À Afreximbank, Benedict Oramah mise sur le commerce intra-africain

Nouveau patron d’Afreximbank, le Nigérian entend muscler les échanges sur le continent et développer les exportations. Portrait d’un homme décidé à faire bouger les lignes.

Benedict Oramah est arrivé à Afreximbank en 1994, en tant qu’analyste en chef. © Ark Group/Andy J. Ryan Photography

Benedict Oramah est arrivé à Afreximbank en 1994, en tant qu’analyste en chef. © Ark Group/Andy J. Ryan Photography

Publié le 23 décembre 2015 Lecture : 5 minutes.

Depuis vingt et un ans, Benedict Oramah est impliqué dans chaque étape de l’évolution de la Banque africaine d’import-export, Afreximbank. Arrivé en 1994 en tant qu’analyste en chef, lorsque l’institution a commencé ses opérations, Oramah fait partie des six personnes qui ont posé les fondations de l’institution. Depuis, il n’a cessé d’évoluer dans l’organisation pour en devenir le vice-président exécutif en 2008. Devenu le troisième président de la banque en septembre 2015, il a remplacé Jean-Louis Ekra. À ce poste, il garde en ligne de mire sa spécialité : le commerce du continent à la fois en son sein et avec le reste du monde.

« Ma priorité sera d’agir sur les échanges intra-africains et sur le commerce entre le continent et le Sud. Je suis convaincu qu’en concentrant nos efforts sur ces échanges, nous atteindrons l’objectif de la transformation du secteur africain des exportations », assure-t-il. Ses pairs en attestent, Oramah est entièrement dévoué à cette cause. « Il y croit vraiment », affirme Chris Oshiafi, le directeur général de Pan African Capital, basé à Lagos, qui le connaît depuis au moins dix ans.

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Fossé

Oramah promet ainsi d’augmenter les échanges interrégionaux, très faibles, et les exportations de produits à forte valeur ajoutée, réduisant ainsi la dépendance du continent à l’égard des exportations de produits bruts. Il a dirigé l’équipe d’Afreximbank qui a développé l’initiative Cacao Afrique, un mécanisme censé faire passer le niveau de transformation du cacao sur le continent de 20 % actuellement à 35 % en 2016.

Cette initiative lancée en 2012 vise à renforcer la capacité du continent, premier producteur mondial de cacao, dans l’exportation de la fève transformée, et donc à augmenter ses gains. Le programme cible avant tout la transformation primaire afin de produire du beurre de cacao, de la liqueur de cacao et de la poudre de cacao. Le chocolat viendra plus tard, selon Oramah. L’initiative a déjà enregistré des résultats significatifs et s’est attiré le soutien de pays africains producteurs et d’institutions européennes de financement du développement. À fin 2014, la banque avait consacré 350 millions de dollars (près de 288 millions d’euros) à l’opération.

Afreximbank juge qu’il y a un fossé entre le financement de l’importation de biens d’investissement et le préfinancement de biens à valeur ajoutée destinés à l’export, affirme Oramah

Pour ce qui est des contraintes pesant sur ce type de projets, « Afreximbank juge qu’il y a un fossé entre le financement de l’importation de biens d’investissement et le préfinancement de biens à valeur ajoutée destinés à l’export, affirme Oramah. Ceux qui se lancent dans ce genre de commerce ont très peu accès au financement d’échanges commerciaux ».

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Jean-Louis Ekra a souligné l’effet démultiplicateur que l’institution peut avoir, en faisant valoir que le milliard de dollars investi dans 19 projets en 2014 a attiré pour 7 milliards de dollars d’investissements supplémentaires.

Combler cet écart est en ligne avec les objectifs des pères fondateurs de la banque, qui avaient imaginé qu’Afreximbank aiderait à promouvoir le commerce intrarégional et servirait à la transformation du secteur des exportations. « La banque devrait également contribuer à améliorer l’accès des Africains au financement du commerce, en particulier dans l’industrie de transformation », précise Oramah.

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Depuis l’origine, le Nigérian est impliqué dans la formulation de la stratégie de la banque. Il en a écrit les chapitres clés et a supervisé la préparation des quatre plans stratégiques établis depuis 1995. Il a également mené des missions particulières en son nom. Par exemple, il a eu la responsabilité des premières notations de l’établissement. Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s ont attribué un « investment-grade » à la banque, ce qui lui a permis de procéder à l’émission d’eurobonds pour 300 millions de dollars en 2009.

Mobile

L’expansion géographique était également l’une des priorités d’Afreximbank récemment. En plus de ses bureaux régionaux à Harare et à Abuja, elle a inauguré de nouveaux locaux à Abidjan. Elle a également signé en juin un contrat de 64,3 millions de dollars pour un projet d’hôtel au Cap-Vert.

Le nouveau président est cependant confronté à des défis clés. L’un d’eux étant de parvenir à développer le capital de base de la banque pour lui donner les moyens de réaliser le type d’intervention qu’elle envisage. Pour l’instant, ses objectifs dépassent largement ses capacités. Au 30 juin, les actionnaires ont apporté 1,2 milliard de dollars, alors que la levée de fonds initiale ciblait un montant de 423 millions de dollars. Les actionnaires d’Afreximbank – dont plusieurs sont des gouvernements – ont accepté de monter son capital autorisé à 5 milliards de dollars.

C’est seulement avec une capitalisation accrue que la banque peut espérer répondre, avec d’autres, à la demande de financement, admet Oramah. Le portefeuille de transactions totalise 40 milliards de dollars selon lui. « Augmenter notre soutien à l’exportation de biens manufacturés nécessite des capitaux, des compétences spécialisées et des partenariats pour agir de manière efficace en minimisant les risques. » La banque doit lancer un autre eurobond de 500 millions de dollars avant la fin de l’année.

Objectif : porter la part des échanges formels de 13 % à 20 % environ de la valeur globale des transactions réalisées sur le continent

Il faut aussi qu’Afreximbank définisse une stratégie claire pour élaborer un système favorisant les transferts internationaux d’argent et de biens. Elle cherche ainsi à utiliser la technologie mobile pour faire entrer dans un cadre formel les 60 milliards de dollars que représente le commerce intra-africain informel. Objectif : porter la part des échanges formels de 13 % à 20 % environ de la valeur globale des transactions réalisées sur le continent. En novembre 2014, la banque a entamé des pourparlers avec Econet Wireless, une société de l’homme d’affaires Strive Masiyiwa basée au Zimbabwe, sur la création d’un système de paiement via le téléphone mobile pour le commerce.

Sous la direction d’Oramah, il semble qu’Afreximbank va continuer à proposer en urgence des financements aux pays confrontés à des difficultés financières. En 2014, l’établissement a instauré un mécanisme de 100 millions de dollars pour aider les banques du Zimbabwe à régler leurs problèmes de liquidités.

En août, Oramah a annoncé un programme d’échanges avec la Banque centrale du Ghana, aux prises avec une dépréciation de sa monnaie et une inflation élevée entre autres défis économiques. Les autorités ghanéennes ont demandé à Oramah l’aide de son institution afin de monter leur propre banque nationale d’import-export. En suivant cette voie, le prêteur panafricain se place comme un partenaire de choix pour les gouvernements qui cherchent à améliorer leur position dans le commerce international.

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