Sénégal : Sall (Macky) contre Sall (Khalifa)

Les passes d’armes se multiplient entre la présidence et le maire de Dakar. Beaucoup y voient les prémices de la joute qui pourrait les opposer au cours de la prochaine présidentielle.

Macky Sall et Khalifa Sall © Youri Lenquette/Sylvain Cherkaoui/J.A.

Macky Sall et Khalifa Sall © Youri Lenquette/Sylvain Cherkaoui/J.A.

MEHDI-BA_2024

Publié le 15 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Issu du dossier

Sénégal : à contre-courant

Alors que nombre de chefs d’États s’escriment à se maintenir au pouvoir, son président propose d’écourter son mandat. Le Sénégal est décidément un pays à part. Plongée dans une nation ouest-africaine qui mise sur le dynamisme de sa démocratie pour construire l’avenir.

Sommaire

Officiellement, leurs partis, l’Alliance pour la République (APR) et le Parti socialiste (PS), sont alliés. Mais en coulisses, entre le chef de l’État, Macky Sall, et le maire de Dakar, Khalifa Sall, l’ambiance est de plus en plus fraîche. En octobre, le ministre de la Gouvernance locale, Abdoulaye Diouf Sarr, retirait à l’Entente Cadak-Car (organisme intercommunal rassemblant les communautés d’agglomération de Dakar et de Rufisque) la gestion des déchets solides urbains dans la région de Dakar pour la confier à une structure placée sous la tutelle du gouvernement. Selon le ministre, la capitale se trouvait « plongée depuis plusieurs semaines dans une situation d’insalubrité indescriptible ».

Invoquant divers « dysfonctionnements dans le dispositif de collecte des déchets », ainsi que des « conflits répétés » entre les « concessionnaires » chargés du ramassage et l’Entente Cadak-Car, l’État a donc retiré à cette dernière le marché pour lequel il lui versait annuellement 10 milliards de F CFA (plus de 15,24 millions d’euros). La mairie de Dakar a porté le litige devant la Cour suprême. « Nous perdons là une prérogative naturelle pour une collectivité locale, laquelle nous était dévolue par la loi », déplore un proche du maire.

la suite après cette publicité

Une véritable « guerre froide »

Depuis plusieurs mois, l’entourage de Khalifa Sall en est convaincu : la mouvance présidentielle s’active pour lui tirer dans les pattes. En 2014, l’adoption – sans concertation, accuse-t-on à l’hôtel de ville – de l’Acte III de la décentralisation avait marqué le début de la guerre froide. En érigeant les communes d’arrondissement en communes de plein exercice, le texte aboutissait en effet à retirer à la mairie de la capitale de nombreuses prérogatives.

Un an plus tard, le ministre des Finances s’est opposé, à la dernière minute, au lancement par la mairie d’un ambitieux emprunt obligataire (30,5 millions d’euros) qui bénéficiait pourtant de la garantie de l’Usaid et de la Fondation Bill & Melinda Gates. « Le niveau d’endettement de la ville était trop important, c’est pourquoi le gouvernement a posé son veto », justifie un ministre. Mais, pour les collaborateurs de Khalifa Sall, qui rappellent que les autorités avaient rendu successivement deux avis de non-objection avant de se raviser in extremis, ce blocage – qui a donné lieu à la saisine de la Cour suprême – serait avant tout politique.

« Historiquement, le maire de la capitale a toujours été un homme puissant, à qui l’on prête des ambitions présidentielles », analyse un conseiller de Khalifa Sall. En l’occurrence, si l’élu socialiste entretient toujours le flou sur une éventuelle candidature en 2019 (ou en 2017, si l’issue du référendum prévu l’an prochain penche en faveur d’un passage au quinquennat), l’entourage de Macky Sall anticipe manifestement ce scénario.

Khalifa Sall « est un opposant, puisqu’il a présenté sa propre liste face à nous lors des élections locales », estime une source gouvernementale

la suite après cette publicité

Depuis 2012, le parti de Khalifa Sall est un pilier de la majorité présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY, « unis pour le même espoir », en wolof). Son leader, Ousmane Tanor Dieng, n’a d’ailleurs pas encore soumis à l’arbitrage des instances du PS la perspective d’une candidature autonome, qu’il semble réticent à cautionner. Mais, pour le camp présidentiel, Khalifa Sall « est un opposant, puisqu’il a présenté sa propre liste face à nous lors des élections locales », estime une source gouvernementale.

En remportant pour la seconde fois la mairie de Dakar, en juin 2014, face à la candidate de BBY (l’ex-Première ministre Aminata Touré), Khalifa Sall a effectivement signé son non-alignement. D’autant que sa victoire, aux allures de plébiscite, a donné à la mouvance présidentielle une idée de sa popularité dans la capitale.

la suite après cette publicité

« Il est probable que le PS lâchera Khalifa pour se ranger derrière Macky », anticipe un proche collaborateur du maire de Dakar. Discret et consensuel, Khalifa Sall ravalera-t-il ses ambitions dans une telle hypothèse ? « Il est capable de défier le PS », assure ce même interlocuteur.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image