Présidentielle aux Seychelles : James Michel – Wavel Ramkalawan… enfin du suspense !
Les Seychellois croyaient le candidat du Lepep indétrônable. Mais l’actuel président, au pouvoir depuis 2004, pourrait être battu par son éternel opposant lors du premier second tour de l’histoire du pays.
C ‘ était il y a quatre ans et demi. James Michel venait d’être confortablement réélu président des Seychelles avec plus de 55 % des voix dès le premier tour, en dépit de la banqueroute que le pays avait frôlée trois ans plus tôt et de la série de réformes impopulaires qu’il avait engagées en guise de remède. Son adversaire pensait tout abandonner après l’échec de sa quatrième tentative. Mais Wavel Ramkalawan a finalement cru en sa bonne étoile. Et la cinquième sera peut-être la bonne. Pour la première fois dans la jeune histoire de la démocratie seychelloise, l’élection du chef de l’État se jouera au second tour, les 16, 17 et 18 décembre.
Au premier – plus disputé que jamais, avec six candidats -, Michel a obtenu 47,76 % des suffrages, Ramkalawan 33,93 %. Plus de 8 000 voix les séparent. Un gouffre dans un pays qui ne compte que 70 000 électeurs. Mais les autres candidats ont très vite annoncé leur soutien à l’opposant historique. Si Ramkalawan venait à l’emporter, il s’agirait, selon un diplomate de la sous-région, d’une « petite révolution » : depuis le coup d’État du socialiste France-Albert René en 1977, l’archipel n’a connu qu’un parti au pouvoir.
Un premier tour inattendu
Personne, au sein du Lepep, qui fut longtemps hégémonique, n’avait envisagé un tel scénario. « Le parti est en état de choc, explique le même diplomate. Ils croyaient qu’ils l’emporteraient dès le premier tour. Pourtant, ce résultat était prévisible. Il y a une grande frustration dans la population. La scission du Lepep aurait dû les alerter. » En début d’année, un baron du régime, Patrick Pillay, avait claqué la porte du parti, dénonçant une dérive clientéliste et entraînant avec lui de nombreux cadres. Au Lepep, on minorait cette saignée et on mettait en avant les bons résultats économiques du pays et la préservation du modèle social.
Erreur : Pillay a recueilli 14,19 % des suffrages lors du premier tour. Ses attaques contre un pouvoir « sclérosé » et « corrompu » ont fait mouche. Ramkalawan, qui n’a cessé de dénoncer le « régime Lepep », n’en a pas profité – il a perdu des voix entre le scrutin de 2011 et celui des 3, 4 et 5 décembre. Le voilà pourtant en position de l’emporter. « Ce sera très serré, prédit un fin connaisseur de la politique seychelloise. Le fait qu’il y ait un second tour ouvre de nouvelles perspectives. Longtemps, les Seychellois ont cru que le Lepep était imbattable. Désormais, ils savent que c’est possible. »
Ce n’est pas une bête politique. Il n’a pas de charisme, il ne sait pas parler aux foules. Il n’a jamais eu à le faire, estime un de ses ministres
Ils devront choisir entre deux hommes qui ne s’apprécient guère et aux parcours diamétralement opposés. D’un côté, un apparatchik de 71 ans doté d’une réelle vision pour son pays, mais qui ne doit de le diriger qu’à son ascension au sein du Lepep. Plusieurs fois ministre, puis vice-président, Michel a été coopté à la présidence quand son mentor, France-Albert René, a tiré sa révérence en 2004, avant d’être élu en 2006 et réélu en 2011. « Il a fait de très bonnes choses à la tête du pays, estime un de ses anciens ministres. Mais ce n’est pas une bête politique. Il n’a pas de charisme, il ne sait pas parler aux foules. Il n’a jamais eu à le faire ».
Face à lui, un prêtre de 54 ans au tempérament volcanique et issu d’une famille modeste, moins visionnaire mais plus proche du peuple. Ramkalawan a très tôt dénoncé les abus du parti unique dans son église avant de se lancer dans l’arène politique, de créer le parti Seselwa (devenu Seychelles National Party), de s’imposer comme la principale figure de l’opposition et, finalement, de quitter les ordres. « Ramkalawan est beaucoup plus à l’aise à l’oral, poursuit l’ex-ministre. Il bénéficie du soutien discret des églises. Mais nombre de Seychellois doutent de ses capacités à diriger le pays. » « Now is the time », a-t-il répété tout au long de la campagne. Really?
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