Sénégal : les détracteurs de Macky Sall unis dans l’adversité… seulement dans l’adversité
Accusant le chef de l’État de tous leurs maux, ses détracteurs semblent oublier les petits et gros problèmes qui, dans leurs rangs mêmes, les affaiblissent.
Sénégal : à contre-courant
Alors que nombre de chefs d’États s’escriment à se maintenir au pouvoir, son président propose d’écourter son mandat. Le Sénégal est décidément un pays à part. Plongée dans une nation ouest-africaine qui mise sur le dynamisme de sa démocratie pour construire l’avenir.
«Mon rôle, c’est de tout faire pour réduire l’opposition à sa plus simple expression, mais dans les règles d’éthique et de comportement politique. » En s’adressant à la presse sénégalaise, en avril, Macky Sall n’avait pas fait mystère de la recette qu’il comptait concocter pour prolonger son mandat présidentiel. Un discours que l’opposition sénégalaise n’a pas oublié. Du Parti démocratique sénégalais (PDS, d’Abdoulaye Wade) à Rewmi (Idrissa Seck), en passant par l’AJ/PADS (Mamadou Diop Decroix) ou l’Union centriste du Sénégal (UCS, d’Abdoulaye Baldé), les détracteurs de Macky Sall en sont convaincus : leur principal adversaire cherche à les dissoudre dans l’acide politique.
Refus – par l’indéfectible allié du chef de l’État, Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale – d’homologuer le groupe parlementaire unitaire de l’opposition présenté par la direction du PDS, lui préférant celui du réformateur Modou Diagne Fada – récemment exclu du parti d’Abdoulaye Wade. Débauchage régulier d’opposants, le dernier en date étant Djibo Leyti Kâ. Allégations récurrentes reprochant au camp présidentiel de chercher à fausser les prochaines échéances électorales en tripatouillant à son profit les commissions chargées de renouveler les millions de cartes d’identité qui arriveront à expiration en 2016… L’opposition accuse Macky Sall de tous les maux. Mais, en s’attachant presque exclusivement à diaboliser le chef de l’État, n’entrave-t-elle pas quelque peu sa propre capacité d’introspection ?
Les anti-Macky ont pour mentor Abdoulaye Wade, un nonagénaire deux fois président et qui réside une bonne partie de l’année à Versailles
Certes, le Cadre de concertation des leaders de l’opposition (C2O) est parvenu à susciter un rassemblement transpartisan qui, à défaut de compenser une position ultraminoritaire à l’Assemblée nationale, augure de possibles alliances électorales en vue des législatives – et, le cas échéant, de la présidentielle – qui se tiendront en 2017. Mais la volonté du clan Wade de faire mordre la poussière à Modou Diagne Fada, jeune réformateur qui milite pour un renouvellement des instances du PDS, s’est traduite par un mélodrame parlementaire (deux listes distinctes déposées pour un même groupe). Lequel a abouti à l’invalidation de la liste officielle du parti et de ses nouveaux alliés.
Second problème de taille, qui ne doit rien à Macky Sall, celui du leadership. Idrissa Seck ayant disparu des radars depuis dix-huit mois et son parti ayant longtemps fait cavalier seul, il est difficile de ne pas le constater : les anti-Macky ont pour mentor Abdoulaye Wade, un nonagénaire deux fois président et qui réside une bonne partie de l’année à Versailles, en région parisienne. Le fils de ce dernier, Karim, candidat officiel du PDS à la présidentielle, ne sortira de prison qu’en 2019. Derrière ce tandem familial, il existe bien quelques ténors susceptibles de contribuer à placer Macky Sall en ballottage. Mais au vu de la dernière présidentielle, où seulement cinq candidats (dont deux sont aujourd’hui aux côtés de Macky Sall) ont dépassé les 7 %, laissant des miettes à leurs rivaux, l’opposition, aussi bruyante et déterminée soit-elle, aura fort à faire pour détrôner le président sortant.
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