Attentat de Tunis : béances sécuritaires en Tunisie ?

Après le Bardo en mars et El-Kantaoui (Sousse) en juin, l’attentat de l’avenue Mohammed-V, à Tunis, pose la question de l’efficacité de la lutte antiterroriste.

Un policier tunisien, le 20 mars 2015 à Tunis. © Christophe Ena/AP/SIPA

Un policier tunisien, le 20 mars 2015 à Tunis. © Christophe Ena/AP/SIPA

Publié le 4 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.

À en croire le ministère de l’Intérieur, de nombreuses attaques auraient été déjouées et, selon l’avocat Badis Koubaji, près de 2 000 personnes seraient sous les verrous. Ce qui n’a pas empêché le terrorisme de tirer profit des failles du système de sécurité.

Malgré une alerte attentat sur Tunis, le point de rendez-vous des agents de la garde présidentielle, cible de l’attaque du 24 novembre, était toujours situé au même endroit, au vu et au su de tous. Absence de vigilance, manque d’anticipation ? Le gouvernement avait pourtant pris un ensemble de mesures destinées à renforcer la surveillance des lieux sensibles et à mieux équiper les brigades d’intervention. Le 25 juillet, il avait obtenu de l’Assemblée des représentants du peuple l’adoption d’une loi antiterroriste en discussion depuis 2013. Las, cet arsenal juridique n’a pas toujours été mis en œuvre : à preuve, le Conseil supérieur de la sécurité nationale annonce aujourd’hui l’activation de la loi antiterroriste promulguée il y a quatre mois, ainsi que celle d’une stratégie nationale de lutte planifiée depuis juillet.

Une réelle surveillance des zones touristiques s’est révélée impossible faute d’effectifs

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« Ceux qui ont montré leur incompétence ne peuvent mettre en œuvre une stratégie », assène Anis Mogaadi, du syndicat de la garde présidentielle. Certes, par trois fois depuis l’attaque du musée du Bardo le gouvernement déclare être en guerre contre le terrorisme et décrète l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu. Mais ces décisions relèvent davantage d’un effet d’annonce. Une réelle surveillance des zones touristiques s’est révélée impossible faute d’effectifs. En pleine crise du secteur, les hôteliers ont assuré, sans aide financière, celle de leurs établissements. Des contrôles souvent restés formels, de crainte de heurter la sensibilité des clients.

Les centres commerciaux, eux, sont sous-équipés en portiques de détection. Autres carences : les lenteurs de la justice à traiter les dossiers de terrorisme et l’absence de formation de la population à ce nouveau péril. « Fermer les frontières avec la Libye pendant quinze jours ne changera rien, les hommes, les armes et l’argent sont entrés en Tunisie depuis longtemps. Le scanner du poste frontalier de Ras el-Jdir est resté en panne pendant un an », note Alaya Allani, spécialiste des mouvements jihadistes.

Un remaniement ministériel est dans l’air  et une réorganisation du ministère de l’Intérieur en cours

Dans les faits, les résultats obtenus ces derniers mois sont dus à une meilleure coordination entre les services de renseignements de la police et de la garde nationale et à une cybersurveillance plus active. Mais cela n’a pas suffi à en finir avec le terrorisme, l’attentat du 24 novembre pointe d’autres défaillances dont les intérims, comme celui qu’assure le ministre de la Défense à la Justice. Un remaniement ministériel est dans l’air  et une réorganisation du ministère de l’Intérieur en cours. Le Secrétariat d’État aux Affaires sécuritaires a d’ailleurs été supprimé et  5 directeurs de départements clés de l’Intérieur ont été remplacés au pied levé le 2 décembre, tandis que 6 000 recrutements sont annoncés pour 2016 dans la police et dans l’armée afin de pallier le manque criant d’effectifs. Reste à assurer leur formation.

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