Terrorisme : épargnée jusque-là par la tempête jihadiste, la Côte d’Ivoire reste en alerte
Pour le moment, la Côte d’Ivoire ressemble à un lac calme, épargné par la tempête jihadiste qui secoue le monde et la sous-région. Pourtant, les menaces sont prises au sérieux par Abidjan.
Terrorisme : les nouvelles menaces qui pèsent sur l’Afrique
Alors que les attentats de Paris ont révélé les failles sécuritaires de l’Europe, comment le continent, qui conjugue à la fois une grande habitude et une vraie impuissance, lutte-t-il contre les groupes jihadistes ?
À commencer par celles qui émanent de la frontière avec le Mali où, en juin, des attaques dans les localités maliennes de Misseni et Fakola (à une vingtaine de kilomètres du territoire ivoirien) ont laissé craindre le pire. Alors que tous les préfets du nord du pays étaient mis en alerte, l’Assemblée nationale ivoirienne adoptait dans l’urgence et à l’unanimité une loi renforçant considérablement les pouvoirs de la police et des services de renseignements pour lutter contre le terrorisme.
Des actions menées conjointement par les forces de sécurité et de renseignement des deux pays ont ensuite permis d’arrêter en territoire ivoirien puis d’extrader sept jihadistes maliens soupçonnés d’avoir participé à ces attaques. Ces suspects appartiendraient à la katiba Khalid Ibn Walid, la « branche » Sud-Mali du groupe islamiste Ansar Eddine. Une unité combattante dirigée surtout par des Maliens mais aussi constituée, selon les informations recueillies par Jeune Afrique, de cadres ivoiriens. « Nous savons aujourd’hui que lors de ces récents événements un petit groupe de jihadistes venus du Mali est brièvement entré en Côte d’Ivoire, au niveau de Tengréla, avant de repartir, confirme une source sécuritaire ivoirienne. Parmi eux se trouvaient des imams radicaux originaires de cette région de Côte d’Ivoire, et qui y ont gardé des liens, des contacts. »
Une menace prise au sérieux
Signe que la menace est réelle, l’Union africaine (UA) a aussi décidé de renforcer sa représentation dans le pays en dépêchant sur place un conseiller militaire et de sécurité chargé de coordonner la lutte contre le terrorisme entre l’institution et la Côte d’Ivoire. Une fonction assumée par Malamine Konaré – fils de l’ex-chef d’État Alpha Oumar Konaré, ancien commandant de l’armée malienne, qui était jusqu’à récemment conseiller militaire et de sécurité de l’UA au Tchad.
La Côte d’Ivoire est une cible pour les jihadistes, explique William Assanvo
« Compte tenu de ses positions géographique, économique et diplomatique, la Côte d’Ivoire est une cible pour les jihadistes, explique William Assanvo, chercheur principal au bureau de Dakar de l’Institut d’études de sécurité (ISS). Il y a tellement de circulation, de liens entre des peuples qui sont les mêmes de part et d’autre de la frontière qu’il est difficile d’y mesurer pour le moment la présence des jihadistes. Il faut pourtant une vigilance accrue, car il y a le précédent Boko Haram. Il faut se souvenir que l’émergence de ce mouvement a été progressive. Les jihadistes avaient commencé par établir des cellules dormantes, n’affichant pas de volonté de mener des actions visibles avant de les activer petit à petit et d’atteindre leur niveau de violence actuel. »
Des inquiétudes renforcées par la présence en Côte d’Ivoire – confirmée par plusieurs sources, dont un militaire haut gradé français – de prédicateurs pakistanais du mouvement Jama’at Tabligh, présenté comme pacifiste mais dont les activités, anciennes dans d’autres pays, comme au Mali, ont déjà été dénoncées comme un facteur de radicalisation religieuse dans la société.
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