Portrait : Christophe Zyde, de l’énergie à revendre
Le patron Afrique de Puma Energy veut rattraper ses concurrents. Il mise sur de nouvelles acquisitions et sur le renforcement de ses capacités de stockage.
Pas facile d’attraper Christophe Zyde. Ce Belge dynamique de 46 ans est constamment en voyage pour animer les équipes de Puma Energy, actif dans la distribution de carburants dans dix-huit pays africains. Même si le siège régional de la société est situé à Johannesburg, c’est seulement le temps d’une escale à l’aéroport de la ville qu’il est possible de le rencontrer en ce mois de novembre. De retour du Mozambique, où il vient d’inaugurer deux terminaux de fioul et de bitume, et en partance pour Genève, où il doit rencontrer l’état-major de son groupe, ce nomade flamand à l’aise en français se présente avant tout comme un ingénieur. Et non comme le trader qu’il fut brièvement, notamment pour Trafigura, géant suisse des matières premières et maison mère de Puma Energy.
Ancien officier ingénieur issu de l’École royale militaire de Belgique puis enseignant en chimie pour l’armée, il n’est resté dans les rangs de la grande muette que de 1992 à 1997. Après avoir complété sa formation par un master en management industriel en 1996 à l’université de Louvain, il a rejoint en 1997 Umicore, l’héritier de l’Union minière belge, comme directeur de production de son usine de traitement du zinc à Olen, près d’Anvers. Zyde s’est passionné pour les questions logistiques. Leader mondial du recyclage de métaux précieux, le groupe belge lui a fait découvrir l’Afrique en 2002, en le nommant à la tête de sa filiale sud-africaine.
Recruté par Trafigura en 2010, il a été chargé du négoce du cobalt, puis de l’ensemble des métaux en Afrique (cobalt ainsi que cuivre et fer essentiellement). Quand la direction générale de Trafigura, à la recherche d’un profil industriel, lui a proposé de diriger les activités Afrique de Puma Energy, en 2011, il n’a pas hésité longtemps. « J’avais un tropisme africain, j’étais intéressé par la logistique et les infrastructures. J’aime animer des équipes et relever des défis, affirme-t-il. J’ai accepté très vite de piloter les opérations de Puma Energy. »
Son entrée dans la cour des Grands
Implantée en 2002 sur le continent, cette marque argentine rachetée par Trafigura en 1997 n’a connu son envol qu’après l’arrivée du Belge aux manettes. Le rachat, en septembre 2011, de cinq filiales du géant britannique BP en Afrique australe (en Namibie, au Botswana, en Zambie, au Malawi et en Tanzanie), pour 360 millions de dollars (environ 265 millions d’euros), a fait entrer Puma Energy dans la cour des grands. « Après cette acquisition, j’ai été happé par le développement de la filiale, qui a connu la plus forte croissance du marché. Et j’ai dû abandonner la responsabilité du négoce de métaux pour Trafigura en 2012 », raconte le Flamand, qui cumulait les deux fonctions jusque-là.
Entre 2011 et 2014, Puma Energy a multiplié par trois ses volumes en Afrique, dépassant les 4,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2014. Il y compte désormais 650 stations-service. Christophe Zyde reconnaît que c’est loin encore du leader, Total, qui détient 18 % du marché et 4 200 stations-service sur le continent. « C’est le seul distributeur véritablement panafricain, qui bénéficie d’une longue histoire en Afrique, alors que nous n’y sommes présents que depuis une douzaine d’années », analyse-t-il.
Le dirigeant belge de Puma Energy, qui est bien implanté en Afrique australe, espère damer progressivement le pion à des concurrents plus à sa portée comme Vivo Energy (filiale du négociant Vitol, d’Helios et de Shell), très présent en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est, ou Engen, actif en Afrique du Sud.
Pour Christophe Zyde, la logistique est le « nerf de la guerre » de la distribution de carburant
Le lien de Puma Energy avec Trafigura est essentiel. Les deux sociétés partagent le même siège régional à Johannesburg, et le même siège international à Genève. « Nous fonctionnons de manière beaucoup plus intégrée que les autres groupes », indique Zyde. Il dialogue régulièrement avec son voisin de bureau Jean-Pierre Valentini, le patron Afrique de Trafigura, qui dirige l’équipe des traders à Johannesburg. « Puma Energy est un client privilégié pour Trafigura, il représente autour de 30 % de ses ventes en Afrique. Et pour nous [Puma Energy], Trafigura est un super fournisseur, qui nous permet d’être compétitifs, en particulier sur le plan logistique », affirme Zyde. Rien à voir avec le fonctionnement indépendant de la branche de distribution de Total, qui achète ses cargaisons de produits sur les marchés au meilleur prix, et pas uniquement auprès de la branche raffinage du groupe.
Christophe Zyde en est persuadé, la logistique est le « nerf de la guerre » de la distribution de carburant, et il en a fait la priorité numéro un de son entreprise pour assurer son développement. « C’est l’élément crucial pour bien distribuer. Nous avons investi dès le départ dans les infrastructures de stockage et de distribution, portuaires ou intérieures, qui manquent cruellement sur le continent. Elles nous permettent ensuite d’étendre des réseaux de stations-service ou de dépôts, indique l’ingénieur. « Rien qu’en 2015, nous aurons augmenté notre capacité de stockage de 250 millions de litres ! »
Se mettre à niveau du client africain
Le dirigeant reste à l’affût de toute opportunité en la matière, notamment en Angola, pays majeur pour son groupe, où il termine la construction d’un mégadépôt de carburant de 160 millions de litres à Luanda. « Au Bénin, certains clients se plaignaient de la mauvaise qualité des carburants pour avion à Cotonou, nous avons donc installé un petit dépôt à l’aéroport. Puis nous sommes passés au stockage d’essence, et demain nous nous intéresserons aux stations-service », raconte-t-il à titre d’exemple de réussite dans un pays. Et de confier malicieusement que son concurrent Vivo Energy recourt aux infrastructures de stockage de Puma Energy en Namibie… faute d’avoir créé les siennes.
Davantage ingénieur qu’homme de marketing, Zyde reconnaît qu’il devra rattraper le retard pris sur ses grands concurrents en la matière. « Disposer dans nos stations d’un magasin et de services non liés aux carburants – comme le paiement par mobile – est maintenant important. Le client africain est devenu sophistiqué. Nous sommes en train de nous mettre à niveau », indique-t-il.
L’avenir, le dynamique patron de Puma Energy le voit en Afrique australe, où il veut conforter sa position de leader avec une part de marché de 25 % à 30 % (hors Afrique du Sud). Mais il vise aussi l’ouest et l’est du continent. Ses prochaines offensives pourraient se dérouler en Tanzanie et au Ghana, dont il convoite les marchés.
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