition de ces structures. On a besoin de relancer l’offre de production. La politique sociale doit découler de cette dernière, de la création de richesses », explique Moustapha Kassé.

Depuis son démarrage, le Fonsis n’a validé et approuvé que six projets pour un coût global d’environ 40 milliards de F CFA.

Déficit

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La situation du Fonsis illustre bien le déficit de ressources auquel ces instruments sont eux-mêmes confrontés. Certes, la vocation première de ce fonds est de faire fructifier les actifs de l’État, mais il s’occupe aussi des PME-PMI via des prises de participation dans leur capital. Depuis son démarrage en janvier 2014, il n’a pas encore reçu certains actifs que l’État s’était engagé à lui transférer. Cet unique fonds souverain d’Afrique de l’Ouest francophone, qui doit à terme atteindre 500 milliards de F CFA d’actifs gérés, n’a pour l’instant reçu que 6 milliards de F CFA.

Résultat, depuis son démarrage, le Fonsis n’a validé et approuvé que six projets pour un coût global d’environ 40 milliards de F CFA. Et ses interventions dans le financement restent modestes. Comme la souscription récente aux côtés de la Sonatel, de Total Sénégal et d’Askia Assurances à la levée de 5 millions d’euros réalisée par Teranga Capital, un fonds d’impact qui fait partie du réseau que développe Investisseurs & Partenaires en Afrique de l’Ouest.

Si, du côté du ministère de l’Économie et des Finances, on explique le fait que le Fonsis n’ait pas reçu les ressources qu’on lui avait promises par la lenteur des procédures administratives, certaines sources soutiennent cependant que cela s’explique par un manque de volonté dans certains cercles de l’administration.

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