Portraits : ces patrons monégasques en pointe en Afrique

Le Club des entrepreneurs monégasques en Afrique compte 14 membres qui, réunis, affichent un chiffre d’affaires sur le continent de plus de 1,5 milliard d’euros. Portraits des cinq fondateurs du Cema et de quelques-uns des patrons qui les ont rejoints.

Vue aérienne de MOnaco. © Wikimedia Commons

Vue aérienne de MOnaco. © Wikimedia Commons

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Publié le 14 décembre 2015 Lecture : 8 minutes.

Vue aérienne de la principauté © Valery Hache/AFP
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Monaco, cap au Sud

Dix ans après le début du règne d’Albert II, la principauté se tourne de plus en plus vers l’Afrique.

Sommaire

Moins d’un an et demi après la création du Club des entrepreneurs monégasques en Afrique (Cema), ses cinq membres fondateurs ont déjà été rejoints par une dizaine d’entreprises, qui ont toutes pour dénominateur commun d’être physiquement présentes en Afrique, comme le précisent les statuts de ce club plutôt sélect. Ensemble, leurs dirigeants symbolisent la diversité du secteur privé monégasque, sa complémentarité, et ils comptent bien démontrer que l’union fait la force.

Adnan Houdrouge © DR

Adnan Houdrouge © DR

Adnan Houdrouge, Président de Mercure International of Monaco (MIM), membre fondateur et vice-président du Cema

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Sa vie ressemble à un roman. Tel le héros de la mythologie romaine dont il a choisi le nom pour baptiser son entreprise, en 1986, le président fondateur de Mercure International a bâti son groupe au fil des rencontres. Né au Sénégal au soir du Nouvel An 1948, ce fils de marchand d’articles de sport a fait la connaissance de Horst Dassler, le tout-puissant patron d’Adidas, en 1970. « C’est lui qui m’a appris le métier », se souvient le Monégasque d’origine libanaise. Adnan Houdrouge investit alors dans l’olympisme et, surtout, s’attache à développer ses affaires à travers l’Afrique de l’Ouest… Jusqu’à constituer aujourd’hui l’une des plus importantes centrales d’achat d’Afrique francophone.

Outre les articles de sport, qui représentent toujours 35 % de ses activités, le groupe s’appuie désormais sur deux autres piliers : l’alimentaire et la mode. Disposant d’une vingtaine de filiales, de 250 magasins et de plus de 5 000 employés en Afrique, Mercure International réalise sur le continent 80 % de son chiffre d’affaires consolidé, estimé à 650 millions d’euros par an. Porté par l’émergence d’une classe moyenne, le groupe multiplie les projets commerciaux, notamment au Congo et au Cameroun, distribuant toujours de nouvelles enseignes (notamment Casino, Go Sport, et la Fnac à Abidjan), mais se développe aussi dans le domaine de la logistique, avec une nouvelle plateforme sur le port de Tanger Med début 2016. Si le groupe Mercure International n’a pas vraiment besoin du Cema pour découvrir l’Afrique, Adnan Houdrouge est persuadé que « la mutualisation des expériences au sein du Club » sera bénéfique pour tous et pour le continent.

Denis Ruyant, Directeur général adjoint de Sonema, membre fondateur et trésorier du Cema

En arrivant à Sonema en 2001, Denis Ruyant, ingénieur de formation ayant exercé différentes responsabilités dans les plus grands groupes (Thales, Nortel, Siemens, Lucent…), a découvert le monde des entreprises familiales.

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Fondée en 1985, Sonema se lance dix ans plus tard dans la création d’une activité de télécommunications par satellite. Depuis, elle fournit et exploite des réseaux de télécoms destinés aux entreprises internationales. Son siège à Monaco, ses téléports de Fréjus (dans le Var) et de Lognes (en région parisienne) et sa filiale en RDC ont réalisé un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2014.

Sonema est aujourd’hui active dans 45 pays africains, « initialement aux services des groupes européens présents sur le continent, puis, de plus en plus, de sociétés panafricaines, témoignant du développement inclusif de l’Afrique », précise Denis Ruyant.

