Boko Haram : au Cameroun, la peur gagne aussi les grandes villes

Le 9 novembre, deux fillettes se sont présentées à la mosquée de Fotokol (Extrême-Nord du Cameroun), le torse ceint de charges explosives.

Manifestation de soutien à l’armée, engagée contre la secte Boko Haram, à Douala, en février. © REINNIER KAZE/AFP

Manifestation de soutien à l’armée, engagée contre la secte Boko Haram, à Douala, en février. © REINNIER KAZE/AFP

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Publié le 2 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Le drapeau de Boko Haram à Gambaru,  au Nigeria, après que les troupes tchadiennes ont chassé le groupe terroriste, en février 2015. © Stéphane Yas/AFP
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Terrorisme : les nouvelles menaces qui pèsent sur l’Afrique

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La première s’est fait exploser, tuant trois personnes et en blessant plusieurs autres. La seconde n’a pas eu le temps d’actionner le détonateur, puisque immédiatement abattue par des soldats du Bataillon d’intervention rapide (BIR). Quatre mois plus tôt, le 12 juillet, cette ville frontalière du Nigeria avait déjà eu le triste privilège de subir le tout premier – double – attentat-suicide de l’histoire du pays. La série macabre s’est poursuivie dans d’autres villes de l’Extrême-Nord : Maroua, Mora, Amchidé, Kerawa, Kangaleri… En quelques mois, une quinzaine de personnes se sont fait exploser sur les marchés, dans les mosquées ou dans des lieux de loisirs.

À ce jour, aucune enquête sérieuse n’a encore pu dresser un profil précis des terroristes, reconstituer leur parcours, de l’embrigadement jusqu’au passage à l’acte… Néanmoins, on sait que les kamikazes de Boko Haram sont majoritairement des femmes, souvent kidnappées – comme les huit jeunes filles enlevées le 13 novembre à Achigachia -, endoctrinées et/ou droguées avant d’être transformées en bombes humaines.

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Un risque réel d’attentats

À Yaoundé, la capitale, située à plus de 1 000 kilomètres de Maroua, ces atrocités vécues par l’arrière-pays n’ont qu’un faible écho. Le pouvoir central et jacobin n’a pas jugé nécessaire de mobiliser la population. Certes, le sentiment d’insécurité s’est accru face à cette menace. À juste raison, car le risque d’attentat est bien réel dans les grandes villes du Sud, Yaoundé ou Douala. La rentrée scolaire de septembre s’est déroulée dans une grande fébrilité : les forces de l’ordre quadrillaient les villes, sécurisaient les sites sensibles et les écoles. Des détecteurs de métaux sont apparus à l’entrée des administrations et des hôtels.

Il n’existe pas de parquet spécialisé, pas de police scientifique (si ce n’est sur le papier)

Mais aujourd’hui, il ne reste pas grand-chose de cet arsenal essentiellement dissuasif. Et aucun ajustement majeur du dispositif de défense et de sécurité n’a été opéré. Aucune réforme des services n’a été faite. Il n’existe pas de parquet spécialisé, pas de police scientifique (si ce n’est sur le papier), ni d’experts ayant la capacité d’authentifier notamment les vidéos d’Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram.

Sur le terrain, le renseignement humain est complexe, à cause notamment de la barrière des langues locales et de la peur des représailles. L’espionnage électronique balbutie, tout comme la vidéosurveillance, encore embryonnaire. L’état civil n’est pas sécurisé, tandis que l’afflux des réfugiés venus du Nigeria et de Centrafrique accroît le risque d’infiltration. Quant à l’armée, elle ne fait pas autre chose que ratisser villages et quartiers sensibles. Sans renseignements fiables, la force demeure aveugle.

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