Terrorisme : « le phénomène du siècle »

On a pensé et dit de ce siècle qu’il serait religieux ; je constate qu’il est, depuis sa première année, marqué par le phénomène du terrorisme.

Des habitants de Maidugurisur les lieux d’un attentat suicide contre une mosquée, le 23 octobre 2015 au Nigeria. © AFP

Des habitants de Maidugurisur les lieux d’un attentat suicide contre une mosquée, le 23 octobre 2015 au Nigeria. © AFP

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Publié le 3 décembre 2015 Lecture : 5 minutes.

Réinventé par Al-Qaïda, l’organisation qui l’a incarné et qui était alors toute-puissante, il s’est manifesté avec un sinistre éclat le 11 septembre 2001.

Ce jour-là, Al-Qaïda a osé l’attentat – d’une ampleur inégalée à ce jour – contre les tours jumelles de New York et contre le Pentagone, près de Washington : 3 000 morts en quelques heures.

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Les États-Unis ont alors déclaré la guerre à Al-Qaïda : les principaux dirigeants de l’organisation ont été capturés et son chef a fini par être éliminé. Il ne reste de cette centrale que quelques métastases, une « idéologie » et un système du terrorisme indiscriminé qu’elle a affiné : en majorité civiles, les victimes ont pour seul tort de se trouver au mauvais endroit à un moment choisi par les chefs terroristes, lesquels disposent de troupes qui acceptent de mourir pour tuer.

Al-Qaïda a été supplantée en 2014 par plus vicieux et plus jeune qu’elle : « l’État islamique » une entité composée d’« enfants » de Saddam Hussein, irakiens comme lui, mais le dépassant en cruauté.

Ils ont déplacé des frontières, pris le contrôle des sunnites d’Irak et de Syrie, et entrepris de recréer un État encore plus puissant que celui que Saddam Hussein a longtemps dirigé.

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Leur arme principale est le terrorisme indiscriminé pratiqué par Al-Qaïda, leur champ d’action est quasi international : des pays arabo-musulmans, avec comme cibles prioritaires les populations chiites, des pays africains, l’Europe occidentale, la Russie.

En octobre et novembre 2015, ils ont frappé en Turquie, dans le Sinaï, à Paris, à Bamako, à Tunis, au Nigeria, au Cameroun, au Niger et au Bangladesh.

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Un index global du terrorisme a été établi qui donne pour 2014 un bilan de 32 658 morts, soit une augmentation de 80 % par rapport à 2013. La très grande majorité de ces attaques a eu lieu en Irak, en Afghanistan, au Nigeria, au Pakistan et en Syrie ; 3 % d’entre elles seulement ont visé l’Occident et la Russie.

Mais l’on vient de voir que la vague terroriste a atteint en 2015 la Turquie, la Russie et l’Europe, ainsi que la Tunisie et le Mali.

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Une curieuse résolution du Conseil de sécurité de l’ONU cite nommément « l‘État islamique en Irak et au Levant, également connu sous le nom de Daesh », dont on sait qu’il s’est mis à recruter en Europe au sein de la jeunesse, des « convertis » et des musulmans nationaux ou binationaux.

Une minuscule frange d’entre eux s’est laissée embrigader et lui a permis d’exécuter des actes terroristes spectaculaires à Paris, puis de jeter le trouble à Bruxelles.

En ce XXIe siècle, il suffit de quatre kalachnikovs, qu’on peut aisément se procurer à faible prix, et de quelques kilos d’explosifs entre les mains d’un petit nombre d’hommes et de femmes déterminés, et sachant utiliser les réseaux sociaux, pour semer la terreur et provoquer un vent de panique confinant parfois à l’hystérie.

Il se trouve même des dirigeants politiques de bon niveau pour se dire « en guerre », s’improviser chefs politico-militaires, enfourcher les réflexes de la peur et du patriotisme le plus zélé.

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Comment a évolué le phénomène du terrorisme depuis le début du siècle ?

Il faut d’abord noter que, frappés le 11 septembre 2001, les États-Unis se sont barricadés chez eux, ont mis en place un système d’écoutes mondial et d’autres moyens de défense qui leur ont permis de se prémunir contre le terrorisme organisé, celui d’Al-Qaïda et de ses franchisés comme celui de « l’État islamique » : leur territoire n’a plus été touché, alors qu’eux-mêmes, à l’offensive, s’employaient à capturer ou à tuer, partout dans le monde, les dirigeants jihadistes.

Mais ces derniers ont réussi à frapper plusieurs pays arabes, africains et asiatiques, trois ou quatre pays d’Europe occidentale et la Russie.

Pendant ce temps, matrice du terrorisme, l’islamisme dit « modéré » a pris le pouvoir ou y participe dans nombre de pays arabes ou musulmans.

Notez-le, les États-Unis et l’Europe ont souvent favorisé cette accession au pouvoir ; ils ne l’ont jamais empêchée ou seulement contrecarrée.

Les dirigeants islamistes disent se battre « pour défendre l’islam attaqué » et les plus radicaux d’entre eux croient que « la violence est un moyen nécessaire et approprié pour atteindre leurs objectifs ».

Notez-le également : chaque fois qu’ils ont été en position d’exercer le pouvoir, les islamistes ont lamentablement échoué : à Gaza d’abord, au Yémen, en Somalie, au Soudan, en Égypte et, enfin, en Tunisie.

Les islamistes conduisent généralement les pays qu’ils gouvernent à la régression socio-économique.

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Pour venir à bout de son ennemi, il faut d’abord le connaître, le circonscrire et l’isoler de ceux qu’il voudrait gagner à sa cause. Et, ensuite, choisir les armes les plus efficaces pour le défaire.

Nous n’avons su faire ni l’un ni l’autre.

a) Ce 20 novembre 2015, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté, à l’unanimité, la résolution 2249. Elle donne du terrorisme une définition si générale qu’elle sert les jihadistes en les rangeant parmi les combattants qui luttent contre un système de domination injuste : « Le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations constitue l’une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité internationales, et tous les actes de terrorisme sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations, le moment et les auteurs. »

b) En 2001, George W. Bush a déclaré la guerre au terrorisme. Lui et son successeur ont réduit Al-Qaïda. Mais son « idéologie », elle, s’épanouit, transmise à plus efficace qu’elle.

La guerre ne vient pas à bout du terrorisme. « L’État islamique » sera détruit en 2016 par une coalition militaire ! Mais c’est son « idéologie » qu’il faudra faire régresser, ainsi que l’attrait qu’elle exerce sur une partie de la jeunesse du monde et sur ceux qui n’ont pas trouvé leur place dans le « système ».

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Le très bon connaisseur qu’est Olivier Roy attire l’attention sur l’évolution la moins bien connue du terrorisme et dédie son analyse aux dirigeants français qui n’ont pas encore compris que le mal était déjà parmi eux : « Ce n’est pas une « révolte de l’islam » ou celle des « musulmans », mais un problème précis concernant deux catégories de jeunes, originaires de l’immigration en majorité, mais aussi Français « de souche ». Il ne s’agit pas de la radicalisation de l’islam mais de l’islamisation de la radicalité.

« Les convertis ? Ils choisissent l’islam parce qu’il n’y a que ça sur le marché de la révolte radicale. »

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