Assurances : Sanlam-Saham, un deal et des questions

Le géant sud-africain va prendre une participation minoritaire dans le capital du marocain Saham Finances. L’opération lui permettra de s’implanter dans toute l’Afrique, mais à quel prix !

Saham Finances était implanté dans 26 pays avant la fusion. © DR

Saham Finances était implanté dans 26 pays avant la fusion. © DR

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© Vincent Fournier pour JA fahhd iraqi

Publié le 14 décembre 2015 Lecture : 4 minutes.

«L’Afrique du Sud est toujours un marché émergent, mais on se doit d’être présent dans les pays à forte croissance. On garde un œil sur l’Afrique de l’Ouest, notamment… » C’est en substance ce que nous indiquait, en début d’année, Thabied Majal, directeur du développement de Sanlam. Près de dix mois plus tard, le groupe sud-africain coté à Johannesburg et à Windhoek, leader continental des assurances, est sur le point d’atteindre son objectif.

En trouvant avec le marocain Saham Group un accord pour reprendre 30 % de Saham Finances, Sanlam s’ouvre non seulement les portes des marchés ouest-africains, mais aussi celles du centre et du nord du continent – et même du Moyen-Orient -, des régions où la filiale du holding fondé en 1995 par Moulay Hafid Elalamy (l’actuel ministre marocain de l’Industrie) est très présente. Déjà solidement implanté dans une dizaine de pays d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est, Sanlam (qui est aussi présent hors du continent, notamment en Inde) élargit ainsi son empreinte à une trentaine d’États.

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La direction du groupe sud-africain, qui s’est fixé pour objectif de doubler la part des revenus provenant du reste du continent (actuellement 10 %) d’ici à 2020, se réjouit évidemment de la perspective de cette entrée au capital de l’assureur marocain. Mais depuis son annonce, le 24 novembre, l’opération, qui consiste en la reprise d’une partie du capital jusqu’ici détenu par le capital-investisseur Abraaj et la Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale), suscite deux interrogations majeures.

N’est-ce pas trop cher ?

Le géant sud-africain, qui a réalisé un résultat net de 843,3 millions de dollars en 2014 (693,7 millions d’euros), devrait payer pour cette participation minoritaire 375 millions de dollars. Un montant qui doit être apporté par ses filiales Sanlam Emerging Markets (SEM) et Santam (assureur de court terme) et que certains spécialistes du secteur jugent très élevé. En 2012, Abraaj et l’IFC avaient payé, au total, 250 millions de dollars pour 37,5 % (18,75 % chacun) des parts de Saham Finances. « L’arrivée de Sanlam au capital de l’assureur marocain a été menée sur la base d’une valorisation de Saham Finances à près de 1,2 milliard de dollars. Pourtant, lors d’un récent placement de dette privée, cette filiale était valorisée à seulement 700 millions de dollars », croit savoir une source bancaire, bonne connaisseuse du groupe marocain.

Il ne faut pas oublier que Saham Finances est le leader africain de l’assurance, si l’on ne prend pas en compte l’Afrique du Sud, affirme un analyste

« Le prix semble cher, en effet », confirme un autre analyste, qui ajoute néanmoins qu’aujourd’hui « les actifs africains dans ce secteur se vendent généralement à des prix élevés ». Et de citer l’exemple, entre autres, de l’acquisition de 20,9 % du capital de l’ivoirien NSIA par la Banque nationale du Canada pour plus de 100 millions d’euros. Par ailleurs, poursuit-il, « il ne faut pas oublier que Saham Finances est le leader africain de l’assurance [avec un total des primes de 1 milliard de dollars en 2014] si l’on ne prend pas en compte l’Afrique du Sud ».

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Pour Cyrille Nkontchou, directeur associé d’Enko Capital, un fonds d’investissement basé à Johannesburg, cette opération, qui vient confirmer l’appétit des groupes sud-africains pour le reste du continent, est d’autant plus belle pour Sanlam qu’elle lui permet d’accéder à des marchés à fort potentiel de croissance. D’après la presse sud-africaine, grâce à cette acquisition, qui ne sera pas bouclée avant le premier trimestre de 2016, Sanlam table d’ores et déjà sur des bénéfices supplémentaires de 200 millions de rands en 2016 (environ 13 millions d’euros) et de plus de 250 millions de rands l’année suivante.

Pourquoi seulement 30 % ?

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C’est l’autre question que soulève cette opération. Sanlam n’a pas racheté l’intégralité des parts d’Abraaj et de l’IFC, soit 37,5 % du capital, ce qui lui aurait permis de disposer d’une minorité de blocage. Chez Saham Group, qui a repris auprès des vendeurs les 7,5 % résiduels (à un montant qui n’a pas été communiqué) et conforté ainsi sa majorité dans Saham Finances avec 70 % du capital, la direction n’était pas disponible pour répondre à nos questions. Mais au siège de Sanlam, au Cap, on assure être heureux d’acquérir « seulement » le tiers de l’assureur marocain. « Nous avons été impressionnés par la qualité de la gestion de ce groupe. Si nous devions en prendre la majorité, je serais préoccupé par notre capacité à faire aussi bien », expliquait, au lendemain de l’annonce de l’opération, Heinie Werth, le directeur général de SEM.

« Nous souhaitons que Saham Group continue d’assurer la direction des activités de sa filiale. Mais nous allons coopérer dans certains domaines où nous voyons des opportunités », ajoutait Ian Kirk, directeur général de Sanlam, précisant que ses filiales SEM et Santam seraient représentées au conseil d’administration de Saham Finances. Le nouveau patron (il a été nommé en juin) entend jouer la carte de la complémentarité, aussi bien en matière d’implantations que de métiers. « Les Sud-Africains ont un véritable savoir-faire dans l’offre et la commercialisation de produits d’assurance-vie, tandis que Saham est fort dans tout l’IARD [incendie, accidents et risques divers] », confirme Cyrille Nkontchou. Cette complémentarité pourrait d’ailleurs faciliter la cohabitation des deux nouveaux partenaires dans les quatre pays (Ghana, Nigeria, Kenya, Rwanda) où ils se retrouvent… en concurrence.

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