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À 59 ans, le directeur général adjoint de Sonema est également trésorier du Cema, qu’il a largement contribué à porter sur les fonts baptismaux. En plus de créer des synergies entre ses membres, le club doit, estime-t-il, « contribuer à l’image de la principauté en Afrique et être reconnu par les autorités monégasques. »

Hervé Husson, Président délégué d’Ascoma, membre fondateur du Cema

Devenu début 2015, à 36 ans, président délégué d’Ascoma, Hervé Husson perpétue désormais la longue histoire de la société de courtage d’assurances et de réassurances créée en 1896 par son arrière-arrière-grand-père et présente en Afrique depuis le début des années 1950. Le fils de Patricia Husson, présidente d’honneur de la société et présidente du Cema, peut contempler dans son bureau les deux grandes cartes illustrant les mutations enregistrées en soixante ans par le continent ainsi que par Ascoma, qui, au fil des ans, s’est imposé comme le premier réseau de courtage indépendant en Afrique francophone essentiellement.

Outre ses implantations à Monaco, en France et au Luxembourg, la société dispose actuellement de 22 bureaux en Afrique, représentant 80 % de son chiffre d’affaires (plusieurs dizaines de millions d’euros par an). Au diapason des marchés en plein essor du continent, le courtier est présent depuis peu au Mali et au Niger et regarde dorénavant en direction du formidable potentiel nigérian.

Franco Zanotti, Président d’ES-KO, membre fondateur du Cema

En soixante ans, le groupe ES-KO a forgé un savoir-faire qui fait désormais de lui l’un des leaders mondiaux dans son secteur : le soutien logistique en zone postconflit. « Nous nous sommes lancés dans cette activité en 1988, après avoir remporté un appel d’offres lancé par l’ONU en Namibie », explique Franco Zanotti, qui préside la société créée par son père, italien. Depuis, ES-KO suit les Casques bleus du Mozambique en Haïti, en passant par le Timor, la RD Congo et le Soudan du Sud. Les missions de l’ONU représentent actuellement plus de 50 % du chiffre d’affaires du groupe, constitué pour le solde de contrats avec l’Otan ou avec de grandes sociétés industrielles présentes essentiellement en Afrique.

Depuis 2013, ES-KO s’est également diversifié dans la construction modulaire via sa filiale Eco System. Ses réalisations vont de la simple base de vie à la construction de complexes préfabriqués innovants, comme des hôpitaux, des écoles ou des hôtels, notamment au Sénégal. L’entreprise a par ailleurs signé le très remarqué pavillon de Monaco pour l’Exposition universelle de Milan. Une fois éteints les feux de la rampe, ce dernier sera démonté pour être reconstruit à Ouagadougou, la capitale burkinabè, où il servira de centre de formation pour la Croix-Rouge.

Frédéric Geerts, Administrateur délégué de Martin Maurel Sella, membre fondateur et secrétaire général du Cema

L ‘ Afrique et la banque, Frédéric Geerts les connaît bien. La première parce qu’il a passé son adolescence à Kinshasa, la seconde parce qu’il y a fait carrière. Né à Bruxelles en 1959 et résident à Monaco depuis sept ans, ce diplômé de l’école de commerce Solvay (à Bruxelles) a enchaîné les postes dans les grandes banques d’affaires belges avant de prendre le fauteuil de directeur exécutif de l’un des derniers établissements financiers privés et familiaux d’Europe : la banque Martin Maurel Sella. La rencontre des deux institutions, l’une marseillaise (Martin Maurel) et l’autre piémontaise (Sella), ne pouvait se faire qu’à Monaco, où la banque Martin Maurel était établie depuis 1987.

Son principal débouché : l’Afrique, avec laquelle les Martin-Maurel ont tissé de très solides liens depuis 1825 à travers leurs clients exportateurs. Déjà présente dans la plupart des pays francophones auprès de groupes privés ou d’institutions, la banque cherche désormais à s’implanter dans d’autres pays, en s’intéressant à la Corne de l’Afrique et à l’Afrique australe. L’expérience acquise par Frédéric Geerts lors de sa jeunesse au Zaïre et, plus tard, à la Belgolaise, est évidemment un atout pour la banque familiale et pour le Cema, dont il est secrétaire général. C’est d’ailleurs lui qui est à l’origine de la mission effectuée par 15 membres du Club à Kinshasa, du 11 au 15 octobre.

