Maroc-Chine : les banques en première ligne
ICBC ou China Exim Bank d’un côté, Banque populaire ou Attijariwafa Bank de l’autre… Les établissements multiplient les initiatives pour financer les investissements et accompagner les entreprises.
Maroc – Chine : une nouvelle histoire
Depuis bientôt deux ans, Rabat multiplie les initiatives pour doper ses relations d’affaires avec Pékin. Ses arguments ont-ils fait mouche ? Ils semblent en tout cas avoir éveillé l’intérêt des investisseurs chinois.
C ‘est à Rabat, en mai, que China Exim Bank a ouvert son deuxième bureau sur le continent pour servir 26 pays d’Afrique du Nord, d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest et, en particulier, les entreprises chinoises qui y sont présentes. « Le Maroc a depuis toujours été considéré par notre établissement comme l’un des principaux pays d’Afrique en développement, sur lequel nous devions faire porter nos efforts, soulignent les responsables de China Exim Bank. Au cours des dix dernières années, nous n’avons cessé d’apporter notre soutien financier au Maroc dans le cadre de projets de développement économique et pour la construction d’infrastructures. »
Cimenterie
Le 4 décembre, lors du China-Africa Investment and Financing Forum, qui s’est tenu en marge du Forum on China-Africa Cooperation (Focac) de Johannesburg, en Afrique du Sud, le groupe Anouar Invest a signé une convention de financement pour un montant de 171 millions de dollars (environ 160 millions d’euros) avec Industrial and Commercial Bank of China (ICBC), qui détient une importante participation dans la banque sud-africaine Standard Bank.
ICBC, qui réalise là sa première opération de financement au Maroc, va ainsi apporter une partie des fonds pour la construction d’une cimenterie dont le coût total est estimé à 3 milliards de dirhams (plus de 270 millions d’euros). Établie dans la province de Settat, l’unité de production, confiée clés en main au groupe Sinoma-CDI par Atlantic Ciment (filiale d’Anouar Invest), aura une capacité de production de 2,2 millions de tonnes par an.
Les établissements marocains ne sont pas en reste, chacune des grandes banques ayant des conventions avec l’une de ses homologues chinoises : China Development Bank Corporation pour BMCE, ICBC pour Banque populaire, et Bank of China, China Development Bank et China Exim Bank pour Attijariwafa Bank.
BMCE, qui s’appelle désormais BMCE Bank of Africa (BBOA), a été la première à s’installer en Asie. Elle a inauguré son bureau de Pékin en 2000 et projette d’ouvrir une filiale à Shanghai en 2016, à la fois pour promouvoir les services de la banque en Afrique et faire connaître davantage l’économie marocaine aux investisseurs chinois. BBOA a signé un accord avec China Development Bank Corporation, qui, en plus d’une ligne de financement de près de 1,7 milliard de dirhams pour les PME-PMI marocaines, a débloqué une enveloppe de près de 30 millions de dirhams en 2014.
Yuan
Quant au groupe Banque populaire, si l’ouverture d’un bureau en Chine n’est pas à l’ordre du jour, il accompagne Huawei aussi bien au Maroc que sur le continent à travers ses filiales africaines, sous la forme d’une ligne de financement de 200 millions de dollars. Il est également partenaire de Mathé, producteur des thés Sultan, dans ses relations avec son fournisseur chinois, Bonna, pour un financement extérieur de 25 millions de dollars.
Face à la montée en puissance de la monnaie chinoise dans les échanges internationaux, nous avons fait le choix de permettre à nos clients de se familiariser avec cette devise, précise Sanaa Drissi Alami
Chez Attijariwafa Bank, on préfère miser sur la promotion du yuan, adoubé cette année par le FMI et devenu il y a peu une monnaie de réserve. « Face à la montée en puissance de la monnaie chinoise dans les échanges internationaux, nous avons fait le choix de permettre à nos clients de se familiariser avec cette devise, notamment pour gagner des points de négociation avec leurs fournisseurs chinois à qui ils évitent le risque de change », précise Sanaa Drissi Alami, responsable de la division International Group d’Attijariwafa Bank. Au Maroc, le yuan, s’il fait partie des monnaies affichées par Bank Al-Maghrib, n’est pas coté et ne peut donc pas être utilisé en interbancaire.
Attijariwafa Bank accompagne certaines entreprises chinoises au Maroc, comme Shandong Shangang dans son projet d’aciérie à Tanger, ou encore le joint-venture entre Haifen Fisheries et China National Fisheries Corporation (CNFC). Elle a aussi émis les cautions de marché afin de soutenir Electric Power Construction Corporation (Sepco, filiale de PowerChina) dans le cadre du projet de construction de la centrale thermique de Jerada pour l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE).
Accords souterrains
C ‘est principalement ce qui se trouve dans son sol que le Maroc exporte vers la Chine. Plomb, zinc, étain, cuivre et dérivés des phosphates (produits azotés et engrais naturels ou chimiques) ont constitué 71,9 % des exportations marocaines vers la Chine en 2014, soit un montant de 1,636 milliard de dirhams (environ 148 millions d’euros). La Chine et le Maroc (respectivement premier et deuxième producteurs) représentent les deux tiers de la production mondiale de phosphates. « Les premiers accords entre les banques marocaines et leurs partenaires chinoises se sont d’ailleurs mis en place pour accompagner les exportations du groupe OCP en Chine », explique un cadre du ministère de l’Économie et des Finances.
Les premiers échanges entre OCP et la société étatique chinoise Sinochem, premier producteur et distributeur d’engrais en Chine, datent en effet de 1958. Ils ont été renforcés en 2005 par un accord faisant passer la livraison d’engrais marocains phosphatés de 200 000 à 750 000 tonnes par an. Depuis 2005 également, OCP achète à la Chine du soufre et des additifs, en échange d’engrais et d’acide phosphorique. Mais, au-delà des phosphates, Pékin s’intéresse à l’ensemble du sous-sol du royaume. Depuis 2001, la Chine a ainsi régulièrement accordé des dons au ministère de l’Énergie et des Mines pour la réalisation des cartes géochimiques des régions de Guelmim-Es-Semara, du Souss-Massa-Drâa et de l’Anti-Atlas oriental.
Les hydrocarbures ne sont pas en reste : l’Office national des hydrocarbures et des mines (Onhym) a signé l’an dernier un accord de recherche pétrolière avec China Nerin Engineering, et China National Offshore Oil Corporation (Cnooc) vient d’obtenir deux permis d’exploration onshore dans le sud du pays.
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