Immigrés sénégalais : loin des yeux, près du « keur* »

Depuis dix ans, un programme de coopération franco-sénégalais aide les émigrés à financer des projets de développement dans leur région d’origine. Exemple à Bakel, au Sénégal oriental.

Boubou Sakho, président de l’Association des ressortissants de Bakel en France (ici à Dakar). © GUILLAUME BASSINET POUR J.A.

Boubou Sakho, président de l’Association des ressortissants de Bakel en France (ici à Dakar). © GUILLAUME BASSINET POUR J.A.

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Publié le 18 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

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Sénégal : à contre-courant

Alors que nombre de chefs d’États s’escriment à se maintenir au pouvoir, son président propose d’écourter son mandat. Le Sénégal est décidément un pays à part. Plongée dans une nation ouest-africaine qui mise sur le dynamisme de sa démocratie pour construire l’avenir.

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Le 12 novembre, tandis que s’achevait, à Malte, le sommet de La Valette sur la migration entre les pays africains et l’Union européenne, l’ambassadeur de France au Sénégal, Jean Félix-Paganon, entamait à Bakel, un chef-lieu du Sénégal oriental proche des frontières malienne et mauritanienne, une tournée de cinq jours célébrant la contribution des émigrés au développement de leur région d’origine. Piloté par la direction de la Coopération technique sénégalaise et financé par le ministère français des Affaires étrangères, le Programme d’appui aux initiatives de solidarité pour le développement (PAISD), qui vient de fêter son dixième anniversaire, a impliqué, depuis sa création, 25 000 ressortissants sénégalais établis en France.

« Les émigrés sénégalais entretiennent une relation étroite avec leur commune d’origine », confirme Jean Félix-Paganon, qui vient de sillonner la vallée du fleuve Sénégal, de Bakel à Saint-Louis, pour visiter les projets phares de ce programme qui a offert un cadre structuré aux initiatives, jusque-là informelles, de la diaspora. Système d’adduction d’eau potable à Diawara, postes de santé à Wendou-Bosséabé et à Golléré, écoles, collèges ou lycées à Ourossogui, à Ngano, à Thialy ou à Sinthiou Bamambé… « Il s’agit de projets modestes, destinés à apporter des services de base aux populations locales, précise le diplomate français. Ils sont financés aux deux tiers par le PAISD, le tiers restant relevant d’une contribution des associations de la diaspora. »

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À Bakel, le PAISD a accouché d’un centre de formation professionnelle aux métiers du BTP (maçonnerie, froid et climatisation, menuiserie métallique, électricité, etc.). Inauguré en 2010, il compte aujourd’hui 112 étudiants, répartis sur trois promotions. Boubou Sakho, né à Bakel il y a soixante-trois ans, est venu tout exprès pour accompagner l’ambassadeur de France dans sa tournée. Président de l’Association des ressortissants de Bakel en France, il a pu mesurer le chemin parcouru.

Pendant près de quarante ans, la diaspora de Bakel en France s’est organisée de manière informelle avant de se constituer, en 2000, en association loi de 1901. À l’origine, les cotisations de ses membres servaient à financer le rapatriement au pays des Bakelois décédés en France. « Peu à peu, nous nous sommes impliqués dans les questions alimentaires, le soutien aux périmètres irrigués ou aux lieux de culte, la fourniture de livres pour les écoles ou celle de médicaments », explique Boubou Sakho.

Avec l’aide de différents partenaires, l’association a réuni plus de 45 millions de F CFA (environ 69 000 euros), soit 30 % du budget global

En 2005, la création du PAISD offre à l’association l’occasion d’élaborer ses propres projets et de ne plus seulement répondre aux besoins de première nécessité exprimés par les populations. La mairie leur attribue un terrain de 2 hectares, sur lequel ils décident d’implanter le centre de formation. « La région de Bakel a connu un boom immobilier, mais les ouvriers venaient de Dakar ou de Kaolack », se souvient Boubou Sakho.

Avec l’aide de différents partenaires, dont Architectes sans frontières et la Mairie de Paris, l’association a réuni plus de 45 millions de F CFA (environ 69 000 euros), soit 30 % du budget global. Pour assurer des débouchés sur place aux jeunes diplômés, elle s’apprête aujourd’hui à construire un complexe hôtelier tout confort, dans une ville encore dépourvue de toute capacité en la matière. « Il ne suffit pas de conseiller aux jeunes Sénégalais de ne pas opter pour l’émigration clandestine, il faut d’abord leur démontrer qu’une autre voie est possible, résume Boubou Sakho. Aujourd’hui, même s’ils quittent Bakel pour Dakar ou pour l’étranger, ces jeunes ne resteront pas les bras ballants, ils auront un métier. »

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* « Maison », en wolof.

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