Sascha Kunkel © DR

Sascha Kunkel © DR

Sascha Kunkel, PDG d’Algiz Security

Mission accomplie. Sascha Kunkel peut arborer son plus beau sourire. En moins de dix ans, cet ancien légionnaire à la carrure d’athlète a réussi à faire de sa société de sécurité privée l’une des plus performantes de son secteur sur le continent africain. Après avoir assuré la sécurité d’ONG engagées dans la reconstruction de l’Irak pendant trois ans et demi, cet expert de la protection rapprochée est rentré en Europe en 2003 et a choisi de s’établir à Monaco – « par hasard », dit-il – pour créer Algiz, nom inspiré d’une rune germanique qui signifie « protection par l’esprit » (et non par la force).

Tout un programme, que ce Bavarois de 38 ans s’escrime à appliquer à la lettre sur les différents théâtres d’opérations où sa société est engagée, en particulier en Afrique – qu’il a découverte, béret vert sur la tête, en 1999, lors d’une opération en Côte d’Ivoire. Après des premiers contrats en Irak, Algiz Security s’est rapidement fait connaître en Afrique, en sécurisant les escales de plusieurs compagnies aériennes dans différents pays. Elle s’y appuie aujourd’hui sur une base de 500 personnes installées au Congo-Brazzaville et est présente sur l’ensemble du continent, où elle réalise une bonne partie de ses 7 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Edmond-Patrick Lecourt, Administrateur délégué de Savent Brockers

Voilà un peu plus de soixante-dix ans que Savent Brokers plante ses petites graines en Afrique, où sont désormais concentrées 95 % de ses activités. « Nous y avons travaillé depuis les origines mêmes de la société », confirme Edmond-Patrick Lecourt, 53 ans, patron de l’ancienne huilerie marseillaise créée en 1930 par son grand-père. La société s’est établie dans un premier temps au Sénégal, pour ses arachides, avant d’étendre sa toile dans une quinzaine de pays du continent, en particulier au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Importateur et distributeur de céréales, le trader est peu à peu devenu producteur.

En décembre, il devrait ainsi récolter ses premiers épis de maïs sur le projet pilote de 200 ha qu’il a plantés dans la région de Korhogo, en Côte d’Ivoire. « Je crois beaucoup dans la production locale », confie Edmond-Patrick Lecourt. Savent Brokers, qui s’intéresse également à la transformation, a investi dans une usine d’aliments pour bétail au Sénégal et dans une unité de production d’huile de palme et d’engrais organiques en Côte d’Ivoire. Le tout à destination des marchés sous-régionaux.

Hilde Haneuse-Heye © Valentina de Gaspari

Hilde Haneuse-Heye © Valentina de Gaspari

Hilde Haneuse-Heye, Présidente délégué de Blue Wave Software

Des études de philologie peuvent mener à tout et partout. Diplômée à Gand (Belgique), Hilde Haneuse-Heye a choisi l’informatique et Monaco après une escale à Nice, où elle a suivi des études en management et affaires internationales, mais aussi rencontré son mari, patron et fondateur de Blue Wave Software, une société de logiciels et de portails d’applications créée en 1994. Dès lors, l’enseignante devenue femme d’affaires contribue à développer l’entreprise avec son époux et parallèlement, en 2004, elle crée Colibri, une société spécialisée dans le marketing et les stratégies de communication.

Elle la revend peu avant que son conjoint ne soit emporté par la maladie, en 2010, pour prendre la tête de Blue Wave Software. La société monégasque travaille désormais dans le monde entier, y compris en Afrique. Elle dispose d’une filiale en Tunisie depuis 2011 et envisage aujourd’hui de renforcer ses activités sur le continent, notamment au Maroc, où Hilde Haneuse-Heye confie avoir un projet de joint-venture « avec un groupe local important ». À 54 ans, la businesswoman, dont la vie associative est aussi bien remplie, se rend régulièrement en Afrique, notamment au Sénégal, dans le cadre des actions de l’Association des femmes chefs d’entreprise de Monaco (Afcem), dont elle est vice-présidente.

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