Brésil : Dilma Roussef, dans la nasse

Le président de la chambre des députés veut destituer Dilma Rousseff. Même si la procédure ne va pas à son terme, la présidente n’avait vraiment pas besoin de ça !

Opposants devant le siège du Parlement, à Brasília, le 2 décembre. © EVARISTO SA/AFP

Opposants devant le siège du Parlement, à Brasília, le 2 décembre. © EVARISTO SA/AFP

Publié le 16 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

« Je ne le fais pas de gaîté de cœur, mais pour des raisons politiques », a cru bon de préciser Eduardo Cunha, membre du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) et ex-allié de Dilma Rousseff devenu au fil des années son plus farouche adversaire. C’est lui, et lui seul qui, comme la loi l’y autorise, a jugé recevable la demande de destitution de la présidente déposée par trois juristes au motif que celle-ci aurait tenté de dissimuler par des pirouettes fiscales l’ampleur du déficit budgétaire. En d’autres termes, elle a fait supporter temporairement aux banques le financement de divers programmes sociaux. La pratique est sans doute illicite, mais elle n’a rien d’exceptionnel, comme l’a rappelé Eduardo Cardozo, le ministre de la Justice. Au moins deux anciens chefs de l’État – Henrique Cardoso et Luiz Inácio Lula da Silva – y ont eu recours dans le passé sans jamais être inquiétés.

À dire le vrai, ces petites manipulations fiscales sont peu de chose comparées aux soupçons dont Cunha, un conservateur ultra-évangélique dans la grande tradition, fait lui-même l’objet : accusé de corruption passive et de blanchiment d’argent, il aurait reçu 5 millions de dollars de pots-de-vin dans l’affaire Petrobras. Récemment, la justice a découvert qu’il possède en Suisse plusieurs comptes bancaires par où auraient transité plusieurs millions de dollars. Il doit être jugé par un Comité d’éthique.

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Convaincu que la présidente est à l’origine de ces fâcheuses révélations, Cunha lui a publiquement déclaré la guerre et, depuis, bloque tous les projets de loi au Congrès. Mais parallèlement, il a longtemps espéré que le Parti des travailleurs, au pouvoir, accepterait de voter l’abandon des poursuites contre lui en échange d’un enterrement de la procédure de destitution visant Rousseff.

Cette dernière s’estime victime d’un « chantage » et qualifie ladite procédure de « coup d’État démocratique ». « Je suis tranquille, dit-elle, parce que j’ai l’absolue conviction que cette demande est infondée. » Et puis, ajoute-t-elle perfidement, elle au moins « ne possède aucun compte à l’étranger »…

La demande de destitution peut-elle aboutir ?

Les juristes se succèdent désormais sur les plateaux de télévision pour exposer en détail cette procédure longue et complexe. La Constitution dispose qu’une commission parlementaire spéciale doit être mise en place pour décider de la recevabilité de la demande. Si la réponse est positive, les députés sont appelés à se prononcer. Pour que la procédure soit engagée, il faut que les deux tiers d’entre eux (342 sur 513) en décident ainsi.

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Une commission d’enquête est alors constituée, qui dispose de 180 jours pour étudier la demande. C’est aux sénateurs réunis en session plénière – et en présence du président du Tribunal suprême – que revient la décision finale. Si la destitution venait à être votée, Dilma Rousseff serait remplacée jusqu’à la fin de son mandat par Michel Temer, son vice-président, qui est membre du PMDB. Elle serait en outre inéligible pendant huit ans.

Elle doit faire une croix sur le soutien de la gauche, qui ne lui pardonne pas ce qu’elle appelle son « virage à droite »

Ce scénario est très improbable. Tous les experts en sont d’accord : la base juridique de la demande de destitution est fragile. Mais l’affaire risque d’affaiblir un peu plus la présidente et son Parti des travailleurs, dévasté par les incessants rebondissements du scandale Petrobras. D’autant qu’elle doit faire une croix sur le soutien de la gauche, qui ne lui pardonne pas ce qu’elle appelle son « virage à droite ».

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Isolée au Congrès, Rousseff s’est rapprochée de l’opposition et a accepté de mettre en œuvre un « agenda Brasil », programme conservateur aux antipodes de l’idéologie de son parti. Et elle ne peut même pas compter dans l’immédiat sur une embellie de l’économie. Après douze années de croissance ininterrompue, le Brésil est entré en récession. Le recul du PIB sera cette année de 3 %. Selon le journal Folha de S. Paulo, il s’agit de la pire crise économique depuis vingt ans.

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