Tunisie : avec Abderrahmane Belhaj Ali à la Sûreté, le retour de la vieille garde
Après l’attentat du 24 novembre à Tunis, ce diplomate, ancien chef de la sécurité présidentielle sous Ben Ali, a été tiré de sa retraite pour prendre la direction de la Sûreté nationale.
Depuis le 3 mars, date à laquelle Najem Gharsalli, le ministre tunisien de l’Intérieur, avait limogé plusieurs de ses cadres dans un contexte sécuritaire extrêmement fébrile, le poste de directeur de la Sûreté nationale était occupé à titre intérimaire par Rafik Chelly, secrétaire d’État aux Affaires sécuritaires. Trois attentats (musée du Bardo, le 18 mars, plage d’El Kantaoui, le 26 juin, et avenue Mohammed-V, à Tunis, le 24 novembre) et 75 morts plus tard, Habib Essid, le chef du gouvernement, a revu sa copie : il vient d’écarter Chelly pour le remplacer par Abderrahmane Belhaj Ali.
Cet homme originaire de Bennane, un village proche de Monastir, a fait son entrée au ministère de l’Intérieur au milieu des années 1970… avec une maîtrise en langue et littérature arabes en poche. Il découvre alors les arcanes d’une institution connue pour son opacité, s’initie aux questions sécuritaires, profite de nombreuses formations et grimpe rapidement les échelons, pour occuper des fonctions de premier plan au sein du ministère, dont la direction des Frontières et des Étrangers.
Sous Ben Ali, directeur de la sécurité présidentielle, puis ambassadeur
Ce parcours sans faute, que certains de ses collègues lui envient, attire l’attention de Zine el-Abidine Ben Ali, ancien directeur de la Sûreté devenu ministre de l’Intérieur, qui ne le perd plus de vue et s’assure sa loyauté. À sa prise de pouvoir, le 7 novembre 1987, Ben Ali fait de Belhaj Ali son directeur de la sécurité présidentielle. Ironie de l’histoire : déjà, à l’époque, il succède à Rafik Chelly, resté fidèle à Habib Bourguiba. Belhaj Ali officie à ce poste jusqu’en 2001, quand Leïla Ben Ali commence à éloigner le premier cercle formé depuis 1987 autour de son époux. Ce sera le général Ali Seriati qui reprendra la charge.
Belhaj Ali devient alors conseiller principal au sein du cabinet présidentiel, avant d’être nommé quelques mois plus tard ambassadeur de Tunisie en Mauritanie. Une disgrâce ? Une nouvelle expérience, plutôt. À Nouakchott, cet homme féru de lecture, qui étonne ses interlocuteurs par la richesse de son verbe et son débit rapide, se découvre des talents de diplomate, donne une impulsion notable à la coopération tuniso-mauritanienne et tisse, neuf années durant, des liens avec la classe politique et les populations locales. Au point qu’à son retour de Malte – où il est nommé ambassadeur en 2010 -, il signera un ouvrage en arabe intitulé Tunisie-Mauritanie : une amitié pérenne.
C’est un homme droit dont l’esprit républicain est indéniable, assure l’ancien ambassadeur Mohamed Sahbi Basly
Depuis 2011, de retour en Tunisie, Belhaj Ali profitait d’une retraite tranquille. « C’est un homme droit dont l’esprit républicain est indéniable », assure l’ancien ambassadeur Mohamed Sahbi Basly. Comme lui, beaucoup louent les compétences de celui qui, à 63 ans, reprend du service au sein d’un ministère affaibli, entre autres, par la mise au ban de nombreux hauts cadres lors du bref passage de Farhat Rajhi à sa tête (janvier-mars 2011, dans le deuxième gouvernement Ghannouchi). Il fera équipe avec certains d’entre eux, dont le tribunal administratif aura reconnu le licenciement abusif.
Outre Belhaj Ali, d’autres nominations ont eu lieu au sein du ministère : Sami Abdessamad devient inspecteur général de la Sûreté nationale, Néjib Dhaoui directeur général des Services techniques, Imed Achour prend la tête des Services spéciaux et Omar Massoud est désormais chargé de la Sûreté publique. Failles du renseignement, menaces terroristes, cyberactivistes… À charge pour eux de faire face à ces nombreux défis pour remettre l’institution sur les rails.
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