Frank Habineza : « Les écologistes africains doivent conquérir le pouvoir »

Grands absents de la COP21, les partis verts africains sont aussi très peu représentés dans les sphères politiques nationales. Quelle est leur véritable influence ? Franck Habineza est président de la Fédération des verts africains.

Frank Habineza est le président du Parti vert démocratique (Rwanda). © Ben Curtis/AP/SIPA

Frank Habineza est le président du Parti vert démocratique (Rwanda). © Ben Curtis/AP/SIPA

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Publié le 3 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Un fermier sud-africain sur ses terres desséchées, le 12 novembre 2015, à Groot Marico © Themba Hadebe/AP/SIPA
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COP21 : qu’attendons-nous pour agir contre le dérèglement climatique ?

Du 30 novembre au 11 décembre, les pays du monde entier se réunissent à Paris pour faire face au dérèglement climatique. Reste à savoir s’ils sauront dépasser le stade des bonnes intentions.

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Jeune Afrique : La COP21 démarre à Paris. L’Afrique y est représentée par plus de 40 chefs d’État. L’écologie est-elle un enjeu sur le continent ?

Frank Habineza : Malheureusement, la cause écologiste est encore incomprise par le plus grand nombre. Par manque d’explications et de sensibilisation des populations. Les écologistes ne font même pas partie des délégations nationales à la COP21 ! Leur position sera néanmoins défendue par la Fédération écologiste mondiale, dont nous [les Verts africains] faisons partie.

Les écologistes ne sont pas contre le « progrès », mais contre le gaspillage

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Certains politiques africains estiment que ce n’est pas au continent de se préoccuper d’environnement et opposent l’écologie au développement industriel. Que leur répondez-vous ?

Que les écologistes ne sont pas contre le « progrès », mais contre le gaspillage. Ils sont pour un modèle alternatif de développement axé sur la durabilité. Nous luttons pour un transfert de techno-logies propres du Nord au Sud afin de ne pas subir un processus qui risquerait de faire de nos pays des dépotoirs de déchets industriels.

Quelle influence les partis écologistes ont-ils sur les gouvernements et les Parlements africains ?

Nous comptons quelques victoires. Au Sénégal, Haïdar El Ali a été nommé ministre de l’Écologie [de 2012 à 2013] par Macky Sall. Au Niger, les écologistes ont obtenu l’adoption d’une loi portant interdiction des emballages en plastique. Surtout, des experts écologistes sont souvent membres des commissions qui élaborent les règlements relatifs à la politique environnementale de leur pays. Nous sommes à la périphérie du pouvoir, mais c’est une première étape.

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La présence écologiste dans les urnes reste donc très faible…

Parce que le vote n’est pas guidé par des convictions idéologiques, mais par le poids financier du chef du parti choisi. Nous avons tout de même des députés et des sénateurs au Tchad, en Égypte ou à Madagascar. Ram Ouédraogo, président du Rassemblement des écologistes du Burkina Faso, se présente pour la quatrième fois à une présidentielle dans son pays. Et depuis une vingtaine d’années, nous comptons beaucoup d’élus locaux, au Burkina Faso, au Mali, au Sénégal, à Madagascar ou en RD Congo notamment.

L’écologie ne doit pas être apolitique

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Pour être plus efficaces, les partis classiques ne devraient-ils pas se saisir de la question écologiste ?

Ce n’est pas souhaitable. Ils dénatureraient la cause et la dilueraient dans leurs programmes pour faire bonne impression et répondre aux exigences des institutions financières internationales. Sans vision à long terme.

Dans ce contexte politique, l’écologie africaine ne risque-telle pas de demeurer une affaire de fondations et d’ONG ?

Non. L’écologie ne doit pas être apolitique. Elle doit se différencier des « environnementalistes ». L’approche écologiste est holistique et cherche à anticiper les causes des conséquences que dénoncent les environnementalistes. Les verts doivent donc se placer au sein des sphères qui prennent les décisions, pour travailler en amont et influer sur les politiques publiques. L’objectif est de conquérir, puis d’exercer le pouvoir.

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